Avec cet article, c'est effectivement une promesse d'Emmanuel Macron qui se concrétise pour 80 % des contribuables. Dès lors qu'il répond à une promesse, je ne conteste donc pas l'article 3 ; personne ne peut s'opposer à l'idée de rendre du pouvoir d'achat aux Français.
Mais le faire par la suppression de la taxe d'habitation comme vous le faites est à mon sens une erreur. C'est une erreur, d'abord parce que cette taxe finance les services publics locaux et va donc nécessiter des compensations : c'est le fameux dégrèvement annoncé.
Ensuite, si la taxe d'habitation est cet impôt injuste que tout le monde dénonce, c'est en raison des valeurs locatives cadastrales. Or, ces valeurs sont encore utilisées pour le calcul de la taxe foncière ; il faudrait donc que vous alliez au bout de votre raisonnement. En effet, la révision des valeurs locatives a été engagée ; elle en est même à un stade avancé puisqu'une expérimentation a été menée dans cinq départements. Sa mise en oeuvre vous donnerait l'occasion d'aller au bout, car elle permettrait un certain lissage de l'impôt pour ceux qui pourraient y perdre.
Quant au gain de pouvoir d'achat pour les Français, il sera très inégal, on l'a dit, puisque selon le lieu où vous habitez, vous ne payez pas le même montant de taxe d'habitation. Ainsi, si cette disposition devrait restituer en moyenne 900 euros de pouvoir d'achat aux habitants du Var, en Ariège le gain sera inférieur de moitié.
Le fait d'exonérer 80 % des ménages ne garantira donc pas un traitement équitable de ces ménages, à plus forte raison pour ce qui concerne les personnes de condition modeste, qui n'acquittent pas de taxe d'habitation aujourd'hui et ne bénéficieront donc pas de cette mesure ; c'est également le cas des résidents en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Et que dire enfin de la perte d'autonomie financière des collectivités territoriales, principe désormais de valeur constitutionnelle ? Tandis que Neuilly-sur-Seine conservera une autonomie très forte, Sarcelles n'en aura plus aucune.
Il me semble donc que la taxe d'habitation devra être totalement supprimée à l'horizon 2020, car votre demi-mesure est insoutenable en termes de cohésion sociale : pour les élus locaux, il est difficilement gérable en effet que seuls quelques administrés soient assujettis à cette taxe.
J'en termine par quelques questions qui restent sans réponse à ce jour.
J'ai cru comprendre que le dégrèvement se ferait sur la base du taux de 2017. Qu'en sera-t-il en cas d'augmentation des taux – dans l'hypothèse où les élus conserveraient le pouvoir de les faire évoluer ? Si les contribuables doivent continuer de s'acquitter de la différence entre le taux de 2017 et les taux des années suivantes, cela signifie que la taxe d'habitation ne sera supprimée pour personne, à moins que vous ne décidiez de limiter les marges de manoeuvre des élus locaux en matière de taux – ce que laisse peut-être entendre, de manière sibylline, le dernier paragraphe de l'exposé des motifs de l'article 3.
Qu'en est-il de la revalorisation des bases ? Cette revalorisation sera-t-elle prise en compte dans le dégrèvement ?
Qu'en est-il enfin du coefficient de revalorisation voté tous les ans par le Parlement ? Le Gouvernement entend fixer lui-même désormais ce coefficient ou le Parlement va-t-il conserver ses prérogatives en la matière ?