Intervention de Bénédicte Peyrol

Réunion du mercredi 30 janvier 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure :

La dernière partie du rapport concerne les outils d'intervention indirecte de l'État afin de structurer la finance verte. En effet, nous pensons qu'il convient d'aller plus loin encore dans ce domaine.

La finance verte recouvre les mécanismes propres aux acteurs financiers qui permettent de tenir compte des risques, mais également des opportunités liées à la transition écologique.

À la suite de l'Accord de Paris, le comité de stabilité financière du G7 a jugé que la régulation financière ne pouvait plus méconnaître la façon dont les entreprises et les investisseurs tiennent compte des enjeux liés à la transition écologique. Le changement climatique a été identifié comme une nouvelle catégorie de risque systémique pour l'ensemble des acteurs financiers. Il s'agit d'abord des risques physiques, liés au réchauffement, dont les mécanismes d'assurance ne peuvent prémunir durablement des conséquences financières. Le risque provient également des mesures de transition, puisque les détenteurs de capitaux prennent conscience que les investissements liés aux ressources fossiles seront pénalisés par la transition vers une économie à bas carbone. C'est, par exemple, le risque d'investir aujourd'hui dans ce qui constituera à terme ce que l'on appelle dans le jargon financier un « actif échoué », comme une centrale électrique thermique que la réglementation interdira d'exploiter.

En conséquence, un groupe de travail sur le reporting financier des risques climatiques, la Task Force on Climate-related Financial Disclosures, a émis des recommandations visant à accroître la transparence sur les stratégies climat des investisseurs et des entreprises. Il insiste sur le rôle des instances dirigeantes – conseil d'administration et direction générale – pour placer la transition écologique au coeur des stratégies d'investissement. De plus en plus, d'ailleurs, la responsabilité sociale et environnementale (RSE) remonte à ces niveaux stratégiques. De même, la Commission européenne a constitué le Groupe d'experts de haut niveau sur la finance durable – High Level Expert Group on sustainable finance. Ses travaux, terminés début 2018, ont largement inspiré le plan d'action, intitulé « Financer la croissance durable », que la Commission a présenté en mars dernier. Ces initiatives couvrent des domaines dans lesquels la France a été pionnière, en particulier avec l'article 173 de la loi relative à la transition énergétique et pour la croissance verte, qui a établi des obligations de reporting sur les risques et les stratégies climat pour certaines entreprises et pour les investisseurs institutionnels.

Le rapport analyse la mise en oeuvre réglementaire de ces dispositions et apprécie leur portée effective pour les différentes catégories d'opérateurs économiques et financiers.

Nous nous sommes appuyés sur de nombreuses analyses d'acteurs, comme celles de l'organisation non gouvernementale World Wildlife Fund, du think tank The Shift Project, du cabinet Novethic ou des rapports annuels de l'autorité des marchés financiers. Dans l'ensemble, l'application est progressive mais effective. L'appropriation des nouvelles obligations a été facilitée par la rédaction de guides pratiques par les associations professionnelles, comme la Fédération française de l'assurance ou l'Association française des investisseurs institutionnels.

Le bilan est encourageant et invite à inclure, sous conditions de seuil, l'ensemble des formes juridiques d'entreprises, alors que les sociétés par actions simplifiées n'étaient jusqu'à présent pas intégrées dans le dispositif. Surtout, il convient de garantir la qualité des indicateurs retenus, afin que la France conserve une position de leadership dans ce domaine et pèse sur les évolutions en cours au plan européen.

Nous préconisons de promouvoir l'utilisation d'indicateurs climat tenant compte de l'ensemble des émissions – directes et indirectes – selon la définition la plus large des périmètres d'incidence environnementale des investissements, les « scopes ». Nous avons tous bien conscience qu'il importe de prendre en considération le cycle de vie des produits et des investissements, depuis l'origine de la ressource jusqu'à la fin de vie du produit.

Afin d'évaluer le niveau d'exposition future de l'entreprise et des investisseurs aux risques climatiques et de transition, il faut également promouvoir les analyses de scénarios respectant des budgets carbone sectoriels. Dans ce but, l'ADEME a engagé une initiative remarquable, qui aide les entreprises à évaluer l'alignement de leurs stratégies sur une trajectoire de réchauffement climatique inférieure à 2 degrés. Ce projet intitulé Assessing Low Carbon Transition est en train de devenir une référence internationale.

Nous proposons de doter l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'une compétence de suivi régulier et formalisé – car le sujet est également structurel – dans le cadre d'un observatoire de l'article 173, afin de favoriser l'émergence de bonnes pratiques. Un amendement à l'article 23 du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) adopté en première lecture à l'Assemblée nationale va dans ce sens, puisqu'il confie à l'AMF une mission de veille des informations transmises. C'est une avancée majeure.

Nous relevons également que les agences de notation financière ne sont pas suffisamment impliquées dans les enjeux climatiques, contrairement au secteur, plus fragile, du reporting extra-financier. Pourtant, leur rôle pourrait être essentiel. De la même façon qu'en matière de fiscalité écologique, on pense le système à côté quand il faudrait qu'il soit intégré. En effet, s'il s'agit d'un risque systémique, il concerne le monde financier en général. Or aujourd'hui, il existe des notations extra-financières. Un rapprochement entre ces différents paramètres doit être opéré.

La France doit donc peser dans les négociations engagées au plan européen pour diffuser des indices financiers de référence bas carbone et à bilan carbone positif. Les pouvoirs publics jouent également un rôle pour structurer le marché des green bonds, ces titres de dettes dont l'émetteur s'engage à investir les fonds dans des projets favorables à l'environnement. La contribution des acteurs publics a été essentielle pour diffuser des procédures rigoureuses d'identification des actifs verts et de leurs emplois. C'est en particulier le cas avec l'obligation assimilable du Trésor (OAT) verte émise par la France en janvier 2017 pour un encours représentant plus de 15 milliards d'euros aujourd'hui.

Nous décrivons les modes d'allocation des financements issus de l'OAT verte et les critères d'éligibilité des dépenses. Ils peuvent contribuer à la taxonomie européenne des actifs verts projetée par la Commission européenne afin de développer le marché et de se prémunir contre l'éco-blanchiment et le greenwashing. Outre l'État, plusieurs régions commencent à utiliser cet outil qui engage la collectivité à justifier de ses dépenses au profit de la transition écologique et d'évaluer leur impact environnemental.

L'on retrouve le même degré d'exigence dans la labellisation des produits financiers avec le label « Transition énergétique et écologique pour le climat » (TEEC) établi à l'initiative du ministère de la transition écologique et solidaire en décembre 2015. Les bénéficiaires sont des fonds d'investissement qui respectent des critères stricts de transparence et de contribution au financement de la transition écologique. Nous invitons donc à promouvoir les critères du label TEEC pour contribuer à la définition de l'éco-label européen également projeté par la Commission européenne. S'y ajoute, depuis deux ans, un label spécifique pour les sites de financement participatif.

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