S'agissant des fichiers de police ou de renseignement, la CNIL ne doit pas, de mon point de vue, chercher à opposer la protection de l'ordre public et celle de la vie privée, qui sont deux ambitions tout aussi légitimes. Plutôt que de s'inscrire dans ce schéma binaire, la CNIL doit chercher un équilibre et apporter des garanties : il faut assurer la protection de l'ordre public, tout en assurant au maximum celle des données des personnes qui sont inscrites sur ces fichiers.
L'histoire des relations entre la CNIL et les pouvoirs publics sur ces questions est longue. Elle remonte même aux origines de la CNIL puisque celle-ci a vu le jour en 1978, à la suite de la polémique sur le Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus (SAFARI), qui avait éclaté en 1974. La CNIL, vous le savez, est très impliquée sur ces questions, puisqu'elle donne un avis sur les décrets de création de ces fichiers. Elle a aussi un pouvoir de contrôle a posteriori sur la plupart des fichiers, à quelques exceptions près. Lorsqu'elle ne dispose pas de ce pouvoir de contrôle, elle met en oeuvre le droit d'accès indirect, puisque les citoyens peuvent la saisir s'ils souhaitent avoir des informations sur les données qui les concernent. Un magistrat peut avoir accès à ces fichiers et s'assurer, par exemple, que certaines données qui devaient être supprimées l'ont bien été : la CNIL fait en effet respecter certaines règles relatives à la durée de conservation et aux modes d'accès à ces fichiers. La CNIL, du reste, n'est pas non plus opposée à l'idée de l'interconnexion des fichiers, sous certaines conditions restrictives.
Ma logique, je le répète, n'est pas d'opposer deux ambitions très légitimes, mais d'apporter le maximum de garanties possibles et d'encadrer les choses avec pragmatisme. Comment faire connaître leurs droits aux personnes concernées ? Au-delà des polémiques qui peuvent être médiatisées, il y a certainement une action de vulgarisation à mener sur ce sujet. En tout cas, j'entends bien votre préoccupation et, si je suis désignée pour présider la CNIL, je m'emploierai à trouver des réponses.