Intervention de Florence Lassarade

Réunion du jeudi 17 janvier 2019 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Florence Lassarade, sénatrice :

En introduction aux débats de cette seconde table ronde, je rappelle que l'utilisation d'animaux à des fins scientifiques expérimentales est une pratique très ancienne en recherche médicale et biologique, qui est aujourd'hui remise en cause dans nos sociétés.

Nous avons évoqué trois facteurs qui contribuent à cette remise en cause. En premier lieu, une attention plus grande est portée aujourd'hui à la souffrance infligée aux animaux. Une profonde réévaluation du statut et de la place de l'animal a été opérée ces dernières années. Il est désormais établi, y compris par le droit, que les animaux sont doués de sensibilité, certains sont particulièrement intelligents et éprouvent des émotions. Aussi avons-nous le devoir de les protéger contre les souffrances que nous pourrions leur causer.

En deuxième lieu, la recherche de solutions alternatives à l'expérimentation animale, qui sera l'objet de cette table ronde, bénéficie d'un socle de réflexions dont certaines sont déjà anciennes. On a évoqué les 3 R – Replacement, Reduction, Refinement –, que l'on peut traduire par remplacement, réduction et optimisation ou affinement, auxquels on peut ajouter un quatrième R pour Réhabilitation. Les experts qui vont intervenir dresseront un tableau des méthodes alternatives disponibles et des perspectives qu'elles offrent.

Enfin, les méthodes alternatives à l'expérimentation animale bénéficient depuis plusieurs années d'un contexte juridique adapté. Il faut souligner que les principes des 3 R et les orientations qui en découlent servent de base à de nombreux textes réglementaires, en particulier à l'échelle européenne. Les premiers principes datent de 1986 et en 2010, la directive 201063EU relative à la protection des animaux en a réutilisé certains. L'article 13 de cette directive impose ainsi de choisir parmi les espèces les moins susceptibles de ressentir de la douleur, de la souffrance, de l'angoisse ou de subir des dommages durables.

C'est dans ce cadre théorique et juridique que s'inscrivent les travaux de l'OPECST, en particulier dans son rapport de 2009. Ces travaux ont participé au développement de la réflexion sur l'expérimentation animale et les méthodes alternatives. Le recours à ces méthodes est non seulement une urgence éthique, mais aussi une nécessité pratique dans un contexte réglementaire qui les préconise, et au-delà, dans un contexte de recherche socialement responsable.

En dépit de ces évolutions, seule la réglementation sur les cosmétiques interdit le recours à l'expérimentation animale, et de nombreuses questions restent ouvertes, auxquelles notre table ronde pourra, je l'espère, apporter des réponses.

D'abord, au plan strictement scientifique, il s'agit de comprendre dans quelle mesure il est envisageable ou possible de se passer complètement des expériences sur les animaux de laboratoire. Autrement dit, les méthodes alternatives ou de substitution permettent-elles de remplacer toutes les dimensions de la recherche animale pour faire progresser la recherche ?

Ce type de recherche ne reste-t-il pas incontournable lorsqu'il s'applique à des organismes vivants trop complexes pour être reproduits dans des modèles simplifiés ?

Comment améliorer la qualité et la prédictibilité des modèles utilisés dans la recherche avec des alternatives non animales ? Notre table ronde pourra, je l'espère, nous permettre d'explorer sur ce plan scientifique les apports et les limites actuels de différentes méthodes alternatives.

En second lieu, s'il existe des limites au développement des méthodes alternatives, sont-elles uniquement scientifiques ? On peut souligner la question des modes de financement dans le développement des méthodes alternatives. Alors que certains pays de l'Union européenne, comme le Royaume-Uni, la Suède, l'Allemagne ou les Pays-Bas sont très actifs dans cette recherche, en raison de mécanismes de financement dédiés, qu'en est-il en France ? Quelles seraient les solutions pour faire changer les choses ?

De même, quel rôle peuvent jouer les institutions et les élus que nous sommes dans le développement de la recherche fondée sur des méthodes alternatives à l'expérimentation animale ? Autrement dit, l'ambition de notre table ronde doit être de faire le point sur les progrès et les limites actuelles au développement des méthodes alternatives, mais aussi d'évaluer les pistes qui permettront à la France, du point de vue de ses institutions, de mieux développer l'utilisation des méthodes alternatives.

Les questions du public présent ici seront collectées avant l'intervention du dernier intervenant. Mon collègue Cédric Villani les posera, dans la limite du temps qui nous est imparti.

Je donne la parole à la professeure Francelyne Marano. Pouvez-vous nous préciser comment les principes des 3 R sont déclinés, notamment dans les méthodes alternatives ? Nous aurons une description précise de deux méthodes de substitution grâce aux prochains intervenants. Aussi pourriez-vous décrire de façon générale les méthodes alternatives comprenant les stratégies de réduction et de « raffinement » ? Ces stratégies vous semblent-elles d'avenir dans le domaine de la toxicologie, qui semble voué à continuer à se développer, compte tenu de la prise de conscience générale des effets délétères de nombreux matériaux ou molécules, comme celles que l'on nomme perturbateurs endocriniens ?

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