C'est en application des dispositions du code de la santé publique relatives aux procédures de nomination en qualité de président ou de directeur d'agence sanitaire, que vous avez évoquées, madame la présidente, que j'ai l'honneur de me présenter devant votre commission comme en dispose la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Je mesure la responsabilité qui est la mienne cinq ans après ma première nomination à la tête de Président de l'Établissement français du sang (EFS), dans le cadre d'un possible renouvellement pour trois années supplémentaires.
Cinq ans qui, objectivement, ne furent pas « un long fleuve tranquille », mais qui, je pense, ont montré la force et la richesse au quotidien ainsi que les tensions comme les réussites du service public de la transfusion au service de la santé publique et des patients.
Je vais vous présenter rapidement l'Établissement français du sang, puis dresser le bilan synthétique de ces cinq années, et ensuite vous faire part des orientations que je souhaite donner à un éventuel deuxième mandat, avant de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
L'Établissement français du sang a été créé le 1er janvier 2000 ; il est issu des lois du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament et du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. Cette création a bien évidemment tiré toutes les conséquences d'un sujet très grave ayant beaucoup ému notre pays : l'affaire du sang contaminé.
L'EFS collecte, prépare, qualifie puis distribue aux établissements de santé les produits sanguins labiles (PSL) dont les malades ont besoin. En outre, il exerce aussi des activités dites « associées » au coeur de métier, avec des centres de santé dans lesquels sont pratiqués des saignées thérapeutiques, des prélèvements de cellules, mais aussi des activités de recherche et de formation.
L'établissement compte 9 000 collaborateurs, très investis dans leurs missions ; son chiffre d'affaires s'élève à 900 millions d'euros environ ; il comporte quinze établissements régionaux, est présent dans 200 sites répartis sur tout le territoire, ce qui constitue une réalité territoriale très forte. Il réalise 40 000 collectes mobiles par an. À cet égard, je rappelle que la prochaine collecte à l'Assemblée nationale aura lieu au mois de décembre, et la suivante au mois de juin ; je vous remercie de vous mobiliser régulièrement pour donner votre sang.
Comment qualifier l'Établissement français du sang ?
C'est un établissement singulier, stratégique et sensible.
Singulier parce qu'il est responsable d'un service public particulier, qui par son éthique s'appuie sur la générosité des donneurs, de leurs associations et de nos concitoyens contribuant sans rétribution au don du sang. Cette générosité, il faut le rappeler, fonde l'esprit, ou l'exemple, de notre modèle transfusionnel français ainsi que les valeurs fortes auxquelles les donneurs comme la société civile sont très attachés : bénévolat, volontariat, anonymat, gratuité du don.
Singulier encore en raison de sa principale mission, placée au coeur de la santé publique : l'Établissement détient le monopole de la transfusion sanguine civile et se trouve exposé à la concurrence pour une partie de ses activités. Il lui revient également de dégager les gains d'efficacité nécessaires à sa modernisation ; enfin, il exerce auprès des équipes soignantes des missions de conseil dans le domaine de la transfusion.
Son statut hybride fait de lui un établissement original : il est constitué en établissement public à but non lucratif dont la nature est qualifiée d'administrative, mais son régime financier et comptable est celui des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Il s'agit donc là d'une construction juridique très intéressante, et dont la gestion au quotidien n'est pas toujours simple.
Il faut conserver à l'esprit que l'EFS est un établissement stratégique. Il est producteur d'une ressource très précieuse : le sang humain, qui se présente sous différentes formes et ne connaît aujourd'hui ni substitut ni importation possible. Cette ressource vitale permet de répondre aux besoins des malades sur l'ensemble du territoire national, soit environ un million de patients pris en charge grâce à un peu plus de 3 millions de dons par an, effectués par un peu moins de 1,6 million de donneurs.
L'Établissement gère des produits sanguins sensibles, des concentrés de globules rouges, des plaquettes, du plasma thérapeutique, mais il fournit également aux laboratoires français de fractionnement des biotechnologies un plasma appelé matière première, qui sert à la production de médicaments dits « médicaments dérivés du sang ».
Les produits sanguins sont également stratégiques, notamment dans le cadre du développement des thérapies de demain liées à l'extraordinaire potentiel thérapeutique des cellules sanguines et médullaires.
L'ESF est aussi un établissement sensible. Je redis devant vous que, depuis que l'Établissement existe, l'autosuffisance en produits sanguins a toujours été assurée, grâce à l'engagement et la mobilisation permanente des donneurs, de la société civile et de nos personnels. Je rappelle souvent qu'environ 10 000 dons par jour sont nécessaires pour prendre en charge la totalité des patients, ce qui appelle un travail régulier avec les associations de donneurs de sang.
Quel bilan puis-je dresser de ces cinq années passées à la tête de l'Établissement français du sang, tout en rappelant qu'il a toujours été au rendez-vous des missions que les pouvoirs publics lui ont confiées ?
Premier élément de ce bilan : l'autosuffisance en produits sanguins labiles a toujours été garantie ; nous n'avons jamais manqué de produits sanguins labiles.
L'effort est quotidien, car ces produits ont une durée de vie limitée, de quarante-deux jours pour les globules rouges, cinq jours pour les plaquettes, et un an pour le plasma. La gestion de l'Établissement consiste à essayer de conjuguer en permanence l'effort de collecte, la gestion des stocks, mais également la lutte contre la péremption. Et je suis très fier de pouvoir vous dire que l'EFS est sûrement l'établissement qui, au monde, connaît le plus faible taux de péremption des produits sanguins, qui pour les globules rouges avoisine 0,05 %.
Conformément aux échanges que nous avons avec la direction générale de la santé (DGS), il nous est imposé de maintenir un stock de haut niveau, situé entre douze et quatorze jours pour les globules rouges, afin de faire face aux aléas susceptibles de se produire chaque jour. Chaque matin, je reçois sur mon bureau l'état des stocks régionaux ainsi que celui du stock national de produits sanguins.
Je souligne que la mise à disposition des produits sanguins labiles dans tous les établissements de santé signifie une présence sur tout le territoire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, et que nous procédons à la fois aux examens d'immuno-hématologie ainsi qu'à la délivrance des produits dont les patients ont besoin.
Deuxième élément du bilan : la sécurité sanitaire a été maintenue à un haut niveau.
La garantie de la sécurité sanitaire constitue un impératif quotidien pour l'EFS, fortement marqué dans son histoire par le scandale du sang contaminé. Je pourrais décliner l'ensemble des mesures de sécurité sanitaires prises au cours de ces cinq années, mais je préfère vous exposer, à travers quatre événements, comment nous avons réagi.
Il s'agit tout d'abord de la gestion du risque bactérien, deuxièmement de la lutte contre les risques épidémiques émergents, troisièmement de la sécurité des donneurs, et enfin, malheureusement, de la gestion des attentats.
S'agissant de la lutte contre les risques épidémiques émergents, je suis en mesure de vous annoncer qu'à la fin de l'année nous aurons déployé un système permettant d'atténuer la totalité des pathogènes sur l'ensemble du territoire. Nous disposerons ainsi d'une gestion nationale du risque bactérien par atténuation des pathogènes ainsi que de certains petits virus portés par de très vilains moustiques.
La lutte contre les risques émergents constitue un sujet très important puisque, dans l'urgence en 2014, puis en 2015 et 2016, nous avons été conduits à prendre des mesures adaptées afin de lutter contre les épidémies de chikungunya puis de Zika aux Antilles et en Guyane. Nous avons également mis en place un plan de continuité d'activité (PCA), car ces maladies sont aussi susceptibles de se développer dans le sud de la France.
Autre question fondamentale parfois oubliée, la sécurité à laquelle les patients ont droit : les produits sanguins doivent leur être administrés dans la plus grande sécurité, mais les donneurs ont aussi le droit de donner leur sang sans que leur sécurité soit jamais remise en cause. C'est pourquoi nous avons décidé de développer des programmes de vigilance renforcée. À cet effet, nous avons mené une étude intitulée « Évasion », qui montre comment peuvent être limitées les conséquences quelque peu négatives du don de sang, notamment en montrant à l'occasion du don les gestes permettant d'éviter les malaises susceptibles de survenir.
Enfin – et comment ne pas penser à l'attentat commis à Las Vegas il y a quelques jours ? –, nous avons dû subir les deux épisodes très durs qu'ont constitués les attentats de Paris et de Nice.
J'avoue qu'il est assez difficile pour moi d'évoquer ces sujets sans émotion car, le 13 novembre 2015 puis le 14 juillet 2016, l'Établissement a participé à la prise en charge des blessés avec les équipes soignantes. Celles-ci nous ont dit que, dans ces moments, les produits sanguins n'ont jamais fait défaut. Et si cela a été possible, c'est bien parce que nous avions su conduire la politique de stocks nécessaire, même si la gestion du nombre considérable de donneurs après de tels événements peut poser des problèmes comparables à ceux qu'ont rencontrés nos collègues à Las Vegas.
Troisième point du bilan : notre modèle économique, qui est équilibré mais fragile.
Je rappelle que l'EFS est un opérateur de santé qui se finance par ses activités principales, à savoir la cession aux hôpitaux de produits sanguins labiles, laquelle connaît une diminution régulière, de 1 % à 2 % par an. Dans ce contexte, nous avons été conduits à mettre en oeuvre d'importantes réformes structurelles, qui ont permis de préserver les équilibres financiers de l'Établissement en retrouvant des marges de manoeuvre.
J'assume le fait qu'une politique volontariste efficiente a été menée, notamment en nous efforçant de rationaliser une politique nationale d'achat, qui a permis des gains de 40 millions d'euros en cinq ans.
Nous avons par ailleurs adopté une organisation plus efficace de l'ensemble de nos activités de collecte et de qualification biologique des dons.
Enfin, nous sommes en train de revoir notre organisation territoriale afin de disposer d'établissements régionaux plus importants en harmonisant l'ensemble de nos procédures, ce qui devrait générer des économies à terme.
Ainsi que je l'ai indiqué, l'Établissement compte un peu moins de 10 000 collaborateurs, et l'enjeu du dialogue social avec des personnels dont les conditions de travail sont parfois compliquées est fondamental. Nous avons donc mené avec les partenaires sociaux une négociation, qui a abouti à l'harmonisation des règles d'aménagement du temps de travail. Nous discutons par ailleurs actuellement de la définition de ce que seront les tâches du futur : comment attirer les compétences de demain ? Nous sommes confrontés au vrai sujet de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, dans un monde où la ressource médicale risque de se raréfier quelque peu.
Toutes ces actions sont conduites dans un environnement – comment l'oublier ? – que vous me pardonnerez de qualifier de plus menaçant qu'auparavant.
Plus menaçant, parce qu'après une plainte déposée par un laboratoire pharmaceutique, dont évidemment je tairai le nom, le Conseil d'État, après avis de la Cour de justice de l'Union européenne, a décidé le 23 juillet 2014 que notre plasma thérapeutique sécurisé par solvant-détergent, dit « plasma PFC-SD », n'était plus un produit sanguin labile (PSL), mais un médicament dérivé du sang (MDS). Dès lors, ce produit est entré dans le jeu de la concurrence des appels d'offres hospitaliers. Cette situation nous a conduits à réorganiser l'ensemble de la filière du plasma thérapeutique, et nous sommes aujourd'hui en concurrence avec des opérateurs privés.
Autre élément complexe : nous connaissons une période de croissance mondiale du besoin en plasma comme matière première pour fabriquer des MDS. On constate donc que cette collecte nécessite des efforts importants pour que, toujours dans le respect de l'éthique, nous puissions prendre en charge l'ensemble des malades sur le territoire national. La réalité, cependant, est que nous ne couvrons pas la totalité des besoins, et que nous sommes amenés à importer une partie du plasma matière première, ce qui pose la question de la préservation de notre modèle.
Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, à ma vision des axes majeurs pour l'exercice d'un nouveau mandat.
L'Établissement doit poursuivre son effort de modernisation tout en continuant à assurer ses missions auprès des malades. C'est pourquoi j'ai souhaité le doter d'une vision prospective de long terme que j'ai appelée « EFS 2035 » et qui permette – bien que nul ne sache ce que sera le monde à cette échéance – de dire, en termes de médecine et de techniques de demain, quels éléments peuvent être définis. Nous devons encore déterminer aujourd'hui comment notre organisation et la recherche à venir pourront nous soutenir dans cette démarche.
En tout état de cause, tout président de l'EFS doit demeurer attentif à l'autosuffisance, à l'efficience, à la sécurité : voilà les priorités que je souhaiterais exposer devant vous.
La première priorité consiste à imaginer et à construire la collecte de demain avec les donneurs, qui doivent être au coeur de nos préoccupations.
Quel est aujourd'hui le contexte de la collecte ?
Nous sommes confrontés à la nécessité d'un renouvellement important de la population des donneurs, car 170 000 d'entre eux quittent nos fichiers, soit parce qu'ils sont atteints par la limite d'âge de 70 ans, soit parce qu'ils sont porteurs de maladies les excluant du don.
Or les besoins en produits sanguins demeurent constants, bien que diminuant légèrement, et il n'est pas envisagé avant dix ou quinze ans de substitution à leur utilisation à grande échelle. Par ailleurs, le don du sang doit davantage être à l'image de la diversité phénotypique que notre pays représente.
À mes yeux, cette situation a plusieurs conséquences.
Il faut mieux connaître les donneurs, et l'une des critiques que nous pourrions nous adresser est d'avoir trop « fait de science » autour de la médecine, alors que nous aurions peut-être dû nous tourner davantage vers les sciences sociales.
Ainsi devrions-nous nous interroger sur ce qu'est le don, sur la façon dont il est appréhendé, particulièrement dans certaines communautés. Comment les approcher ? Que signifie le don pour elles ? C'est là un sujet important, qui ne doit pas être abandonné aux seules techniques de marketing, mais doit aussi faire l'objet d'une approche universitaire recourant à la sociologie et à la psychologie. Je connais bien les Antilles, où l'on constate que le don de sang ne va pas nécessairement de soi, de même qu'il n'est pas toujours simple d'aller collecter dans certaines banlieues.
Ce sujet me semble fondamental. Nous devons dire aux donneurs que le don est une expérience qu'il faut renouveler. Et le donneur doit être bien accueilli : il faut qu'il trouve que c'est bien de venir à l'EFS, et qu'on lui démontre l'utilité de son don.
Dans cette perspective, nous devons engager une vraie transformation numérique de l'Établissement. Nous ne pouvons pas continuer à utiliser des moyens de communication qui sont ceux d'il y a vingt et trente ans ; dans certaines collectes, les jeunes gens font des selfies pendant qu'ils donnent leur sang, et les envoient à leurs amis.
Nous devons également attacher une attention particulière aux zones fragiles ou éloignées : la situation outre-mer me paraît singulièrement difficile. Nous devons, notamment pour la Guyane et Mayotte, engager les études qui nous permettront de savoir quand nous pourrons à nouveau collecter. Nous devons encore améliorer les moyens de collecte de sang aux Antilles et à La Réunion, car nous en avons besoin.
La diversité phénotypique de la population doit, en outre, être mieux représentée ; une politique ambitieuse de collecte de sangs rares doit être impulsée, car la prise en charge de certaines maladies nécessite une amélioration dans ce domaine. C'est la priorité absolue.
Nous devons par ailleurs renforcer nos capacités d'anticipation de la sécurité transfusionnelle afin de relever le défi de la mondialisation et de la multiplication des risques protéiformes.
À titre d'exemple, si nous avons pu faire face sans problème particulier à l'épisode Irma, c'est parce que nous avions positionné des produits sanguins par avance, juste avant la survenue de l'ouragan. Et il en a été de même pour le virus Zika. Nous voyons bien que l'anticipation de ces risques, en coopération avec nos collègues de Santé publique France et de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), constitue un enjeu primordial.
De leur côté, les techniques d'inactivation ou de détection doivent être améliorées, car les globules rouges restent le médicament le plus souvent administré : ils ne subissent aucun traitement, il faut donc chercher comment les traiter ; et cela constitue une perspective importante pour la recherche fondamentale.
La leçon que nous pouvons tirer des attentats de Nice et du Bataclan est que la question du stock constitue un élément stratégique de sécurité. Ce sont des chiffres que je ne divulgue que rarement : dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, nous avons utilisé trois fois plus de produits sanguins que d'habitude à Paris, mais cette quantité ne correspondait qu'à 10 % de nos réserves.
Cet atout doit être préservé, avec toutefois un sujet de préoccupation : il s'agit, plus que des produits sanguins eux-mêmes, que nous avons en quantité suffisante, de l'acheminement des produits là où ils doivent être administrés, y compris dans les hôpitaux. La question de la logistique en temps de crise est donc essentielle.
Troisième axe de mes engagements pour ce futur mandat : il me semble que l'EFS doit prendre sa part d'une meilleure allocation des ressources en matière de dépenses de santé. Nous sommes déjà un acteur de la réduction des actes redondants. Nous devons, en multipliant les échanges de données informatisées avec les hôpitaux, continuer à participer à cette meilleure allocation. L'EFS doit aussi, à mon sens, gérer ce qu'en anglais on appelle le patient blood management, et que j'appellerai la gestion du sang pour le patient. Notre projet en la matière, afin de n'administrer ni trop ni trop peu de produits, vise à aboutir à une allocation optimale des ressources.
Je finirai par deux éléments de réflexion pour l'avenir. Le premier, complexe, est lié à la consolidation de la filière plasma en France : c'est à la fois une exigence et une nécessité. D'un point de vue macroéconomique, le plasma sert de matière première pour la fabrication de médicaments dérivés du sang, dont beaucoup de malades ont besoin, on le sait. Or, 80 % de cette matière première arrive des États-Unis, ce qui est, en soi, un risque, car les conditions de collecte y sont parfois très loin de ce que nous trouvons acceptable, comme l'ont dénoncé certains reportages.
Pour autant, les malades ont besoin de ce plasma. L'EFS doit donc être capable de participer à un accroissement fort de la collecte, et il est en train de le faire. Les conséquences économiques d'un tel choix doivent être évaluées, et la soutenabilité de cette filière reste à construire dans les années à venir. Sauf à accepter que nous nous détournions avec un voile de pudeur sur les conditions de collecte de plasma dans certaines régions des États-Unis, il est normal que l'EFS joue ce rôle car les patients ont besoin de plasma. C'est un sujet stratégique en termes d'indépendance nationale et européenne.
Il me paraît important de soulever un dernier point devant vous, parlementaires : la Commission européenne vient de lancer un programme de révision des directives sur le sang et les cellules. À cette occasion, nous devons défendre, même si je n'aime pas trop employer ce verbe, notre modèle éthique. En vérité, nous devons surtout le promouvoir, car un établissement national, intégré, gérant la totalité de la collecte et de la distribution représente une solution viable par rapport à d'autres organisations ou systèmes. J'en veux pour preuve nos coopérations très fortes avec des pays aussi importants que le Brésil, la Chine ou le Chili. Ce modèle éthique n'est pas « ringard ». Alliant éthique et efficience, il me semble qu'il peut également représenter une solution pour nos voisins et amis.
En conclusion, je tiens à réaffirmer deux principes fondamentaux qui me guident et constituent à mon sens l'enjeu des années à venir : d'une part, l'éthique n'est pas opposée à l'efficience, bien au contraire, et l'alliage des deux constitue un modèle vertueux ; d'autre part, nous devons absolument refuser l'actuelle marchandisation du corps humain, à l'oeuvre dans d'autres pays.
Pourquoi un deuxième mandat ? Parce qu'à la place qui est la mienne, dans ce service public essentiel qui sera soumis à de fortes tensions, j'espère être utile à la transfusion sanguine. J'espère également être utile à la santé publique – nous travaillons tous les jours pour les patients, et c'est heureux. Enfin, et je vous prie de bien vouloir m'excuser de le formuler ainsi, j'espère être utile à mon pays : dans les moments très difficiles que nous vivons, alors que le pays est parfois divisé, le don du sang produit de la cohérence, de la cohésion et contribue au « vivre-ensemble ».