Je tiens, avant d'entrer dans le vif du propos, à vous informer que l'association prépare un site grand public décrivant le parcours de l'acheteur et de l'utilisateur de véhicule électrique, prenant en compte les calculs économiques de TCO (total cost of ownership), en descendant jusqu'à la maille la plus fine, c'est-à-dire en tenant compte des aides locales. Ce site permettra donc de connaître le prix réel payé par l'utilisateur, qu'il soit particulier ou professionnel. Nous avons récolté les fonds pour lancer ce site. Financé par les grands acteurs de la filière, il devrait être annoncé par la ministre des transports d'ici la fin de l'année, et mis en ligne l'année prochaine.
Toute optimisation suppose une prise en compte préalable des doléances des utilisateurs. Nous réalisons ainsi, tous les deux ans, une étude, intitulée « baromètre de la mobilité électrique », au cours de laquelle nous interrogeons les Français sur leur perception de la mobilité électrique. J'ai sélectionné à votre attention, dans la dernière édition de cette étude, les éléments concernant spécifiquement les infrastructures de charge.
Il est tout d'abord important de connaître les habitudes de déplacement des Français : il apparaît ainsi que 80 % d'entre eux parcourent moins de 50 kilomètres par jour, ce qui représente un besoin en recharge quotidien de moins de 7 kilowattheures, relativement faible. En revanche, ils effectuent également de temps en temps des trajets de plus de 300 kilomètres : il faut donc traiter aussi ce besoin de longue distance. Ces deux approches doivent être prises en considération.
L'étude montre par ailleurs qu'un quart des Français interrogés, 24 % précisément, estiment que le véhicule électrique répond à leurs besoins de mobilité. L'accès à la prise représente toutefois un facteur limitant, puisque seul un Français sur quatre dit avoir facilement accès à un point de recharge pour un véhicule électrique, en incluant non seulement les points situés sur la voie publique, mais aussi au domicile. Ce constat soulève notamment la question de l'installation d'une prise de recharge dans les immeubles en copropriété, qui demeure encore aujourd'hui un véritable parcours du combattant, avec des délais qui peuvent s'allonger fortement.
Le niveau d'information dont les Français estiment disposer sur le véhicule électrique et les axes de progression dans ce domaine représentent également des éléments intéressants de cette étude. Il en ressort que la manière dont on recharge son véhicule, le type de prises, la localisation des bornes, la réalisation de l'acte de recharge sur la voie publique ou à domicile sont autant de sources de questionnement, qu'il va falloir traiter. Si l'on commence à voir poindre des solutions relativement au prix, avec les aides de l'État et le calcul du TCO, ainsi qu'en matière d'autonomie, portée aujourd'hui à 300 kilomètres, il faut à présent se focaliser sur les infrastructures, afin de traiter le déploiement futur du véhicule électrique.
Le tableau mettant en relation la puissance et le temps de charge montre qu'il va falloir adapter la puissance à l'usage et tenir compte de l'évolution des batteries. La première partie concerne la recharge quotidienne, en courant alternatif, avec des puissances s'étalant de 2 kilowatts jusqu'à 22 kilowatts, définies la plupart du temps par le véhicule qui les absorbe. Ainsi, si l'on branche un véhicule disposant d'un chargeur intégré de 22 kilowatts sur une prise de 2 kilowatts, il ne va charger qu'à 2 kilowatts. La majorité des véhicules intègrent aujourd'hui un chargeur de 3,7 kilowatts, demain de 7 kilowatts. Le tableau indique, pour chaque niveau de puissance et en fonction de la taille de la batterie – aujourd'hui de 40 kilowattheures, demain de 60 kilowattheures – les durées nécessaires pour charger cette dernière. 40 kilowattheures de batterie permettent de parcourir 300 kilomètres ; 60 kilowattheures permettront d'atteindre 450 kilomètres. On constate ainsi qu'une faible puissance disponible ne permettra pas dans tous les cas de recharger complètement sa batterie : mettre 20 heures pour charger une batterie de 40 kilowattheures sur 2 kilowatts de puissance réseau n'a pas de sens. Mais on se trompe en raisonnant de la sorte, puisque je vous ai démontré précédemment qu'un utilisateur ne dépense en moyenne chaque jour que 7 kilowattheures. Une puissance de 2 kilowatts permet donc de recharger son véhicule tous les jours sans problème.
En revanche, lorsqu'il va s'agir de parcourir une longue distance, il faudra se focaliser sur une charge plus rapide, en courant continu, correspondant à la deuxième partie du tableau. Ces espaces de recharge de forte puissance destinés à l'itinérance pourraient, par exemple, être localisés dans des hubs, ce qui permettrait aux automobilistes de passer à la borne de charge rapide avant de commencer un long trajet. Ainsi, une borne d'une puissance de 150 kilowatts permettrait d'effectuer une recharge en un quart d'heure environ, ce qui est acceptable.
D'autres aspects doivent être pris en considération dans le cadre du déploiement d'infrastructures de recharge. Il importe ainsi de traiter la question du financement de ces infrastructures. Nous disposons, au niveau de l'association, d'un grand programme de certificats d'économie d'énergie intitulé ADVENIR, dans lequel nous finançons les infrastructures à la fois privées, publiques, et situées dans les copropriétés. Nous prévoyons ainsi, d'ici 2020, de financer plus de 12 000 points de charge. Le financement couvre jusqu'à 50 % du coût de l'installation.
Le droit à la prise, la tarification, la fiabilité des installations dans le temps, au travers du taux de disponibilité des systèmes de charge, l'interopérabilité et l'offre de services, avec des applications renseignant sur la disponibilité du point de charge et permettant de le réserver, c'est-à-dire de limiter le temps d'attente préalable à la charge elle-même, sont également des éléments à prendre en compte.
Il convient aussi de préparer le futur. La batterie du véhicule peut stocker l'énergie pour apporter de la puissance et de l'énergie au réseau. Ce sont les technologies dites du « vehicle to home » (V2H) et du « vehicle to grid » (V2G). Ceci doit être anticipé dès aujourd'hui dans les infrastructures de recharge, plutôt privées que publiques.