Intervention de Jérémie Almosni

Réunion du jeudi 29 novembre 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jérémie Almosni, chef du service transport et mobilité de l'ADEME :

Je vais essayer, en tant que dernier intervenant, d'apporter quelques éléments complémentaires à tout ce qui a déjà pu être dit.

Je souhaiterais commencer par quelques points de contexte. Quels sont les objectifs du développement de la mobilité électrique ? Cette question est particulièrement d'actualité aujourd'hui, avec la publication récente de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui fixe l'objectif, sur un temps court à horizon 2028, de plus de quatre millions de véhicules électriques, et la directive sur les carburants alternatifs, qui donne également un cap quant au nombre de points de charge à horizon 2020-2030.

La mobilité électrique vise à répondre à différents enjeux prégnants, qu'il m'apparaît important d'énumérer de manière relativement exhaustive.

Le premier est l'enjeu énergétique. La dépendance au tout pétrole contraint fortement notre pays. Elle s'accompagne d'un épuisement des ressources, et d'un enjeu en termes d'émission de gaz à effet de serre. Nous avons, dans ce dernier domaine, un objectif de réduction d'un facteur sept. Or, le secteur du transport en est l'un des principaux contributeurs.

L'enjeu sanitaire vis-à-vis de la pollution atmosphérique, avec des dépassements de seuils d'émission dans certains territoires, est également très important.

Les enjeux territoriaux sont tout aussi forts, autour de la question de la vitalité des territoires, ainsi que de la nécessité sociale de développer une mobilité inclusive et accessible à tous. La question du coût et de l'accès aux solutions telles que la mobilité électrique apparaît donc comme un élément à ajouter à l'équation.

Dans ce domaine, la vision de l'ADEME a été décrite en 2017, dans le cadre d'un scénario prospectif 2030-2050, avec un objectif de réduction d'un facteur quatre. Nous sommes actuellement en train de retravailler ce scénario, à la lumière des nouveaux objectifs de neutralité carbone du transport, fixés dans le Plan climat. Sans entrer dans les débats de chiffres, nous observons que la mobilité électrique s'inscrit dans le paysage comme une solution pertinente. Nous estimons que 70 % des véhicules du parc seraient, en 2050, des véhicules électriques et hybrides rechargeables.

Une particularité réside dans l'évolution de la taille du parc. Au-delà des évolutions des vecteurs énergétiques privilégiés pour la mobilité, et des efficacités énergétiques observées sur les différentes technologies de moteurs, il existe également un enjeu de sobriété, et de maîtrise de la demande, avec une érosion du nombre de véhicules vendus, au profit des véhicules partagés et du développement de services de mobilité.

Le véhicule électrique apporte des réponses à tous ces défis, qu'il s'agisse de la réduction de la dépendance à l'égard du pétrole, des émissions de gaz à effet de serre, ou encore des polluants atmosphériques. Il m'apparaît toutefois important de mettre l'accent sur la nécessité d'une approche en cycle de vie pour toute solution technologique développée. Le véhicule électrique présente la particularité d'avoir une dette carbone au moment de sa conception. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il gagne, tel qu'il est aujourd'hui, à être utilisé en substitution du véhicule thermique sur des usages intensifs. Il apparaît ainsi adéquat et pertinent pour des trajets domicile – travail quotidiens importants, en l'absence de transports collectifs, pour des flottes partagées de véhicules d'entreprises, pour des livraisons de marchandises en ville, ou encore pour tous les services de mobilité.

Par ailleurs, l'émergence des technologies de l'information et de la communication va certainement constituer un catalyseur pour rendre plus accessible la solution véhicule électrique, et intégrer les bornes dans le paysage comme un élément intelligent.

Enfin, je souhaite souligner un paradigme, auquel il nous semble important de consacrer beaucoup d'énergie, tant dans la communication que dans le portage de nos actions : il s'agit du travail à effectuer, en termes de changements de comportements, afin de renforcer la logique de transport comme mobilité partagée, et de répondre ainsi aux enjeux cités précédemment.

L'ADEME dispose de vingt-six directions régionales, qui accompagnent les collectivités et les entreprises dans l'accélération de la transition énergétique, dans de nombreux domaines, dont celui des transports. Nous engageons également des actions d'expertise, par la réalisation d'études et d'observatoires sur la manière dont ces solutions se développent, et s'inscrivent dans le mix énergétique français. Nous menons aussi des travaux transverses, avec la filière, pour essayer d'accompagner cette transition.

Parmi ces actions, je souhaite faire un rapide focus sur le dispositif IRVE, dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir. Nous effectuons ainsi un suivi régulier des différents points de charge développés, via les contrats liés, avec les territoires et les syndicats d'énergies. J'envisageais aussi de vous donner quelques éléments sur le programme CEE ADVENIR ; mais ce dernier ayant été rapidement présenté par M. Joseph Beretta, je n'y reviendrai pas dans le détail.

Je souhaite enfin évoquer l'étude que nous sommes en train de mener avec l'administration, visant à formuler des recommandations et des orientations pour favoriser le déploiement des bornes de recharge des véhicules électriques. Aujourd'hui, grâce au dispositif des investissements d'avenir, 15 000 points de charge sont développés, ce qui correspond à 69 % de l'objectif de 21 000 que nous avons contractualisé avec les territoires.

Nous observons, dans cette cadence, plusieurs difficultés. L'une tient à l'approvisionnement des bornes : de petits acteurs identifiés comme étant en capacité de produire le matériel éprouvent aujourd'hui des difficultés pour le mettre à disposition. Nous constatons aussi des difficultés quant au positionnement d'acteurs dominants. Nous ignorions, en l'occurrence, le positionnement de l'acteur Bolloré, qui avait développé dans un premier temps des bornes de recharge, sur le déploiement de ces infrastructures, ce qui a pu avoir des incidences sur les stratégies de déploiement. En outre, il apparaît que le décollage du marché du véhicule électrique est légèrement en-deçà des prévisions, même si certains acteurs peuvent observer, localement, des trajectoires fidèles aux estimations.

Le dispositif ADVENIR de soutien au déploiement de points de charge privés se développe, quant à lui, à une cadence extrêmement intéressante, avec plus de 5 000 primes versées depuis septembre 2016, l'objectif à horizon 2020 étant de 12 000 points de charge. Ce programme est financé par des obligés de ces certificats, avec en principe un coût nul pour la collectivité. Il est donc intéressant d'encourager cette démarche, et de la poursuivre. Se posent toutefois certaines difficultés, liées essentiellement à la complexité du droit à la prise. Les évolutions législatives en cours d'élaboration, ou issues de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), vont certainement permettre une accélération du déploiement des points de charge au niveau des habitations collectives.

Enfin, nous réalisons comme je l'indiquais précédemment, une étude avec la direction générale des entreprises et la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), sur la caractérisation des besoins en déploiement d'infrastructures de recharge pour les véhicules électriques. Nous identifions, dans ce cadre, l'importance de promouvoir le développement des IRVE dans les zones d'activité, de travailler à la création de hubs urbains, comme ceci a été souligné par un précédent intervenant, ou encore d'essayer de développer des infrastructures spécifiques pour les taxis ou les voitures de transport avec chauffeur (VTC). Les résultats de cette étude seront disponibles fin 2018, ou début 2019. Nous pourrons alors disposer de données extrêmement intéressantes sur le plan statistique, mais aussi sur les recommandations à faire.

En conclusion, nous souhaitons, à l'ADEME, continuer à accompagner les acteurs vers cette transition, dans des modèles économiques aujourd'hui extrêmement complexes. Nous avons notamment bien compris, en écoutant les précédents intervenants, que l'équilibre n'était pas forcément permis aujourd'hui. Il faut donc poursuivre cet accompagnement. Nous rejoignons également le constat de l'importance de partager les données sur la connaissance des bornes, ou encore des technologies véhicules.

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