Intervention de Frédéric Reiss

Séance en hémicycle du mercredi 6 février 2019 à 15h00
Débat sur l'école dans la société du numérique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Certes, le débat est lancé : le Parlement des enfants est en train de plancher sur le thème du « bon usage du numérique » et une mission d'information de la commission des affaires culturelles sur l'école dans la société du numérique a formulé vingt-cinq propositions qu'a rappelées son président et rapporteur Bruno Studer. Rappelons aussi que le Parlement a voté une proposition de loi relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire, qui interdit les téléphones portables à l'école.

Les technologies numériques ont des conséquences réelles sur nos économies et sur nos sociétés : elles modifient notre quotidien, notre façon d'étudier, de vivre, de nous divertir et même de manifester – il suffit de regarder du côté des gilets jaunes. Elles influencent les activités économiques et sociales jusque dans les lieux de rencontre, en famille, en vacances ou au travail. Il est donc important d'investir dans les compétences numériques des jeunes générations, d'autant que, grâce au plan France très haut débit, notre territoire bénéficiera rapidement de bonnes connexions internet partout.

Un rapport de 2016 de l'OCDE, intitulé « Éduquer pour innover et innover pour éduquer », confirme que, dans l'éducation et l'instruction des enfants, on n'a pas tiré parti de la technologie numérique pour améliorer l'efficacité, l'attractivité ou l'équité de l'enseignement et de la formation.

Certains de nos systèmes éducatifs ne seraient-ils pas dépassés à force de ne pas promouvoir les compétences nécessaires pour préparer de manière optimale les enfants à leur avenir ?

Prenons l'exemple de l'Estonie. L'école y est obligatoire à partir de sept ans ; on y a résolument opté pour les nouvelles technologies grâce à l'enseignement de l'informatique et de la robotique dans 76 % des établissements. L'utilisation de systèmes numériques et intelligents y est très répandue, sans être considérée comme un objectif en soi. L'introduction de modèles de compétences numériques pour les élèves et les enseignants n'est sans doute pas étrangère aux excellents résultats du pays lors des enquêtes PISA – Programme international pour le suivi des acquis des élèves.

N'oublions pas que les nouvelles aptitudes numériques exigent non seulement de la créativité et de l'imagination, mais aussi une pensée critique qui ne peut être développée que par l'apprentissage de pratiques appropriées. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles je défends ardemment, depuis sa création par la loi Fillon en 2005, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, dont la maîtrise est indispensable pour aller plus loin, notamment avec les outils du numérique.

Nos jeunes seront des acteurs compétents, mais aussi et surtout responsables, dans un monde de plus en plus numérisé. Or les statistiques montrent que, au sein de l'Union européenne, moins de la moitié des enfants fréquentent des écoles équipées en technologies numériques et que seuls 20 à 25 % reçoivent l'enseignement de professeurs qui sont à l'aise dans l'utilisation des technologies actuelles. Le Conseil de l'Europe vient de consacrer aux « natifs du numérique », les jeunes nés avec ces technologies postérieurement aux années 1990, un rapport qui met en évidence le fossé entre leurs connaissances informelles, leurs pratiques médiatiques et l'enseignement dispensé dans les établissements scolaires.

Pourtant, inévitablement, nos jeunes sont ou seront confrontés aux médias sociaux, qui, s'ils procurent sans doute un puissant sentiment d'appartenance à une communauté, les exposent à des dérives telles que le cyberharcèlement ou la découverte de contenus en ligne choquants, voire dangereux.

Quelle est la meilleure façon d'avancer sur ces sujets ? Comment articuler le processus d'apprentissage par l'élève avec le processus d'enseignement par l'enseignant ? Cette question est légitime. La révolution de l'écriture date de 5 000 ans, celle de l'imprimerie d'un peu plus de 500 ans, celle du microprocesseur de 50 ans ; aujourd'hui, le tsunami internet rend les savoirs instantanément accessibles à tous et en tous lieux.

Pour engager l'école dans la société numérique, il faut de la volonté politique et des investissements dans les équipements informatiques afin d'améliorer la performance des élèves. Permettre à tous les jeunes d'acquérir l'ensemble des savoirs, des compétences et des méthodes qui feront d'eux des acteurs autonomes, responsables et critiques dans une société numérique est un bel enjeu pour notre école.

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