Intervention de Xavier Paluszkiewicz

Réunion du mercredi 6 février 2019 à 9h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Paluszkiewicz, rapporteur pour avis :

Mme Rauche évoquait l'idée portée par certains acteurs français d'une rétrocession fiscale du Luxembourg vers la France. L'idée du versement de cette rétrocession fiscale est évoquée depuis trente ans, mais il ne suffit pas de taper du pied chaque matin pour obtenir quelque chose de la part du Luxembourg. Les élus locaux ont probablement dû changer bon nombre de souliers sans voir le moindre talon de chèque luxembourgeois. Les Luxembourgeois s'y opposent, même si on peut le regretter.

Aujourd'hui, la position de la France sur le sujet de la rétrocession fiscale est très claire. Au début de l'année 2018, M. Jacques Mézard, alors ministre de la Cohésion des territoires a adressé une lettre de mission aux élus locaux et à M. Jean-Luc Marx, préfet du Bas-Rhin et de la région Grand-Est. Dans cette lettre, M. Mézard invitait les acteurs locaux à prendre en compte la position luxembourgeoise en faveur du co-développement. Fin juin 2018 à Thionville, le Président du conseil régional du Grand-Est, M. Jean Rottner, accompagné du Préfet Marx, entérinait la solution du co-développement.

À l'issue de la visite du Grand-Duc du Luxembourg les 19 et 20 mars 2018, au cours de laquelle la convention fiscale a été signée, la France et le Luxembourg sont convenus de plusieurs accords de co-développement, notamment dans le domaine des transports, dans le cadre desquels le Luxembourg s'est engagé à contribuer jusqu'à 120 millions d'euros sur dix ans. L'idée d'un co-financement luxembourgeois du projet de l'autoroute A31 bis a été mise de côté car le Luxembourg souhaitait participer au transport ferroviaire, mais pas au transport routier.

Force est de constater que 120 millions d'euros ne suffiront pas pour combler les disparités fiscales et sociales sur notre territoire qui résultent du manque d'attractivité du Nord Lorrain. Si cette somme constitue un préalable, il semble que des discussions soient en cours pour que le Luxembourg abonde des fonds supplémentaires.

Une des difficultés était, pendant longtemps, le manque d'organisation formelle sur le territoire. Nous avions un grand nombre d'interlocuteurs et autant de discours différends, ce qui compliquait le dialogue avec le Luxembourg. Aujourd'hui, les élus locaux s'organisent autour du nouveau pôle métropolitain qui devrait inclure toutes les intercommunalités qui jouxtent la frontière avec le Luxembourg. Le président de ce pôle métropolitain devrait être élu prochainement, ce qui permettra à la France d'avoir un interlocuteur unique face au Luxembourg pour trouver des solutions et, éventuellement, pour conclure un accord de rétrocession fiscale semblable à celui qui existe avec le canton de Genève. Néanmoins, la situation avec le canton de Genève, avec lequel un accord a été signé en 1950, n'est pas du tout la même.

Plusieurs députés ont posé des questions sur l'impact de cette convention sur les finances publiques. J'ai déjà souligné les insuffisances de l'étude d'impact et, en dépit des questions que j'ai posées à l'administration, je n'ai pas obtenu de réponse sur une estimation chiffrée. Il est bien de savoir que la convention aura un impact positif pour la France, mais de quel ordre ? J'ai pris l'engagement devant la commission des finances de reposer la question à Bercy et je m'y attellerai.

L'étude d'impact ne nous renseigne pas non plus, au-delà du coût de l'évasion fiscale à l'échelle de l'UE qui est estimée entre 50 et 70 milliards d'euros, sur le coût de l'évasion fiscale entre la France et le Luxembourg. Enfin, si l'étude d'impact donne des chiffres sur les entreprises, elle ne donne pas le nombre de particuliers qui seront impactés par cette convention.

Pour répondre à Mme Le Pen, je comprends que cette convention peut donner le sentiment d'une certaine impuissance aux parlementaires, qui n'ont pas été associés aux négociations. Néanmoins, nous avons tout de même le pouvoir, si nous le voulons, de rejeter cette convention.

Le fait que cette convention concerne le Luxembourg rend sans doute la procédure d'examen des conventions plus contrariante aux yeux de certains députés. Il faut toutefois rappeler que la procédure d'examen des conventions bilatérales, quels que soient les pays avec lesquelles elles sont conclues, se déroule toujours de la même manière. Si cette procédure paraît insatisfaisante, il faut mener une réflexion qui dépasse la simple convention fiscale franco-luxembourgeoise.

M. Lecoq évoquait le fait que le Luxembourg, avec ses 143 sièges de banque et ses 3 500 milliards d'euros d'actifs, était le premier centre pour les fonds d'investissement en Europe et le second au niveau mondial. Il est vrai que le Luxembourg se livre à une politique fiscale agressive pour attirer les multinationales sur son territoire. On le voit dans la différence entre la fiscalité effective et la fiscalité appliquée dans ce pays. Sur le papier, l'impôt sur les sociétés au Luxembourg est de 29 %, mais le taux réellement appliqué est de seulement 2 %.

Cette convention ne règle pas tout, car il s'agit d'une convention visant simplement à répartir les droits d'imposition entre le Luxembourg et la France. Les réponses aux maintes questions légitimes que vous vous posez ne pourraient figurer que dans le cadre d'une convention d'harmonisation, qui ne peut s'envisager que dans un cadre européen ou international.

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