exprime sa volonté, dans la discussion du projet de loi, de travailler, en liaison avec les parlementaires des outre-mer, à la construction d'une réforme qui réponde efficacement et de manière adaptée aux besoins propres des outre-mer. Les réflexions menées dans le cadre des assises des outre-mer devraient y contribuer.
Le très haut niveau du chômage de masse dans les outre-mer atteste avec une netteté particulière l'incapacité du système actuel à en endiguer le développement. Le chômage des jeunes, en premier lieu, est un obstacle majeur au développement économique, la lutte contre les inégalités et la cohésion sociale. Plus encore que dans l'Hexagone, ce système ne permet pas aux ouvriers ou aux employés d'acquérir une formation qui les protège du manque ou de l'obsolescence des compétences.
De plus, nombreux sont les jeunes qui, ayant acquis une formation qualifiante, quittent leur territoire d'origine pour l'Hexagone ou pour l'étranger, ce qui appauvrit d'autant le tissu de compétences nécessaire offert aux entreprises pour se développer, et accroît la tendance au vieillissement de la population, sauf à Mayotte.
Le projet de loi vise l'émancipation sociale, individuelle et collective, par le travail et par la formation. Il prend ainsi en compte un double besoin économique et social : l'évolution va désormais vers une société de la connaissance où la croissance est directement liée au niveau de compétence et où il est prioritaire d'anticiper les besoins. Sous l'effet des innovations technologiques, l'enjeu des compétences va devenir crucial. En outre, ces innovations affectent désormais des entreprises de tous les domaines et de toutes les tailles. Le tourisme et la distribution font partie des secteurs spécialement touchés.
Il convient de mettre le plus grand nombre de nos concitoyens en situation de choisir leur avenir professionnel. La difficulté croît à mesure que diminue le niveau de formation et est particulièrement nette pour les salariés non-qualifiés, nombreux dans les outre-mer, où un investissement massif dans la formation et les compétences est donc absolument nécessaire.
Dans le plan d'investissement compétences présenté parallèlement à la loi, les outre-mer sont surpondérés, mais il reste difficile d'y trouver les bonnes filières et les bons acteurs, capables de permettre l'articulation des politiques économiques et des politiques de formation.
Après avoir évoqué les dispositions permettant des adaptations techniques de la législation applicable dans les outre-mer, Mme Muriel Pénicaud définit les trois grandes lignes directrices du projet de loi.
La première consiste à créer de nouveaux droits pour les actifs tout au long de la vie, selon trois principes. D'abord, les nouveaux droits doivent être attachés à la personne, et non au statut, privé ou public ; en outre, au-delà de l'indispensable solidarité envers les plus vulnérables, la protection active via la promotion de la compétence est le moyen le plus sûr de préserver du chômage ; enfin, les droits individuels sont importants, mais ils doivent être garantis collectivement. Cet équilibre entre droits individuels et garantie collective traverse tout le texte.
La deuxième est de permettre une croissance inclusive, en rétablissant l'égalité des chances, dès lors que la formation est le levier vers l'emploi.
La troisième est de lever les verrous en tous genres : administratifs, financiers, réglementaires. Par exemple, le droit actuel transforme en course d'obstacles la préparation d'un séjour en formation, même de courte durée, à l'étranger.
La proportion nationale des apprentis dans la fraction jeune de la population est très inférieure à ce qu'elle est dans les Etats à économie comparable qui ont vaincu le chômage, et elle est encore plus faible dans les outre-mer, alors même que, les chiffres le montrent, l'apprentissage est une voie d'insertion très solide. Il faut donc à la fois libérer partout l'offre de formation sur le territoire, inciter les entreprises à recruter en apprentissage et inciter les jeunes.
Libérer l'offre de formation d'apprentissage, implique de permettre à tous les CFA de se développer sans demander d'autorisation administrative, et sans limite financière s'ils trouvent des jeunes et des entreprises. Les acteurs de l'apprentissage assurent que la suppression de l'autorisation administrative, à laquelle se substituera une procédure de certification, leur permettra d'élargir leur intervention. Le système de financement au coût du contrat que propose la réforme mettra un terme aux effets négatifs du plafonnement résultant de facto du régime actuel de financement par les conseils régionaux. Pourvu que l'offre de formation et les effectifs de jeunes en formation soient convenablement assurés, les outre-mer ne souffriront plus du poids des limitations financières. La réforme assure l'affectation intégrale du produit de la taxe d'apprentissage à l'apprentissage. En outre, elle devrait entraîner une rationalisation des coûts de formation, qui connaissent actuellement des écarts difficilement compréhensibles.
Une attention particulière devra être accordée, par ailleurs, à la dimension d'aménagement du territoire et notamment aux conséquences de l'enclavement ou de l'éloignement, qui peuvent justifier l'organisation de sections d'apprentissage à effectifs limités. Une enveloppe globale de 250 millions d'euros, dont elles peuvent compléter l'apport, devrait permettre aux régions de financer les adaptations correspondantes.
Les régions continueront de bénéficier, d'une fraction de la TICPE (taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques), à hauteur d'environ 200 millions d'euros, pour leurs investissements dans l'apprentissage – que ce soit les centres de formation d'apprentis ou les campus des métiers, dont le Gouvernement propose l'ouverture, en vue de la mutualisation des plateaux techniques par les lycées et les CFA et, surtout, de la création de passerelles entre l'enseignement professionnel en milieu scolaire et l'apprentissage.
Pour inciter les entreprises à recruter en apprentissage, diverses mesures de simplification sont proposées : suppression de l'obligation d'enregistrement des contrats, remplacement des aides multiples actuelles par une aide unique, versée à toutes les entreprises de moins de 250 salariés qui accueillent des apprentis au niveau CAP et bac pro et distribuée par l'URSSAF. Par ailleurs, les conditions de préparation des diplômes, notamment la partie professionnelle, seront définies en concertation avec les entreprises. La rémunération des apprentis sera revalorisée, et il sera possible d'entrer en apprentissage à tout moment de l'année. Les formations seront adaptées de manière à assurer la valorisation des acquis.
La Ministre se déclare favorable au développement de la formation professionnelle des jeunes ultramarins dans leur environnement régional, sous réserve d'une application adéquate des règles européennes et, bien sûr, de la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux avec les Etats de la région.
Le compte personnel de formation sera révisé de manière à assurer à la totalité des actifs une formation effective, y compris pour les salariés des TPEPME, ou les moins qualifiés, qui en bénéficient le moins actuellement. Une application dédiée permettra de partager les données sur les formations, notamment leur taux de réussite et leurs débouchés, et de gérer les entrées individuelles en formation. Un conseiller en évolution professionnelle sera mis gratuitement à la disposition de ceux qui s'interrogent sur les formations qu'ils souhaitent suivre.
La collecte ne sera plus effectuée par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), mais par l'URSSAF, dont ce sera la seule mission. Les OPCA offriront des services de proximité pour aider les TPEPME à monter leurs formations et pourront notamment aider, à la construction des diplômes, quand les branches sont déficientes – situation connue dans les outre-mer.
Le projet de loi prévoit d'affecter d'office une partie des cotisations versées par les entreprises aux seules TPEPME, ce qui permettra d'y doubler le nombre de formations. Ainsi sera corrigé le déséquilibre né de la position d'infériorité des TPEPME dans les négociations avec les OPCA, qui conduit à faire jouer la mutualisation au profit des grands groupes. L'enjeu est particulièrement important pour les outre-mer. Au terme de la réforme, il y aura un seul organisme collecteur au lieu de cinquante-sept, douze organismes gestionnaires au lieu d'une quarantaine, et un organisme de régulation, France compétences, où l'on trouvera l'État, les régions et les partenaires sociaux.
La Ministre détaille ensuite les dispositions du projet de loi visant à rendre l'assurance-chômage plus universelle et plus juste, notamment pour assurer aux travailleurs indépendants une certaine protection contre les coups durs, financée par la CSG et compensée à l'UNEDIC, et pour permettre aux salariés démissionnaires d'envisager la création d'une entreprise ou un projet de reconversion.
À défaut d'accord entre les partenaires sociaux d'ici à la fin de l'année, le Gouvernement mettra aussi en place un système de bonusmalus pour lutter contre la précarité. S'il y a un besoin de flexibilité dans les entreprises, il n'est pas normal que le taux d'emploi en CDD et en intérim, en France, soit supérieur à celui des autres pays européens, ni que pour les mêmes métiers, les entreprises qui embauchent majoritairement en CDI soient pénalisées et paient pour les autres.
Le Gouvernement envisage des dispositions en faveur de l'emploi et de la formation des personnes en situation de handicap, ainsi que pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui seront précisées en cours de discussion.
Par ailleurs, le projet de loi renforce les sanctions applicables à la fraude aux travailleurs détachés et réforme les conditions de mobilité entre la fonction publique et le secteur privé.
La Ministre s'est enfin déclarée disposée à introduire dans le projet de loi une habilitation à légiférer par ordonnance afin de procéder, si besoin est, aux adaptations nécessaires dans les différents territoires d'outre-mer en matière d'apprentissage et la formation.
En conclusion, elle a rappelé l'ambition fondamentale du projet de loi : l'émancipation par le travail, par la formation, par la compétence.
Dans le débat qui a suivi l'exposé de la Ministre, sont intervenues en premier lieu les corapporteures pour avis.