Intervention de Éric Straumann

Réunion du mardi 12 février 2019 à 16h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Straumann, rapporteur :

C'est dire à quel point la rupture est aujourd'hui totale avec cette réticence traditionnelle de l'Union européenne vis-à-vis de l'industrie de la défense. Elle a pu, pendant des décennies, se désintéresser des enjeux de défense mais ce n'est plus possible aujourd'hui.

La dégradation de l'environnement de sécurité européen, dont parlait ma collègue, est en effet une réalité qu'il est désormais impossible d'ignorer tant ses conséquences sont majeures sur l'Union européenne. À l'Est, l'agressivité de la Russie, qui ne se dément pas, s'est traduite, faut-il le rappeler, par l'annexion de la Crimée et la sécession violente de l'Est de l'Ukraine. Au sud, le Sahel est en proie à des groupes terroristes qui déstabilisent l'ensemble des États de la région. Ces mêmes groupes, parmi lesquels Daesh, ont émergé suite à la guerre en Syrie et porté le feu terroriste jusqu'en Europe. Cette guerre a également entraîné des migrations massives de population qui ont profondément déstabilisé l'Union européenne. Celle-ci, confrontée à ces multiples crises, fait aussi l'objet d'une remise en cause plus profonde, dont le Brexit et le populisme anti-européen sont les manifestations les plus flagrantes. Le choix de relancer la politique de sécurité et de défense commune, qui a fait consensus au sommet de Bratislava en septembre 2016 – juste après le référendum sur le Brexit – était donc une nécessité dictée à la fois par la multiplication des crises mais aussi par l'attente de protection des citoyens européens et, de ce fait, le moyen de relégitimer la construction européenne.

De multiples initiatives ont été lancées depuis deux ans, qui sont toujours en cours et qu'il n'est pas inutile de rappeler brièvement. La première d'entre elles, après dix ans d'attente, est la Coopération structurée permanente, officiellement lancée le 11 décembre 2017. Elle rassemble 25 États membres autour de 34 projets communs de développement des capacités militaires de Défense européenne. La France participe à 21 d'entre eux dont 8 en leader, parmi lesquels le système de missiles terrestres de théâtre, la fonction énergie en opération ou encore le logiciel de sécurisation des radiofréquences. L'ensemble de ces projets ont vocation à être financés par le programme européen de développement de l'industrie de défense (PEDID), qui est doté de 500 millions d'euros pour les années 2019-2020. Le PEDID préfigure une initiative bien plus ambitieuse qui est celle du Fonds européen de Défense, doté de 13 milliards d'euros dans le prochain cadre financier pluriannuel. Le « tabou » du financement européen de la défense est donc bel et bien tombé. Les projets de la Coopération structurée permanente, comme les financements européens, s'intègrent dans ce qu'on appelle le Plan européen de développement des capacités, qui vise à un développement cohérent des capacités militaires des États membres. À cette fin, une revue annuelle coordonnée des politiques de Défense (en anglais, le CARD) a été instaurée entre les États membres volontaires, sur le modèle du « semestre européen ».

Par ailleurs, il convient de souligner que de nombreuses coopérations intergouvernementales, hors du cadre européen, sur des projets d'armement sont en cours, en particulier entre la France et l'Allemagne. Deux d'entre elles sont majeures en ce qu'elles portent sur des projets structurants les deux armées pour des décennies :

– le premier est le système de combat aérien du futur – le SCAF. Celui-ci n'est pas seulement un avion de combat mais un système de systèmes incluant des drones, des missiles, un système de commandement, de renseignement etc ;

– le deuxième est le système de combat terrestre du futur ou, en anglais, le MGCS, qui vise à doter les armées française et allemande, à l'horizon 2035, d'un successeur unique à leurs chars lourds respectifs, Leclerc et Leopard.

Ces coopérations intergouvernementales ne sont d'ailleurs pas définitivement hors du cadre européen. Une coopération à l'origine intergouvernementale comme le drone MALE fait ainsi partie des projets retenus dans le cadre de la Coopération structurée permanente et pourrait dès lors bénéficier du financement du FED.

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