Je voudrais donner deux exemples concrets afin d'illustrer les avancées de cette convention.
Premièrement, prenons le cas d'un livreur de fleurs qui habite à Metz et livre des clients à Metz tout en étant salarié du Luxembourg et, à ce titre, redevable de l'impôt sur le revenu au Luxembourg. L'article 5 de la nouvelle convention, qui permettra de montrer l'existence d'un établissement stable en France, conduira à la disparition de ce genre d'abus.
Deuxièmement, on peut évoquer le cas assez fréquent de l'entrepreneur qui a une société en France et qui souhaite s'en séparer. L'entrepreneur peut être tenté de transférer sa société au Luxembourg pour y vendre ses parts afin d'alléger sa charge d'imposition. Cette convention permettra de mettre fin à ce type de schéma par lequel des PME s'implantent au Luxembourg avant une opération significative.
S'agissant de la question formulée par Mme Maquet, je considère également que l'un des enjeux de cette convention concerne son application effective et le suivi dont elle fera l'objet. Je crois que le rôle du Parlement est important en la matière. Si nous sommes absents au moment de l'écriture des traités, nous devons être présents pour contrôler leur application. Même après avoir autorisé la ratification, notre commission devrait rester saisie pour évaluer, y compris de manière chiffrée, la manière dont la convention est appliquée par l'administration.
Mme Boyer, Mme Le Pen, n'importe quel citoyen est en mesure de prendre connaissance de nos débats puisque nos auditions et nos rapports sont publics. Je trouve par ailleurs injuste de dire que l'on ne débat pas et que notre voix ne compte pas. Si nous ne votons pas cette convention, comme toutes les conventions dont notre commission est saisie, celle-ci ne sera pas appliquée.
Contrairement à ce qu'a dit M. Lecoq, la convention fiscale n'est pas entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Elle entrera en vigueur au 1er janvier 2020, si et seulement si l'autorisation en est donnée par le Parlement français et le Parlement luxembourgeois. D'ailleurs, si elle n'entre pas en vigueur au 1er janvier 2020, c'est la convention « BEPS » qui commencera à produire ses effets sur la convention de 1958. Or, les bénéfices de l'application de l'instrument multilatéral seront beaucoup moins importants puisque l'ensemble des concessions que le Luxembourg a fait par l'intermédiaire de la révision de notre convention bilatérale ne seront pas appliquées.
Je voudrais à présent revenir sur ce que cette convention ne règle pas. Elle n'apporte pas de solution au déséquilibre entre, d'une part, l'extraordinaire développement du Luxembourg, que l'on peut critiquer, et, d'autre part, les difficultés dans le développement des régions qui l'entourent.
M. Clément, le problème du déséquilibre transfrontalier n'est pas nouveau. Les élus locaux évoquent ce sujet depuis près de vingt ans. Pour résumer, le grand déséquilibre, ce sont les personnes qui ont été formées en France et qui ne travaillent pas chez nous ; ce sont les nids-de-poule sur les routes qui ne peuvent être comblés faute de ressources fiscales suffisantes compte tenu du fait que les travailleurs frontaliers sont imposés sur leurs revenus au Luxembourg. Le pôle métropolitain du sillon lorrain estime que, si le Luxembourg devait financer les services publics dont bénéficient les travailleurs frontaliers en France, son budget augmenterait de 30 %.
La rétrocession fiscale, qui est une très vieille solution, a l'inconvénient d'être assez statique. Je crois que le co-développement est une solution plus adaptée pour faire face aux charges qui pèsent sur les services publics, qu'il s'agisse de réparer les nids-de-poule sur les routes ou de financer la formation initiale et l'apprentissage. Mais la solution la plus dynamique, la plus stable et la plus européenne, c'est la constitution de régions transfrontalières dotées de règles communes qui pourraient être un premier pas vers une harmonisation à l'échelle européenne.