Intervention de Nicolas Dudoignon

Réunion du jeudi 17 janvier 2019 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Nicolas Dudoignon, vétérinaire, responsable de la politique de protection animale, Sanofi R&D :

Je vous remercie de l'opportunité qui nous est donnée d'intervenir aujourd'hui. Je suis vétérinaire et j'exerce en laboratoire depuis la fin de mon cursus vétérinaire, en étant passé par une thèse universitaire. Mon rôle consiste à garantir au sein de Sanofi l'application des lois, des règlements et des meilleurs standards définis pour garantir la protection des animaux qui sont utilisés, et à établir une politique d'ensemble à l'échelle des sites R&D de la branche Médicaments. Je suis basé au siège R&D sur le site de Chilly-Mazarin dans l'Essonne.

Mon rôle est aussi d'interagir activement avec les autres acteurs du secteur privé, notamment le LEEM qui représente l'industrie du médicament, pour promouvoir une recherche utile et responsable dans toutes ses composantes.

Notre mission chez Sanofi est d'améliorer la santé de centaines de millions de personnes à travers le monde. Pour la prévention de différentes maladies et la mise à disposition de différents médicaments, nous disposons d'infrastructures principalement dans trois pays : France, Allemagne et États-Unis, ainsi qu'en Asie. Il est important pour nous de s'assurer que nos standards sont comparables dans toutes les différentes composantes de notre programme.

La R&D de Sanofi comprend 5 000 collaborateurs en France sur 6 sites et un investissement significatif pour financer la R&D en interne, mais aussi irriguer l'écosystème français de la recherche biomédicale avec de multiples partenariats.

Pour répondre aux besoins de nos axes de recherche qui ont été recentrés sur l'oncologie, l'immunologie et l'inflammation, les maladies rares, les maladies neurologiques, le diabète et les maladies cardio-vasculaires, tous les projets démarrent par l'identification d'une ou plusieurs cibles dont la validation et la pertinence passent inévitablement par des étapes initiales de modélisation informatique, de synthèse chimique ou biologique, puis des phases de caractérisation sur cellules in vitro.

Ensuite, il est évident pour nous qu'il n'est ni justifié ni acceptable, scientifiquement, éthiquement ou réglementairement, de passer directement aux essais cliniques chez l'homme sans phase préalable de caractérisation, d'efficacité et d'innocuité sur des modèles animaux.

En matière de prédiction des effets chez l'homme, bien que des méthodes non animales existent et soient utilisées abondamment, leurs performances n'égalent pas suffisamment celles qu'on peut attendre et qu'on connaît des essais sur les animaux.

Depuis longtemps, comme l'a déjà mentionné Mme Sirigu, des comités d'éthique interviennent dans les laboratoires. Le secteur privé s'est de longue date investi dans ce secteur. Des comités d'éthique sont en place pour examiner toutes les demandes d'utilisation des animaux qui sont présentées par les équipes de recherche, et c'est seulement après l'approbation de ces demandes que l'on peut engager des recherches.

Ce recours n'est vraiment autorisé que si l'on a démontré que l'on ne pouvait pas répondre à la question scientifique posée via une méthode substitutive, qui éviterait l'utilisation des animaux. C'est ce que soulignait déjà le rapport de l'OPECST de 2009 en insistant sur la nécessité d'effectuer cet examen éthique, sous forme d'une analyse au cas par cas mettant en balance les avantages à utiliser des animaux et les inconvénients qui en résultent pour eux.

Cette justification du recours aux animaux par rapport à d'autres méthodes non animales est un sujet auquel j'apporte une grande importance pour m'assurer que les scientifiques ont vraiment pesé avec soin les avantages et les limites des différents modèles. Il est bien question de modèles de recherche sur lesquels ils peuvent s'appuyer pour répondre à l'hypothèse qu'ils formulent.

Le recours à l'animal s'explique par la nécessité d'un modèle pour récapituler la complexité du vivant et ses interactions dynamiques, et parce qu'en la matière, on a atteint la limite des modèles non animaux.

Le choix de l'espèce est un point crucial. On note des évolutions dans ce domaine, à la fois parce que les avancées marquantes en génétique nous permettent d'accéder à des modèles beaucoup plus ciblés, et que l'industrie pharmaceutique a pris un virage en s'orientant vers des produits biologiques plutôt que des produits chimiques. En cela, la cible telle qu'elle est identifiée chez l'homme n'est pas nécessairement présente chez toutes les espèces animales. On s'attache donc à n'analyser que l'espèce d'intérêt, même si cette espèce devait être un primate, comme cela a été récemment le cas avec l'isatuximab, un produit anticorps utilisé contre le myélome multiple en cancérologie.

Nous avons d'autres exemples où les chercheurs s'appuient sur des modèles plus innovants comme le poisson zèbre, un tout petit poisson, par exemple dans le domaine de la recherche en cardiologie, plutôt que d'aller directement chez une espèce mammifère, comme les rongeurs ou le chien.

Dans cet esprit d'approche alternative globale en expérimentation animale, on inclut cette notion de remplacement, mais aussi la réduction du nombre et le « raffinement » des conditions d'utilisation. Pour cela, des biostatisticiens sont impliqués en amont dans la conception des études et les discussions au sein des comités d'éthique, pour s'assurer que les effectifs les plus faibles et adaptés possibles seront utilisés, mais aussi pour aider à exploiter les résultats et s'assurer que l'on va retirer un maximum d'informations exploitables de chacune des études.

La réutilisation des animaux, en tant que modalité de réduction du nombre utilisé, ne doit pas être négligée. Celle-ci est autorisée par le texte réglementaire, et au sein de nos laboratoires, elle est mise à profit afin de réduire le nombre d'animaux nécessaires dans les programmes de recherche, dans la limite du respect de la réglementation et des contraintes du bien-être animal, qui se traduisent par des règles internes en la matière.

En termes de niveau de soin que l'on souhaite prodiguer aux animaux présents dans les animaleries, les normes qui sont imposées aujourd'hui par la directive de 2010 et applicables en France depuis 2017 avaient été adoptées dès les années 2000 dans nos laboratoires. Nous avons à coeur de fournir aux animaux les meilleures conditions possibles en termes d'hébergement et d'enrichissement de leur environnement, pour leur permettre d'exprimer un maximum de comportements dit naturels, d'interagir entre eux et avec le personnel. C'est un élément important pour favoriser le bien-être des animaux et aussi le mieux-être du personnel qui travaille avec eux. Par exemple, on cherchera constamment à améliorer le confort d'animaux diabétiques qui sont handicapés par le surpoids ou par des mictions fréquentes.

Toutes les phases d'un protocole d'étude sont passées au peigne fin par le comité d'éthique avant qu'il soit mis en oeuvre, puis dans le cadre de la réalisation par une cellule dédiée – la SBEA – structure chargée du bien-être des animaux présente dans les animaleries et les laboratoires, de façon à apporter les conseils adéquats pour que le bien-être des animaux soit pris en compte au mieux. Un vétérinaire est constamment disponible, il donne des conseils en matière d'anesthésie, de prise en charge de la douleur, ou encore de bonnes pratiques pour le prélèvement ou les techniques de chirurgie, et il participe aux programmes de formation continue du personnel.

Toutes ces améliorations, dont la portée peut sembler limitée au quotidien, constituent un programme conséquent au total, dans lequel s'inscrit aussi le développement de nouvelles techniques telles que l'apport de l'imagerie sur les petits animaux, qui nous permet des avancées significatives en matière de bien-être et de réduction ; il est possible d'utiliser un animal sur le long terme, de faire du suivi longitudinal sur des pathologies inflammatoires ou cancéreuses, là où avant les analyses séquentielles des lots d'animaux étaient nécessaires.

Le rôle des vétérinaires, qui a été renforcé avec la directive, est également très important chez Sanofi : ils s'impliquent à tous les niveaux. Nous avons un minimum de sept vétérinaires dédiés à ce sujet sur nos quatre sites de R&D français. Nous avons des équipes d'animalerie dévouées et du personnel formé pour tout cela.

Nous inscrivons toute cette démarche dans un « programme de soin et d'utilisation des animaux » qui est régulièrement audité par un organisme indépendant pour obtenir un niveau d'accréditation de nos installations. Cette démarche, menée sur tous nos sites, est l'un des gages d'engagement de l'entreprise dans une « culture of care », une culture de la bienveillance, du soin.

Toutes ces composantes sont pour nous essentielles tant que le recours aux animaux restera incontournable, avant d'administrer un médicament ou un vaccin à l'homme. L'une des pistes de discussion, bien que la porte soit déjà entrouverte par les autorités de santé, serait d'avoir plus de possibilités, et à l'échelle internationale, de limiter l'utilisation des animaux avant de procéder à une demande d'autorisation d'un médicament. Certaines autorités imposent cependant encore le recours à l'animal alors qu'on pourrait parfois s'en passer.

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