Sur le principe, la création d'une agence nationale de cohésion des territoires est bien évidemment considérée comme un élément positif par le groupe Libertés et Territoires, dont le président, Philippe Vigier, déplorant que les annonces du Gouvernement ne soient pas suivies d'effet, avait défendu une proposition de loi en ce sens.
Face à la fronde des élus locaux et à la demande des territoires, le Gouvernement accélère la cadence. Nous sommes pour la clarification, et il est évident que non seulement cette agence représentera pour les territoires une porte d'entrée unique, puisqu'elle fusionnera les agences existantes, mais qu'elle leur fournira également, en principe, l'ingénierie dont elles ont besoin. Sur ce point, nous sommes d'accord ; le fait est que la fracture entre les territoires – ruraux, de montagne, urbains, périurbains – ne cesse de s'aggraver.
Cependant, le fonctionnement de l'agence et la méthode qui a présidé à sa création suscitent quelques interrogations.
Tout d'abord, j'ai bien peur qu'on ne cède, une fois de plus, à la tentation d'imposer une création par le haut. Je m'explique. Lorsqu'on retient, par exemple, une analyse au niveau départemental, on n'établit pas forcément le diagnostic des différents territoires institutionnels, qui exercent des compétences propres et suivent une stratégie de développement depuis des années. En Corse, par exemple, le comité de massif exerce une compétence exclusive d'animation ; un schéma « montagne » est élaboré et des initiatives sont prises dans le cadre de cofinancements, de stratégies… Comment le préfet, en sa qualité de délégué territorial de l'agence, guichet unique, peut-il piloter cela ? On donne le sentiment de mettre en concurrence déconcentration et décentralisation. Cette concurrence, nous la constatons tous sur le terrain, aujourd'hui. Or, l'État n'a pas vocation à être un animateur de développement local. Ce n'est pas à lui, compte tenu des compétences qui ont été transférées depuis 1982, d'animer la construction de projets locaux, privés ou publics.
En revanche, un organe assurant la cohésion, mettant en oeuvre des logiques de péréquation et de clarification, est souhaitable ; ce devrait être, à notre sens, la mission d'une agence de cohésion. Celle-ci ne doit pas se substituer aux collectivités, aux agences territoriales, aux communes ou intercommunalités, qui ont une vision du développement de leur territoire, fondée sur moult diagnostics de filières et sur leurs spécificités. Je pense ici au comité d'action territoriale, qui m'apparaît comme une perte de temps, à moins qu'on ne considère que cette agence doive renforcer la déconcentration dans l'animation du développement local. Mais alors, il ne s'agit plus d'assurer la cohésion, ni de résoudre les problèmes liés au cloisonnement des financements de l'État et des collectivités ou d'accompagner les territoires les plus fragiles. Si on considère que cette agence doit agir en faveur de ces derniers, des territoires qui rencontrent des difficultés au plan démographique ou qui sont soumis à des contraintes géographiques, l'objet même de cette agence doit être très ciblé.
Se pose enfin la question du financement – cela a été dit. Quant à la gouvernance, on dit qu'elle sera équilibrée grâce à la coprésidence du conseil d'administration. Soit, mais qu'en est-il de sa déclinaison territoriale et de l'approche régionale ? Il est essentiel que ces questions trouvent une réponse si nous ne voulons pas que l'agence devienne un ersatz et un outil permettant de renforcer la déconcentration au détriment de la décentralisation, alors qu'il faut créer des partenariats beaucoup plus efficaces en luttant contre les défiances qui se sont installées.