Depuis le départ, tous les ingrédients étaient réunis pour faire du projet de mine d'or industrielle dite Montagne d'or un projet propice aux débats, j'oserai dire à un débat du XXIe siècle. La Montagne d'or promet en effet beaucoup d'emplois : 750 emplois directs et 3 000 indirects, dont 90 % d'emplois locaux – c'est du moins comme cela que c'est présenté. Mais c'est aussi 782 millions d'euros d'investissements, 54 millions de tonnes de minerais extraits, et 800 hectares de terrain mobilisés. On voit tout de suite le dilemme qui se pose à nous tous, entre d'une part les intérêts économiques et de développement de ce projet, dans un territoire en très grande difficulté, et d'autre part son empreinte écologique.
Nous sommes amenés à en débattre afin d'aider à la réflexion de ceux qui auront à en décider. Ce n'est pas évident, et nous avons tous conscience de la difficulté du choix qu'il faudra faire. Mais nous avons aussi une responsabilité face à l'histoire de la Guyane. Celle-ci, je le dis très franchement, a déjà été exploitée : quelles ont été les retombées de la base de tir spatial de la France et de l'Europe pour la Guyane ? Allons-nous persévérer ainsi avec de grands projets qui n'apportent pas grand-chose à ce territoire ? Ce sont tous ces enjeux que nous avons essayé, au sein du groupe UDI, Agir et indépendants, de cerner. Je veux associer à mes propos mes collègues Sophie Auconie, Olivier Becht et Frédérique Dumas, avec qui nous avons longuement discuté et avons rencontré différents collègues, différentes parties pour affiner notre raisonnement.
Notre réflexion tourne autour de trois grands éléments.
Le premier est un élément écologique. Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été cités, sinon pour rappeler que l'activité elle-même utilisera 460 000 litres d'eau brute par heure, avec de nombreux impacts sur la biodiversité, et détruira plus de 1 500 hectares de forêt primaire.
Nous pouvons apporter notre réflexion sur ce sujet, mais l'avis qui nous intéresse le plus est celui des Guyanais. Comment perçoivent-ils ce projet ? Comment le jugent-ils ? Cela a été dit par l'orateur précédent, ils ont eu l'occasion de s'exprimer, et il faut reconnaître qu'ils semblent dans leur grande majorité plutôt défavorables, ou du moins insatisfaits.
La deuxième question est celle des risques sanitaires induits par les métaux qui seront utilisés. On l'a vu la semaine dernière encore avec le grave accident qui a coûté la vie à de nombreuses personnes dans un territoire très proche de la Guyane. Nous nous sommes posé la question des méthodes alternatives, car certes le projet en l'état actuel respecterait le droit, mais pouvons-nous nous en satisfaire ? Or il existe des technologies alternatives, mais qui feraient perdre, dit-on, 30 % du chiffre d'affaires attendu par le consortium à l'origine du projet.
Il me semble que ce débat doit nous permettre de poser ces questions sous tous les angles : l'angle économique bien évidemment, étant donné la situation particulière de la Guyane, mais aussi l'angle écologique, qui ne peut pas être oublié. Nous ne sommes pas des spécialistes mais de ce que nous en savons, il y a des risques importants, et nous ne pouvons pas en rester là.
En l'état, le projet est insatisfaisant pour le groupe UAI. Il doit être plus exigeant sur le plan environnemental. Existe-t-il une solution alternative, monsieur le ministre d'État ? Pouvons-nous faire autrement ?
Le Président de la République l'a dit lui-même la semaine dernière, on ne peut pas lancer un projet qui risquerait de détruire la biodiversité et qui n'obéirait pas aux standards environnementaux, d'autant moins, a-t-il ajouté, que les créations d'emploi sont incertaines : même sur le plan des retombées économiques, ce projet n'est pas forcément probant !
Quelle que soit la décision qui sera prise, monsieur le ministre d'État, les Guyanais devront y être associés. C'est la raison d'être de notre débat aujourd'hui. Il me semble que le plus important est de respecter l'avis de la Guyane. Soixante-douze pour cent des Guyanais ont dit que ce projet ne pouvait pas se passer de l'accord des populations autochtones.
Aujourd'hui, l'homme a pris conscience de sa capacité à détruire la biodiversité et les collectivités réclament légitimement le droit à la différenciation, le droit d'être associées aux décisions. Elles expriment leur besoin de participation citoyenne. C'est en cela que le débat sur la Montagne d'Or est un débat du XXIe siècle. Il faut que nous puissions le mener avec les Guyanais pour et pour l'instant, à notre sens, ce projet ne répond pas à ces attentes.