Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

– Dans le cas de Gilles-Éric Séralini, sans me prononcer sur le fond, la forme du débat n'a pas été respectée. Par exemple, quand il a refusé de communiquer ses données, cela a provoqué des réactions de l'autre camp qui n'étaient pas non plus raisonnables, et qui l'attaquaient sur ses convictions personnelles. Il y a donc eu une perte d'intégrité dans l'ensemble du processus.

Je veux croire qu'il était de bonne foi et je pense que la rétractation de son article fut une erreur. Des articles faux, il s'en publie beaucoup, et le taux de reproductibilité en sciences humaines et sociales ou en biologie est très faible, cela a été démontré. Il faut donc être prudent ; des erreurs méthodologiques, avérées dans ce cas, ne justifient pas l'infamie de la rétractation. Du reste, l'affaire n'est sans doute pas terminée…

J'ai travaillé à une autre affaire, celle de la mémoire de l'eau. Ce cas, plus complexe qu'on ne le dit souvent, est fascinant à bien des égards. Il mêle la question de la reproductibilité, celle de l'expertise indépendante, le rapport à la presse, le rôle des statistiques, les conflits de chapelle, la déontologie des revues – quand le rédacteur en chef d'une revue parmi les plus prestigieuses du monde affirme quasiment « j'étais sûr que c'était faux, donc j'ai décidé de publier », on peut s'inquiéter… J'ai rédigé une note de synthèse sur ce thème, je vous la communiquerai. Pour en avoir discuté avec des collaborateurs du Dr Benveniste, je pense que l'on n'a pas encore tout éclairci.

On a peu parlé de l'indépendance des experts et de nos institutions. La France a traité durement les questions de conflits d'intérêts, et on a maintenant des alertes selon lesquelles cela aboutit à des pertes d'expertise, dans le domaine des médicaments, par exemple, où le poids des industries est très fort. Un laboratoire pharmaceutique m'a saisi récemment pour me demander pourquoi la France était le seul pays, avec la Corée du Nord, à refuser d'accorder un agrément à son médicament, et j'ai réalisé, après enquête, que l'on avait perdu beaucoup d'expertise dans le domaine considéré en raison de règles trop strictes sur les conflits d'intérêts. Il faut examiner cela avec beaucoup de doigté.

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