Le GIRCOR est une association qui regroupe plus d'une quarantaine d'organismes publics et privés. Elle a été créée en 1992, à l'initiative d'Hubert Curien, alors ministre de la recherche, qui faisait déjà le constat, encore d'actualité, du manque d'information, voire de la désinformation de l'opinion publique au sujet de l'expérimentation animale.
Les derniers sondages montrent que 80 % des Français reconnaissent ignorer la réalité de l'expérimentation animale, les espèces utilisées, les conditions de vie des animaux dans les laboratoires et l'existence d'une réglementation. Près d'un Français sur trois pense qu'aucune réglementation n'encadre l'utilisation des modèles animaux. C'est sans doute cela qui explique l'écoute dont bénéficient certains groupes qui entretiennent de la confusion et banalisent volontairement des termes d'un autre temps, comme la vivisection pour qualifier la recherche en biologie, comme si celle-ci était restée figée au XIXe siècle.
La communauté scientifique est responsable en grande partie de cette situation. Pendant trop longtemps, elle a refusé de communiquer sur l'expérimentation animale, par crainte, négligence, voire parfois avec une certaine condescendance. La mission du GIRCOR est d'informer en toute transparence sur la recherche biomédicale. Celle-ci comprend la recherche pré-clinique, mais aussi la recherche fondamentale, qui cherche à comprendre les mécanismes du vivant, à déceler des mécanismes pathologiques pour développer des traitements pour l'homme et l'animal, ainsi que des solutions pour préserver l'environnement.
Le GIRCOR ne se limite pas à la défense de l'expérimentation animale, qui n'est pas une fin en soi. Il s'agit de défendre la recherche dans sa globalité. Pour appréhender l'immense complexité du vivant, il faut disposer de tous les modèles qui permettent d'obtenir des informations à des échelles différentes : molécule, cellule, tissu, organe, organisme entier, population d'organismes. Tous ces modèles, qu'ils soient in vitro, in vivo ou in silico sont complémentaires et la recherche intégrée illustre aujourd'hui cette complémentarité.
Certains groupes utilisent le piège extrêmement dangereux consistant à opposer, de manière totalement artificielle, une recherche in vitro ou in silico qui serait vertueuse, à une recherche in vivo qui serait diabolique. C'est nier la réalité de la complexité de la recherche, et donc cela doit être expliqué.
Cela n'empêche pas de promouvoir de nouvelles techniques, je pense en particulier au développement d'organes sur puce qui ouvrent des perspectives extraordinaires et qui vont sans doute permettre à moyen terme de s'affranchir de l'utilisation d'un grand nombre d'animaux, en particulier dans le domaine de la toxicologie. Le GIRCOR encourage toutes ces avancées.
Si la recherche a encore besoin de modèles animaux, il est impératif qu'elle soit rigoureusement respectueuse de la sensibilité et du bien-être animal. Le respect de l'animal est une valeur cardinale de la science responsable que nous souhaitons promouvoir. Ce n'est pas un hasard si le bureau du GIRCOR se compose quasi exclusivement de vétérinaires.
L'une de nos missions est d'accompagner la communauté scientifique dans l'amélioration continue des pratiques. Là aussi, ne tombons pas dans l'autosatisfaction, il y a des progrès à faire. Nous y travaillons et la communauté scientifique y travaille, en particulier dans la diffusion des valeurs éthiques.
Depuis quinze à vingt ans, nous assistons à un changement culturel, avec une préoccupation croissante et légitime de l'opinion publique pour le respect et le bien-être animal. Ce tournant est également présent dans le monde de la recherche, et dans la nouvelle directive européenne 201063EU qui place la sensibilité de l'animal et la règle des 3 R au coeur des pratiques de recherche.
Dans ce contexte, bien avant que ceci ne devienne obligatoire, le GIRCOR a accompagné depuis une vingtaine d'années la création de comités d'éthique, la formation de leurs membres ; il a participé à la publication de guides d'évaluation éthique des projets.
Avec l'apparition des nouvelles structures du bien-être animal (SBEA) au sein de tous les établissements de recherche, le GIRCOR a un rôle de coordination.
Enfin, concernant le replacement, le quatrième R évoqué par M. Chapouthier, le GIRCOR est partenaire d'associations comme le GRAAL (Groupement de réflexion et d'action pour l'animal) qui oeuvrent à la réhabilitation des animaux en fin de protocole. Ainsi plusieurs milliers d'animaux de différentes espèces ont déjà été replacés.
La préoccupation de nos concitoyens pour le bien-être animal et la justification permanente des animaux utilisés en recherche sont plus que légitimes, elles sont indispensables. Nous devons poursuivre nos efforts en matière d'ouverture, de transparence, en privilégiant les échanges entre la communauté scientifique, les associations de malades, les associations de protection animale et le grand public.
Ce défi essentiel implique largement le GIRCOR. Pour reprendre ce maître mot de respect, il est important de reconnaître que la communauté scientifique a longtemps adopté une posture un peu paternaliste, en négligeant de considérer les demandes de transparence émanant de l'opinion publique. C'est un tort que nous devons corriger ensemble. Un dialogue, ce n'est pas la somme de deux monologues ; il faut privilégier l'écoute.
Je le répète, il faut aussi arrêter les caricatures, d'un côté comme de l'autre, et arrêter notamment de parler de vivisection. Encore une fois, cela renvoie à des pratiques pénalement condamnables, avec potentiellement des peines de prison. Arrêtons de dire que la recherche pratique la vivisection, que les chercheurs sont des tortionnaires, arrêtons également de faire croire que les méthodes alternatives vont permettre de tout comprendre et de tout résoudre tout de suite.
Plutôt que de s'enfermer dans des oppositions, essayons de travailler ensemble pour continuer à oeuvrer pour le progrès, pour l'amélioration des pratiques, pour la diffusion des valeurs éthiques, pour augmenter et améliorer les 3 R au sein des procédures de recherche, et aussi pour répondre à de nouveaux défis ; je pense en particulier aux problèmes de reproductibilité, au partage des données scientifiques, ou encore à la publication des résultats négatifs, qui sont sans doute des chantiers auxquels il va falloir s'atteler.