Après avoir appelé votre attention sur l'écart entre l'ampleur du projet et le secret qui l'a entouré, je tiens à évoquer les autres problèmes qu'il soulève. Il ne pose pas seulement un problème d'ordre démocratique, son contenu lui-même est inquiétant, puisque, notamment, il ne prévoit aucune disposition contraignante en matière écologique. Les questions écologiques sont pourtant de première importance. La Fondation Nicolas Hulot a déclaré, en raison du caractère fondamentalement libre-échangiste du texte, que celui-ci est le plus écocide qui ait jamais été signé. C'est une accusation d'une extrême gravité.
On dira que le trait est forcé. Comment se fait-il, alors, que cet accord avec nos partenaires japonais n'évoque pas une seule fois, par exemple, la question de la biodiversité, notamment la pêche de la baleine ? Nous sommes pour qu'on cesse de pêcher ces mammifères, de les assassiner pour tout dire. Eh bien, comme cette pêche n'est nulle part évoquée, nous nous apprêtons à valider un accord dans lequel nous reconnaissons que notre partenaire a le droit de continuer à pratiquer une pêche que toute la législation internationale condamne.
Je prends des exemples pointus, pour que l'Assemblée comprenne que nous avons procédé à une analyse détaillée du texte. Je ne jette pas la pierre à nos amis japonais, qui n'y sont pour rien – le Japonais de la rue n'est pas au courant – , il se trouve pourtant qu'une large part du trafic illégal du bois transite par le Japon, trafic dont un accord de libre-échange nous rendra complices, sauf si nous vérifions chaque chargement de bois pour détecter la présence éventuelle de bois illicites, ce que personne ne fera. Quand bien même vous le voudriez, vous ne le pourriez pas, puisque un conteneur seulement sur mille est contrôlé à son arrivée dans nos ports.
Pour ce qui est de la question sociale, on sait qu'à chaque fois qu'on abaisse le niveau de protection, c'est une prime que l'on donne à celui qui pratique le plus bas niveau de protection. Or le Japon n'a pas signé plusieurs conventions internationales en la matière, dont celle sur le travail forcé ou obligatoire : ce n'est tout de même pas rien ! Pourquoi acceptez-vous, dans ces conditions, de signer l'accord de libre-échange ? Le Japon n'a pas non plus signé la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination, qui a, pour nous Français, mais pas seulement pour nous, une importance certaine. Et comment nous en sortons-nous ? Tout va bien, on continue, ce n'est pas grave ! Nous allons faire un riche accord de libre-échange, et nous sommes contents parce que, des deux côtés, nous allons pouvoir manger des cochonneries produites dans des conditions inacceptables.
La ligne générale d'une nouvelle organisation écologique de la société, c'est la relocalisation maximale des activités. Si vous croyez qu'il sera toujours possible de maintenir des échanges commerciaux en transportant des quantités massives de marchandises sur des cargos, vous vous trompez. Lors des événements naturels exceptionnels auxquels nous sommes confrontés désormais, les vagues atteignent 40 mètre, contre 20 mètres par le passé. Ne nous enfermez pas dans des situations que vous ne pourrez plus contrôler d'ici peu !
Je ne saurais accepter non plus l'existence de ces tribunaux d'arbitrage, créés dans le cadre du CETA et dont se félicite la proposition de résolution. Les tribunaux d'arbitrage, quels qu'ils soient, sont mauvais : pourquoi le droit de la finance serait-il différent du droit commun qui s'applique dans chacun de nos pays ? Peu nous chaut de savoir de quel type de tribunal il s'agit.
Les tribunaux privés d'arbitrage, peuplés de gens qui sont tous d'accord, ont déjà condamné l'Allemagne à verser 1 milliard parce qu'elle a abandonné l'énergie nucléaire. Les Australiens ont été condamnés pour leur politique d'interdiction du tabac, les Italiens pour avoir refusé des forages à moins de 2 milles de leurs côtes. Voilà ce que sont ces tribunaux : ils donnent des droits spécifiques à ceux qui ont de l'argent, comme si ces derniers jouissaient de lois et de tribunaux à part. Nous sommes contre, à plus forte raison s'il s'agit des mêmes prétendus tribunaux que ceux qui ont été créés dans le cadre du CETA.
Comme c'est curieux, vous faites ces propositions au moment où la Commission européenne décide de créer des tribunaux permanents dont les membres auront été choisis. Non, non et non ! Nous ne pouvons ni accepter la convention, parce qu'elle organise le dumping social, le libre-échange échevelé et le dumping environnemental, ni voter un texte dans lequel il est écrit que le capital aurait des droits différents de ceux des peuples.