Monsieur Perrut, merci de votre appel. Je n'ai pas à juger de la mobilisation de l'Assemblée nationale, mais je peux vous dire que les deux collectes que nous faisons ici – en décembre et en juin – sont très importantes.
Je ne peux que confirmer vos propos, le don du sang est une réalité locale, et nous avons besoin des élus locaux pour la mise à disposition de salles. Ce sujet, qui semble évident, est d'autant plus important pour nous aujourd'hui que, pour des raisons de sécurité publique et de risques d'attentats, les autorités voient d'un moins en moins bon oeil les collectes sur la place publique, sauf à les sécuriser pour des coûts faramineux. Cela signifie que de plus en plus, nous demandons la mise à disposition de locaux municipaux. J'ai rencontré l'Association des maires de France (AMF) à ce sujet.
S'agissant des moyens, je ne veux pas embêter mes amis de Bercy, mais nous avons toujours besoin de moyens. Nous sommes dans une relation exigeante mais constructive avec la direction du budget, et c'est bien normal.
J'aime beaucoup aller sur les collectes, car on y voit la France d'aujourd'hui, et contrairement à ce que l'on dit ici ou là, elle n'est pas si fragmentée que cela. Elle se retrouve, elle partage, entre des gens très différents. Certaines collectes très importantes font chaud au coeur. La République, c'est le vivre ensemble, et le don du sang symbolise aussi cela. Je crois même que le don du sang fait partie de la citoyenneté.
Quant au risque de marchandisation, il existe incontestablement. Mais allons au bout des choses : si nous ouvrons le don du sang aux marchands, quelles seront les conséquences ? Nous le savons, d'autres pays l'ont fait. La première conséquence sera que, parfois, les produits ne seront plus disponibles, comme dans d'autres secteurs du marché du médicament. Comme cela se fait dans des pays que nous connaissons bien, il y aura des dons de recomposition : le don sera intrafamilial, et quand il n'y a plus de don familial, on achète des dons. Tous les pays qui ont fait cela se sont heurtés, à un moment, à une très grande insuffisance de produits sanguins.
De plus, à long terme, l'éthique et le don du sang bénévole sont des gages de sécurité. Quand on est bénévole, on ne va pas cacher ce que l'on fait, puisque l'on n'agit pas pour être rémunéré, mais pour donner. On ne donne pas pour se faire plaisir, même si les psychosociologues nous diraient que cela fait plaisir de donner : une étude fait apparaître que les donneurs sont plus heureux que la moyenne des Français. Mais du fait qu'il s'agit d'un don, on ne va pas cacher ce que l'on est, puisque c'est un geste de solidarité. C'est important pour le donneur et aussi pour le receveur, même s'il est évident que l'analyse de la totalité des dons est la meilleure garantie. Le droit, il faut le rappeler, n'est pas du côté du donneur : il est du côté du receveur, du malade, qui a le droit de recevoir les produits sanguins les plus sécurisés possible.
Ouvrir à la rémunération, c'est ouvrir à certaines choses horribles. Je ne ferai pas la publicité de tout cela, vous pouvez le voir dans des reportages télévisés sur le sujet.
Je vous assure que lorsque l'on voit les collectes, dans tous les endroits – centre-ville, villes moins riches, campagnes – on retrouve la citoyenneté et le vivre-ensemble dans la collecte de sang, et je trouve cela très important.
Sur les remises en cause possibles du modèle éthique, la France est à la tête de la bataille sur ce sujet. Je pense par ailleurs que le don éthique n'est pas remis en cause au niveau européen. Il n'y a pas aujourd'hui de projet de libéralisation de la collecte de globules rouges, ni même de la distribution.
Si nous regardons les niveaux de développement des pays, nous constatons que tous les pays qui se développent ont réussi à mettre en place un système de transfusion sanguine moderne. Non seulement il faut défendre notre modèle, mais il faut le promouvoir, parce qu'il a un avenir, y compris pour l'amélioration du niveau de vie des populations.