Intervention de Laura Flessel

Réunion du mercredi 18 avril 2018 à 17h05
Délégation aux outre-mer

Laura Flessel, ministre des sports :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer sur la politique de mon ministère en direction des territoires d'outre-mer.

Dresser un état des lieux du sport outre-mer n'est pas chose facile. Chaque territoire a ses particularismes et le développement du sport ne s'y fait pas de manière uniforme. Il faut garder à l'esprit qu'entre les Antilles, la Guyane, Mayotte, La Réunion, la Polynésie, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la situation est différente et les besoins ne sont pas les mêmes.

Toutefois, des sujets transversaux peuvent être identifiés, comme la carence en équipements sportifs, l'aide aux déplacements, le sport-santé et la lutte contre les discriminations. Nous avons lancé il y a quelques semaines une campagne contre le racisme, le sexisme, l'homophobie et stigmatisation du handicap dans le sport, intégrant aussi un volet de lutte contre la radicalisation.

En comparaison de la métropole, le déficit en infrastructures sportives est évident en outre-mer et est aussi bien quantitatif que qualitatif. Le ratio d'équipements sportifs pour 1 000 habitants est inférieur à la moyenne nationale et les conditions climatiques imposent des équipements adaptés, tant pour la pratique que l'entretien et la pérennité des infrastructures, avec des coûts de réalisation et de fonctionnement très élevés.

Je sais que les attentes des Ultramarins en matière de politique sportive sont importantes ; elles sont légitimes. Je me suis engagée à développer le sport partout et pour tous, à aller chercher 3 millions de nouveaux pratiquants. L'outre-mer ne sera pas oubliée, vous pouvez me faire confiance.

Le plan de rattrapage mis en place en 2017 par le ministère des sports et le ministère des outre-mer visait à répondre de manière structurelle aux carences de l'offre sportive, par la combinaison de l'ensemble des politiques publiques – ville, santé, éducation, etc. Ce plan comportait plusieurs innovations : priorité donnée aux opérations sur les équipements sportifs de proximité existants ; organisation d'un diagnostic territorial approfondi pour une planification des opérations de programmation ; réflexion sur les équipements sportifs pour garantir un retour sur investissement le plus élevé possible pour les collectivités territoriales partenaires et les utilisateurs.

Ce plan a donné d'excellents résultats : 56 dossiers ont été financés par le ministère des sports, via les crédits du Centre national pour le développement du sport (CNDS), pour un montant total de 10 944 600 euros en 2017. Nous consacrons cette année une nouvelle enveloppe de 7 millions d'euros aux équipements outre-mer et j'ai demandé à Annick Girardin de poursuivre l'implication de son ministère via le fonds exceptionnel d'investissement (FEI).

Au-delà du développement quantitatif des équipements sportifs outre-mer, il est nécessaire de mener un travail de fond sur les équipements sportifs afin de réaliser ce fameux saut qualitatif. En outre, il faut continuer d'innover pour que ces équipements soient adaptés aux conditions climatiques et aux usages spécifiques aux outre-mer. L'épisode cyclonique qui a frappé les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy doit nous interroger sur les équipements sportifs du futur. Le 8 mars, j'ai dévoilé qui étaient les lauréats de l'appel à projet relatif aux études d'équipements démonstrateurs innovants en outre-mer ; sur les 38 dossiers déposés entre le 15 novembre et le 31 janvier, le jury, qui réunissait des expertises plurielles, a retenu cinq projets, en Polynésie, à Mayotte, à la Martinique, à Wallis-et-Futuna et en Guadeloupe.

Pour donner les moyens et l'envie de pratiquer, la proximité des équipements est un élément clé. Il convient de raisonner en termes de temps de déplacement et non de distance. Cela fait toute la différence lorsque le réseau de transports n'est pas optimum.

L'éloignement et le coût des déplacements pour les sportifs sont une problématique commune aux outre-mer à laquelle je suis particulièrement sensible. Avec la ministre des outre-mer, nous souhaitons mener une réflexion globale et avoir une vision unifiée des différents dispositifs – fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (FEBECS), dispositif régional de continuité territoriale, aide aux transports. Il s'agit de fluidifier les déplacements de nos athlètes vers la métropole et de faciliter les rencontres dans l'environnement géographique proche, lesquelles constituent une chance pour la confrontation sportive et les échanges avec d'autres nations. En 2017, le FEBECS a été mobilisé à hauteur de 996 800 euros, dont la moitié pour le sport.

Le sport est un outil formidable pour favoriser la santé et le bien-être. L'une de nos priorités est la lutte contre la sédentarité, un fléau qui, conjugué à de mauvaises habitudes alimentaires, engendre des pathologies comme le diabète et des maladies cardiovasculaires. L'enjeu est plus important encore outre-mer, puisqu'un adulte sur deux est en surpoids aux Antilles et en Guyane, 52 % des hommes et 79 % des femmes à Mayotte, 87 % de la population en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe et la Martinique ont les taux départementaux de prévalence du diabète les plus élevés de France : 10 % de la population de La Réunion et de Mayotte souffre de diabète, soit deux fois plus qu'en métropole.

Il est désormais démontré que l'activité physique et sportive agit directement sur ces pathologies, tout comme il est prouvé que le sport renforce l'efficacité des traitements anticancéreux et apporte un confort réel aux personnes âgées dépendantes. Diverses initiatives sont menées et j'ai pu découvrir lors de déplacements en Guadeloupe et en Martinique des innovations comme la marche nordique, les ateliers alimentation et sports pour les enfants, l'escrime ou le tir à l'arc en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Je souhaite que les outre-mer prennent toute leur place dans la stratégie sport-santé que nous sommes en train de mettre en place. Le premier comité de pilotage, réunissant l'ensemble des acteurs de la santé et du mouvement sportif, s'est tenu la semaine dernière. La double inspection que nous avons lancée en août avec la ministre de la santé, a formulé une vingtaine de préconisations. Des maisons sport-santé seront créées sur tout le territoire pour favoriser des pratiques adaptées, avec un suivi personnalisé.

Pour ce qui est du sport de haut niveau, je sais ce que la France doit à l'outre-mer. Je sais aussi ce que c'est que de pratiquer loin des structures d'entraînement hexagonales, ou au contraire, de partir à 7 00 ou 16 000 kilomètres de chez soi pour s'entraîner en métropole. L'éloignement doit être utilisé à bon escient et les jeunes sportifs, détectés précocement, doivent rester le plus longtemps possible sur leur territoire.

Notre objectif est d'accompagner le sportif tout au long de sa vie, lors de sa détection, pendant sa carrière sportive, et pendant sa reconversion. Au début de leur carrière, les athlètes ultramarins font la même expérience du déracinement, de l'adaptation à une nourriture et à un climat différents. Nous devons en tenir compte. La carrière de sportif de haut niveau, à l'échelle d'une vie, est courte. Sa fin, qu'elle soit choisie ou qu'elle s'impose, ne signifie pas que la vie s'arrête. Rebondir, mettre à profit son expérience, se réorienter n'est pas évident, mais avec sa force de caractère et l'accompagnement adéquat, on peut faire tout ce que l'on veut.

Les athlètes ultramarins font la fierté de nos équipes et sont d'importants pourvoyeurs de titres et de médailles pour notre pays. C'est pourquoi nous devons offrir à ceux qui s'entraînent outre-mer la possibilité de participer à des compétitions dans leur région géographique. Ils pourront ainsi étoffer leur calendrier et se confronter à une concurrence de qualité, avec des déplacements limités.

Nous signons des conventions bilatérales avec les pays frontaliers des départements et territoires ultramarins afin de développer les échanges et les coopérations dans le domaine sportif. Dimanche, je rencontrerai mon homologue au Québec pour parler sport-santé, haute performance et proximité avec les outre-mer.

Je ne saurais parler de rayonnement sans évoquer les disciplines territoriales spécifiques à l'outre-mer, très importantes pour le ministère car elles permettent un ancrage qui va bien au-delà de la simple pratique sportive. Par le biais du CNDS, l'État a ainsi souhaité accompagner financièrement l'association Tahiti Va'a 2018, à hauteur de 250 000 euros, pour l'organisation des championnats du monde de Va'a, la pirogue polynésienne, à Tahiti.

Lors des échanges liés aux accords de Guyane, la reconnaissance de la pratique du djokan, art martial amérindien, comme discipline sportive a été évoquée. Une fédération pourrait être créée, mais nous penchons plutôt pour le rattachement à une fédération d'art martial existante. Nous menons une réflexion similaire pour les mixed martial arts (MMA), discipline fort pratiquée mais de façon cachée, l'idée étant d'instaurer un observatoire des comportements pour évaluer ces pratiques et se positionner à horizon de deux ans.

Le sport constitue un enjeu sociétal, environnemental, diplomatique et économique, puisqu'il représente 2 points de PIB. Notre objectif est d'aller chercher un quart de point supplémentaire, grâce à des échanges avec le monde économique et aux relations internationales. Nous voulons transformer le monde du sport, et innover. Nous suivons deux chantiers importants, celui des Jeux Olympiques et Paralympiques, et celui du sport pour tous, tout au long de la vie.

Le monde du sport n'a pas bougé depuis plus de soixante ans. Pour imaginer un nouveau modèle sportif, nous avons lancé en janvier une concertation avec 80 acteurs, dont l'association nationale des élus en charge du sport (ANDES), l'Association des maires de France (AMF), l'Association des départements de France (ADF), Régions de France ou encore l'association France urbaine. L'objectif est de ne plus travailler en silos, mais d'harmoniser la transformation du territoire. Il existe encore des zones blanches du sport, des territoires dépourvus de toute infrastructure sportive.

C'est la raison pour laquelle le CNDS doit se réformer et reporter ses priorités sur la pratique du sport par les femmes ou les personnes handicapées, afin de rattraper le retard de la France dans ces domaines. Si nous voulons montrer au reste du monde que nous sommes en harmonie avec les performances de haut niveau que nous pouvons produire, tout un chacun doit pouvoir se retrouver dans son projet humain et sportif.

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