Intervention de Bruno Studer

Séance en hémicycle du mercredi 6 février 2019 à 15h00
Débat sur l'école dans la société du numérique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

En l'espace d'une génération, le numérique est devenu un fait social total, et la société numérique une réalité quotidienne. C'est dans cette société que grandissent nos enfants et qu'ils auront à vivre et à s'accomplir. C'est pourquoi j'ai souhaité qu'une mission d'information soit constituée afin de traiter de l'école dans la société du numérique.

Face aux responsabilités qui lui incombent, l'école de la République ne peut en effet se concevoir comme un sanctuaire : elle doit donner à nos enfants les clefs de leur vie numérique. Cela implique qu'ils en maîtrisent les codes – grâce à une éducation à la culture numérique, aux médias et à l'information – mais aussi que leur soit exposé le code, à travers un enseignement adapté de l'informatique.

Cette mission parlementaire s'inscrit à un moment charnière dans la transition numérique que connaît notre système scolaire : je remercie donc vivement le groupe du Mouvement démocrate et apparentés de nous permettre d'en évoquer aujourd'hui les travaux.

De janvier à juin 2018, nous avons procédé à trente-deux auditions de représentants institutionnels, d'acteurs des communautés éducatives et d'industriels du numérique, mais aussi de youtubeurs et d'universitaires. Une consultation publique en ligne a par ailleurs permis à un plus large public de s'exprimer et plusieurs déplacements ont également été organisés, notamment à l'université d'été du numérique éducatif, Ludovia, où nous avons ensemble, monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, pu mesurer le dynamisme de ce secteur dans notre pays.

Le rapport rendu le 11 octobre dernier et présenté dans la foulée aux acteurs de l'éducation et du numérique éducatif comporte vingt-cinq préconisations organisées autour de trois points : l'enseignement du numérique à l'école, afin que les adultes de demain deviennent des acteurs éclairés de la société numérique ; la gouvernance et le financement du numérique éducatif, que sous-tend la notion d'État-stratège ; et enfin l'accompagnement des enseignants, notamment en matière de formation et de forme scolaire.

Nous avons déjà voté plusieurs avancées législatives, qu'il s'agisse de l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire, pour lequel a été adoptée une proposition de loi déposée à l'initiative de Cathy Racon-Bouzon, ou du renforcement de l'éducation aux médias et à l'information, objet de la proposition de loi contre la manipulation de l'information dont j'ai eu, chers collègues, l'honneur d'être le rapporteur. Le projet de loi pour une école de la confiance clarifie en outre les dispositifs d'expérimentation et renforce les parcours de formation initiale des personnels éducatifs.

Sur le plan réglementaire, le ministre de l'éducation nationale a déjà annoncé plusieurs avancées concrètes. Vous avez en effet, monsieur le ministre, dévoilé dès le mois de septembre un nouveau cadre de confiance visant à protéger et à libérer les données dans le contexte scolaire. Ensuite, début janvier, vous avez annoncé la création d'un certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré – un CAPES – d'informatique, en prévision des enseignements d'informatique et de numérique proposés dans le cadre du nouveau baccalauréat. Cette mesure figurait dans les vingt-cinq préconisations du rapport, et la décision doit beaucoup à la mobilisation de notre collègue Danièle Hérin auprès des acteurs du numérique et de l'informatique : je la salue donc ici. Cette annonce sera, je l'espère, suivie de celle de la création d'une agrégation.

Plusieurs recommandations s'adressaient également aux collectivités territoriales, dont certaines ont été réceptives à la proposition d'un prestataire unique pour les environnements numériques de travail, les ENT.

Le travail d'évaluation et de contrôle du Parlement revêt une importance d'autant plus grande que le numérique éducatif relève pour l'essentiel de textes réglementaires. Or pour que les choses changent, il convient d'inscrire notre travail dans la durée : cela signifie qu'il nous faut continuer à être force de proposition en vue de faire avancer le numérique dans l'éducation. J'ai donc continué à rencontrer nombre de ses acteurs, notamment dans la perspective de la création d'un éventuel portail vidéo éducatif.

Dans les mois qui viennent, je souhaite prolonger la réflexion engagée dans plusieurs directions. Il faut tout d'abord considérer la donnée comme la particule élémentaire du numérique, et tout particulièrement de l'intelligence artificielle, qu'il faut dédramatiser, car dans quelques années son usage nous apparaîtra à tous comme une évidence. Il s'agit par ailleurs, pour notre pays, d'un enjeu majeur de souveraineté. Deuxièmement, il est nécessaire de clarifier les missions et les responsabilités de chacun des acteurs de l'éducation. Troisièmement, la notion de citoyenneté numérique est le pivot autour duquel doit se structurer la formation des jeunes aux enjeux du numérique et l'éducation aux médias et à l'information. Quatrièmement, l'enseignement des langues doit constituer aujourd'hui, avec les mathématiques, un terrain d'application prioritaire du numérique pédagogique. Cinquièmement, enfin, nous devons réfléchir à la formation des personnels, sans lesquels rien n'est possible : je souhaite à ce propos que la certification des compétences informatiques et numériques figure dans leur formation initiale et continue.

Je n'oublie pas non plus les risques liés au numérique, qui relèvent cependant plus souvent d'un manque de médiation que d'un danger intrinsèque.

J'organiserai au printemps prochain une table ronde afin de poursuivre la discussion avec les acteurs éducatifs ainsi qu'avec les personnes qui ont apporté des contributions notables à la consultation en ligne.

En conclusion, notre école républicaine s'est, chers collègues, construite sur les piliers de liberté, d'égalité et de fraternité. Le déploiement du numérique éducatif doit donc permettre de réaffirmer ces valeurs : plus de liberté pédagogique pour l'enseignant, plus d'égalité réelle pour les élèves, grâce à une meilleure inclusion et à une plus grande différenciation, et plus de fraternité, ce que permettra une école véritablement fondée sur la confiance. C'est ce à quoi, je l'espère, cette mission aura contribué.

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