Vous imaginerez aisément quel honneur je ressens de me présenter devant vous après avoir été, des années durant, le témoin muet de vos travaux et de ceux de vos prédécesseurs. Et cela, parce que le président de l'Assemblée nationale vous a fait savoir qu'il envisageait de me nommer au Conseil supérieur de la magistrature, sous la condition, introduite par la révision constitutionnelle de 2008, que votre Commission ne s'y oppose pas. Cette exigence, renforcée sous la précédente législature par la désignation systématique d'un rapporteur appartenant à un groupe d'opposition ou minoritaire, et l'obligation faite à l'impétrant de répondre à un questionnaire détaillé, dont les réponses sont communiquées aux membres de la Commission et mises en ligne, manifestent assez l'attention que vous accordez à cette procédure, comme en témoignent également les séances qu'elle y a consacrées, notamment le 16 janvier dernier lorsque vous avez entendu les trois autres postulants aux fonctions de personnalité qualifiée au CSM.
Je ne sais si mon profil présente les mêmes qualités et c'est avec humilité que je me présente devant vous. Ce profil est avant tout celui d'un juriste. Depuis mon entrée dans les cadres de la fonction publique parlementaire en 1985, j'ai été associé étroitement au travail législatif, de la préparation au vote de la loi, et même jusqu'au contrôle de constitutionnalité lorsque, durant quatre ans, j'ai exercé les fonctions de chef du service juridique du Conseil constitutionnel.
J'ai tout d'abord été affecté à la commission des Finances, puis à celle des Affaires culturelles, familiales et sociales, où je me suis occupé du secteur de la communication, et en particulier des lois qui ponctuaient régulièrement le calendrier législatif – la « loi Léotard », la loi sur le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la loi instituant la présidence commune des chaînes du secteur public de la télévision... J'ai ensuite rejoint le service de la Séance où j'ai eu à appliquer directement la procédure parlementaire. Puis, à mon retour du Conseil constitutionnel, après un bref passage de nouveau au service de la Séance, j'ai suivi les questions relevant du droit des immunités et des incompatibilités parlementaires comme chef de la division du Secrétariat général de l'Assemblée et de la présidence, à ce titre très proche collaborateur du Secrétaire général, avant d'occuper, pendant plus de sept ans, le poste de chef du secrétariat de la commission des Lois, tenu aujourd'hui par mon voisin et qui conduit son titulaire à connaître des questions relevant du droit constitutionnel, des libertés publiques et des droits fondamentaux, de l'organisation judiciaire, de la législation civile, pénale et commerciale. Je ne prétends pas être un spécialiste de tous ces droits, mais au moins ai-je vu d'assez près les textes soumis à la commission pendant toutes ces années.
C'est le poste juridique par excellence au sein de l'Assemblée pour accompagner le travail parlementaire de fabrication de la loi et de son évaluation, travail au demeurant assez mal connu, y compris des praticiens du droit, qui ignorent bien souvent tant les contraintes pesant sur le législateur que la richesse des travaux et des débats parlementaires. J'ai retrouvé avec plaisir ces sujets en devenant directeur du service des Affaires juridiques où je coordonne les activités de contrôle – j'ai suivi directement, l'année dernière, le groupe de travail installé par le Bureau de l'Assemblée nationale sur les moyens de contrôle et d'évaluation – et celles des secrétariats des délégations rattachés au service des Affaires juridiques.
Ce parcours professionnel de juriste a sans doute motivé mon recrutement en qualité de professeur associé de droit public à l'Université de Versailles-Saint-Quentin puis à Paris I Panthéon-Sorbonne où je dispense notamment un cours de droit parlementaire et un autre sur le fonctionnement des institutions, ainsi que mon élection au conseil d'administration et au conseil scientifique de l'Association française de droit constitutionnel.
J'ai aussi occupé pendant quatre ans les fonctions de directeur adjoint puis de directeur du service des Ressources humaines de l'Assemblée nationale. Elles m'ont conduit à mettre en oeuvre le droit de la fonction publique parlementaire, droit spécifique qui doit respecter les principes généraux du droit et les garanties fondamentales reconnues aux fonctionnaires de l'État par l'article 34 de la Constitution. J'ai eu à connaître à ce titre des questions statutaires, du recrutement, de la formation professionnelle et de la gestion prévisionnelle des effectifs, et aussi du contentieux disciplinaire des fonctionnaires de l'Assemblée nationale, toutes expériences qui devraient être utiles au membre d'un organe chargé de faire des propositions ou de donner son avis sur des nominations des magistrats du siège ou du parquet et de statuer comme conseil de discipline d'un corps d'agents publics d'un type particulier – ni la justice, ni la fonction publique parlementaire ne sont des administrations comme les autres.
Comme je l'ai exposé dans mes réponses écrites, je crois pouvoir disposer d'un autre atout, acquis depuis des décennies au contact des parlementaires et des membres du Conseil constitutionnel : l'expérience, comme spectateur attentif, du fonctionnement des organes collégiaux. Elle devrait m'être utile tant au sein de l'instance elle-même que pour appréhender les questions qui lui seront soumises, l'institution judiciaire reposant très largement sur le principe de la collégialité.
Telles sont les expériences que je me propose de mettre au service du CSM, si vous me jugez digne d'y participer, avec le souci d'indépendance, d'impartialité, d'intégrité et de dignité exigé de ses membres. S'imposeront à moi des obligations de comportement et de retenue dans l'expression, écrite comme orale, au premier rang desquelles le secret des délibérations, la neutralité à l'égard des pouvoirs quels qu'ils soient et l'étanchéité aux bruits et fureurs qui entourent parfois certaines affaires brûlantes et aux pressions de l'opinion publique. Je m'engage à les respecter scrupuleusement.