Je ne vais pas rappeler le cadre général dans lequel ce projet de loi s'inscrit, M. le ministre et ma collègue Anne-Christine Lang l'ont déjà très bien résumé ; j'y souscris entièrement. Je concentrerai mon propos sur deux enjeux fondamentaux : la formation des enseignants et l'innovation au service des territoires.
Avec plus d'un million de personnels, dont 880 000 enseignants, l'Éducation nationale est le premier employeur de France. En 2019, près de 24 000 enseignants seront recrutés par concours. Beaucoup de postes sont à pourvoir et, pourtant, le métier attire de moins en moins : en l'espace de quinze ans, le nombre d'inscrits aux concours de recrutement du second degré a chuté de près de 30 %.
La plupart des causes sont identifiées et parmi celles les plus régulièrement citées par les syndicats de l'enseignement, on trouve notamment la dévalorisation et le manque de reconnaissance du métier, ainsi que la difficulté des conditions de travail, en particulier en début de carrière. Si on veut faire face à cette crise d'attractivité et de recrutement, deux principaux leviers peuvent être actionnés.
Le premier, c'est bien évidemment la revalorisation salariale. Je ne vais pas m'y appesantir – ce n'est pas du domaine législatif –, je veux simplement souligner les avancées en la matière, M. le ministre ayant déjà eu l'occasion de s'exprimer.
Le second levier, c'est la refonte de la formation des enseignants au sens large, avec un continuum formation initiale - formation continuée - formation continue. Ce sujet a été unanimement pointé lors des auditions, aussi bien par les syndicats que par les différentes directions générales du ministère, et même sur le terrain par des enseignants que j'ai pu rencontrer.
Le projet de loi, outre le changement de dénomination et de gouvernance des établissements qui assurent la formation initiale des enseignants, instaure un cadre national par la mise en place d'un référentiel de formation. Le cadre législatif de la réforme des ESPÉ répond aux critiques récurrentes qui leur étaient adressées.
La formation initiale est homogénéisée : quel que soit l'endroit où l'on est formé en France, le niveau d'exigence et le volume de formations des différentes disciplines sera quasiment identique ; la priorité est donnée aux savoirs fondamentaux, en particulier dans le premier degré. La réforme du master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) doit être l'occasion de rééquilibrer le panorama de savoirs et de compétences d'étudiants dont le parcours antérieur est souvent monochrome – et souvent peu mathématique ou scientifique. Plus de formations doivent être assurées par des acteurs de terrain, enseignant toujours devant des classes.
Enfin, il faut assurer l'adossement des pratiques pédagogiques, des savoirs et des compétences sur le meilleur de la recherche. C'est tout l'intérêt de la proximité avec l'enseignement supérieur.
Chacun d'entre nous pourrait avoir la tentation de rajouter telle ou telle discipline – qu'il juge fondamentale – dans la formation initiale des enseignants. Mais on ne peut pas tout attendre d'une formation initiale. Un professeur n'a pas réellement fini sa formation à la fin de son année de professeur-stagiaire, d'où la nécessité d'ouvrir le chantier et de refonder la formation continuée – durant les trois années suivant la titularisation – et la formation continue – durant le reste de la carrière.
Le prérecrutement, à l'article 14, a pour but d'aller chercher des étudiants dès la deuxième année de licence pour leur permettre, sur trois ans, de s'approprier progressivement l'environnement scolaire et l'exercice du métier. Ce dispositif remplacera progressivement celui des étudiants apprentis professeurs (EAP), dont les bénéficiaires sont de moins nombreux et qui présente un certain nombre de faiblesses, avec un changement de contrat et d'établissement en cours de parcours et, surtout, l'impossibilité de cumuler avec une bourse universitaire. Le dispositif du prérecrutement sera plus attractif, notamment pour les jeunes issus de milieux défavorisés, qui hésitent aujourd'hui à se lancer dans cinq années d'études. L'idée est de sécuriser la trajectoire jusqu'au concours, en retirant le poids de la contrainte financière.
C'est en partant des initiatives portées par les territoires que s'est affirmée la nécessité de légiférer et de créer une nouvelle structure juridique, l'EPLEI. Ce nouveau type d'établissement public d'enseignement orienté vers l'international est largement inspiré des dispositions relatives à l'École européenne de Strasbourg, qui figurent déjà dans le code de l'éducation. Sa création permettra de sécuriser juridiquement les écoles existantes, mais également d'autres projets territoriaux – je pense à ceux de Courbevoie et de Lille.
Il s'agit bien là de participer à l'attractivité de la France, et le Brexit peut y contribuer si l'on se donne les moyens d'être proactif. Lille renforce ainsi son positionnement en tant que capitale européenne ; Paris devient une évidence pour les familles des personnels de l'Autorité bancaire européenne, dès lors qu'elles ont la garantie que leurs enfants pourront bénéficier d'enseignements adaptés dans leur langue maternelle.
Cette opportunité ne se limite pas aux seuls enfants d'expatriés de retour en France ou aux enfants de ressortissants étrangers dont la mobilité professionnelle les amènes à résider temporairement ou définitivement sur le sol français. Ces établissements devront être accessibles aux élèves français de tous milieux capables de suivre des enseignements en langue étrangère, au-delà des enseignements classiques de langue dispensés par les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE). Élever le niveau général des élèves en langues est une ambition déjà portée par le développement des classes bilingues et des sections binationales, internationales et européennes ; l'EPLEI se veut un outil au service de leur développement.
La création du rectorat de Mayotte s'inscrit dans la même logique d'adaptation aux territoires ; elle s'intègre dans une perspective plus vaste : le plan d'action pour l'avenir des Mahorais, annoncé par la ministre des outre-mer en mai dernier.
Pour simplifier le fonctionnement du système éducatif, des ordonnances viendront adapter l'organisation territoriale de l'éducation nationale à celle des nouvelles régions issues de la loi NOTRe ; elles concerneront aussi l'organisation et le fonctionnement des Conseils académiques de l'éducation nationale (CAEN) et des Conseils départementaux de l'éducation nationale (CDEN). Cette dernière mesure a semblé recueillir le consensus lors de nos auditions, ce qui n'a pas été le cas des académies régionales.
Partant de l'étude d'impact et du rapport Weil qui y est cité en référence, j'avoue avoir abordé l'article 17 avec circonspection. Il est ressorti des auditions qu'il était incontournable de se diriger vers des rectorats régionaux disposant d'une autorité hiérarchique qui leur permette d'être pleinement efficaces. Mais il est aussi apparu que, concernant l'organisation et le fonctionnement à l'intérieur de ces super-académies, l'adaptation aux spécificités du territoire devait prévaloir. Il ne s'agit donc pas de transposer un modèle unique dans treize académies, mais de trouver un cadre souple qui s'adapte aux spécificités de chacune, en matière de superficie, d'effectifs ou de densité de l'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, sans entrer dans le détail de ces ordonnances, pourriez-vous tracer les grandes lignes qui les régiront ?