Je vous remercie de débattre aujourd'hui de l'accès aux droits sociaux et j'ai bien entendu vos remarques.
Certains d'entre vous connaissent peut-être mon histoire personnelle, mon passé professionnel dans le secteur social, où j'ai oeuvré vingt ans en faveur de l'insertion des plus exclus.
C'est forte de ce passé, et de la mission que j'assure désormais au ministère des solidarités et de la santé, que je voudrais vous dire, en quelques mots, à quel point cette notion d'accès aux droits est structurante. Elle l'est pour la pensée en matière sociale et pour sa mise en oeuvre sur le terrain.
Elle est un angle majeur de l'action publique en matière de lutte contre la pauvreté.
Suite à la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, on pourrait même dire qu'elle en est devenue la pierre angulaire.
L'article 1er de cette loi disposait en effet que la loi tendait à « garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, et la protection de la famille et de l'enfance ».
Il y avait là une inflexion importante, voire plusieurs. Tout d'abord était exprimée l'idée que la lutte contre la pauvreté n'avait rien d'optionnel : c'était un devoir, celui de répondre à des droits. Ensuite, l'accès à ces droits devait être effectif, réel, et non théorique comme il l'est trop souvent. Enfin, la lutte contre la pauvreté convoque obligatoirement un ensemble de politiques sectorielles complémentaires : c'était le début des approches interministérielles.
Ces inflexions ont été confirmées par les lois suivantes, notamment celle de 2008 créant le RSA. Les idées, lorsqu'elles ont suffisamment de force, peuvent guider une très profonde évolution des pratiques. Celle d'une société inclusive a ainsi réorienté durablement notre vision et notre approche du handicap.
Je crois que celle de transformer la lutte contre la pauvreté en politique d'accès effectif aux droits fondamentaux était de cette nature, de cette puissance.
C'est désormais une ligne-force, un impératif constant de notre action, particulièrement au sein du ministère des solidarités et de la santé.
Vous avez choisi d'axer votre débat autour de l'accès aux droits sociaux. Ces derniers sont de plusieurs ordres, et ma typologie ne sera pas exhaustive : les droits sociaux de nature monétaire – je pense aux prestations de sécurité sociale de nature universelle ou distribuées sous conditions de ressources, aux minima sociaux comme le revenu de solidarité active ou l'allocation pour les adultes handicapés, aux aides au logement ou à la prime d'activité – , les droits et services essentiels, qui ne sont pas forcément de nature monétaire – le droit à la santé ou à une couverture maladie universelle.
Pour assurer l'accès aux droits, les défis ne sont évidemment pas les mêmes selon la nature des dispositifs, et les solutions non plus.
La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée par le Président de la République en septembre dernier, a posé à plat, clairement, les nombreux freins à l'accès aux droits. Elle a aussi permis de rassembler les idées, les solutions, et d'en dresser une feuille de route, que je voudrais vous exposer brièvement.
Bien entendu, l'accès aux droits fait immédiatement penser à son contraire : le non-recours aux droits. Ce non-recours, difficile à appréhender, diffère selon les prestations.
Il étonne encore, tant les idées reçues sur notre système social renvoient davantage au spectre exagéré de la fraude qu'à la réalité bien ancrée du renoncement aux droits.