Notre priorité concerne la question des personnes, les trois millions de ressortissants des États membres de l'Union européenne présents au Royaume-Uni et aussi le million de citoyens britanniques présents dans les États-membres de l'Union. Pour eux, cette période est inquiétante et nous voulons les rassurer. Notre message est très clair. Les ressortissants de l'Union européenne présents au Royaume-Uni sont chez eux et continueront à l'être, qu'il s'agisse de l'accès au service de santé ou de l'attribution d'allocations sociales. Nous allons annuler les frais qui étaient prévus pour les demandes de titres de séjour. Nous sommes heureux de voir que des efforts sont faits du côté français. Merci pour les dispositifs prévus dans la loi sur le Brexit qui vont notamment rassurer les fonctionnaires britanniques, dont de nombreux professeurs installés en France. Il reste cependant quelques inquiétudes, notamment les critères appliqués par la France sur les moyens financiers des Britanniques et l'accès à l'assurance maladie. Nous allons supprimer ces critères de notre côté et nous souhaiterions que la France fasse de même. Nous espérons aussi que la France précisera rapidement, peut-être dans les ordonnances, les démarches que les citoyens britanniques devront entreprendre pour régulariser leur situation.
Concernant les procédures parlementaires britanniques, je conçois qu'elles puissent paraître un peu mystérieuses vues de l'autre côté de la Manche. Il faut comprendre que, le Royaume-Uni étant une démocratie parlementaire, c'est la Chambre des Communes qui décidera. Plusieurs députés m'ont demandé quel était l'état de l'opinion et pourquoi les parlementaires semblaient réticents à l'organisation d'un deuxième référendum. La question de l'organisation de l'après Brexit est un sujet très clivant dans les milieux politiques, mais il ne fait aucun doute que ce sera la Chambre des Communes qui sera le décisionnaire final car, dans un régime parlementaire, c'est le Parlement qui est responsable. Lors des choix cruciaux pour le pays comme ce fut le cas en 1940, c'est toujours un vote de la Chambre des communes qui a décidé de l'avenir du Royaume-Uni.
Pour répondre à la question de M. Holroyd sur la raison d'accorder plus de poids politique à l'amendement de M. Graham Brady, plutôt qu'à celui de Mme Caroline Spelman, alors que ce dernier a recueilli une plus large majorité, je dirai tout d'abord que ces deux amendements expriment clairement la volonté des parlementaires d'éviter une sortie sans accord.
L'amendement Brady présente l'avantage de montrer une voie pour surmonter les divergences actuelles. Cet amendement considère que l'accord négocié avec l'Union européenne pourra être accepté par la Chambre des Communes sous réserve de revoir la partie relative au backstop, ce mécanisme devant garantir la fluidité des échanges à la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord, alors que l'autre amendement se borne à refuser un Brexit sans accord sans se prononcer sur la manière d'y parvenir.
L'essentiel est d'être bien conscient de l'enjeu des discussions en cours entre les parlementaires britanniques, la Première Ministre et les autorités de l'Union européenne. Dans quelques années, les citoyens britanniques comme ceux des autres pays européens nous reprocheront de n'avoir pas tout tenté pour parvenir à surmonter nos divergences afin de trouver un accord de sortie acceptable pour les deux parties.
Concernant la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, je dois insister sur l'importance majeure de cette question. L'absence de frontière physique entre les deux territoires est un élément clé de l'Accord du Vendredi Saint qui a permis de garantir la paix civile depuis plus de vingt ans. De plus, pour des raisons logistiques et sécuritaires, il paraît peu réaliste de rétablir des postes frontières car les points de passage entre les deux territoires sont très nombreux
Pour répondre à la question sur la pêche, nous savons qu'il s'agit d'une question très sensible des deux côtés de la Manche et que de toutes les manières, même s'il n'y a pas d'accord, nous serons contraints de négocier sur les zones de pêche ; c'est pourquoi nous avons tout intérêt à aboutir à un accord global avec l'Union pour préserver les intérêts économiques de deux parties.
Plusieurs députés m'ont demandé si l'opinion publique britannique était favorable à l'organisation d'un deuxième référendum. Je dois tout d'abord souligner que ce n'est pas la politique du gouvernement de prôner un deuxième referendum. De plus, pour organiser un référendum au Royaume-Uni, il faut qu'une loi soit adoptée. Aujourd'hui il n'existe pas de majorité parlementaire pour décider de l'organisation d'un deuxième référendum et il est clair que le décisionnaire final sera bien la Chambre des Communes, qui devra avaliser l'accord de sortie de l'Union européenne.
Quant à la position de l'opinion publique, elle est difficile à cerner car les sondages montrent surtout une opinion indécise et plutôt méfiante vis-à-vis des référendums,. Il faut aussi se rappeler que les sondages réalisés avant le scrutin sur le Brexit ont été incapables d'anticiper le vote réel des citoyens britanniques et qu'ils avaient surestimé le poids des citoyens favorables au maintien dans L'Union européenne. Pour conclure sur ce point, je dirai que les députés de tous les partis sont soucieux de préserver la confiance dans notre système politique et il leur paraît impossible de passer outre au résultat du scrutin initial sur le Brexit, car cela risquerait de fragiliser gravement le jeu démocratique.
L'attitude des élus, autres que les députés, comme le maire de Londres et ceux des grandes villes, reflète la position des électeurs de leur ville. Ainsi Londres ayant voté pour le Remain, son maire, Sadiq Khan, exprime la position de son électorat. Il n'en demeure pas moins que c'est la Chambre de Communes qui prend les décisions.
En réponse à la question de Ludovic Mendes sur l'implication du Royaume-Uni dans le règlement de la crise migratoire en mer Méditerranée et en mer Égée, je voudrais dire que, de manière générale, si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, il ne quitte pas l'Europe. Nous restons un pays européen qui va continuer de contribuer massivement aux efforts destinés à protéger le continent européen. Nous contribuons à Frontex. Ces trois dernières années, des navires britanniques ont été envoyés en mer Méditerranée et en mer Égée. Toujours pour protéger l'Europe, nous allons poursuivre nos efforts dans le domaine de la défense. La France et le Royaume-Uni demeurent les deux puissances militaires majeures en Europe, qui disposent des armes de dissuasion et des forces nucléaires. Face à la menace terroriste inédite, nos deux pays travaillent main dans la main pour déjouer les menaces terroristes. Cette coopération a une dimension bilatérale mais également une dimension européenne. Or, il n'est pas du tout garanti que le Royaume-Uni continue d'avoir accès aux bases de données des services de sécurité telles que SIS-II (système d'information Schengen) par exemple. Nous ne comprenons pas pourquoi cela ne serait plus possible alors que la police britannique les utilise actuellement des milliers de fois chaque semaine. Notre volonté de pouvoir en bénéficier et de continuer de contribuer à les enrichir est très claire. Jusqu'à présent, il nous a été répondu que cela n'était pas possible et nous ne le comprenons pas. Mes concitoyens ainsi que les citoyens français et ceux des États membres n'admettraient pas que nous rations une information du fait que nous nous trouvions privés de l'accès à ces bases de données.
Vincent Bru m'a posé une question sur la solution norvégienne. Ce point a été largement débattu, mais n'est pas une solution. Pour respecter le résultat du référendum, nous devons être en mesure, après notre sortie de l'Union européenne, de pouvoir dire qui peut ou non venir au Royaume-Uni, même si nous voulons rester un pays ouvert et cosmopolite. Ce principe a été retenu par le Gouvernement et la plupart des députés. La solution norvégienne ne marcherait donc pas pour le Royaume-Uni d'autant plus que notre pays, cinquième économie du monde, va devenir immédiatement le deuxième marché partenaire de l'Union européenne et il ne peut se voir appliquer toutes les règles du marché unique sans avoir son mot à dire.