Cette proposition de loi constitutionnelle tend à instaurer dans notre Constitution le référendum législatif d'initiative citoyenne, le référendum révocatoire, le référendum abrogatif et, enfin, le référendum constituant. Si ce texte pose une question d'actualité, il n'y apporte que des réponses factices.
De ce point de vue, je voudrais développer les arguments du groupe La République en Marche en soulignant le caractère opportuniste de ce débat, en exposant les désaccords idéologiques qui nous poussent à nous opposer à cette proposition et, enfin, en décrivant l'application « hérétique » des propositions que vous présentez.
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur : cette proposition s'appuie sur les revendications des Gilets jaunes. Au fur et à mesure, vous avez récupéré ce nouvel objet politique : le référendum d'initiative citoyenne, non sans faire vôtre la dialectique qui était celle d'une partie de l'extrême droite, en utilisant notamment le mot « fascination » à l'égard des personnes qui avaient revêtu le gilet jaune. Toute rationalité a donc été abandonnée dans ce débat. Vous avez également adopté les ressorts les plus profonds de la Ve République, avec le référendum, qui en est l'expression, visé à l'article 3 de la Constitution. C'est assez étrange, quand on sait ce que sont, historiquement, les positions de La France insoumise : vous avez, à de nombreuses reprises, condamné la Ve République.
S'agissant de nos désaccords idéologiques, vous opérez en premier lieu une savante confusion entre souveraineté nationale et souveraineté populaire. En effet vous avez visé l'article 3 de la Constitution qui dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum et qu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peuvent s'en attribuer l'exercice. Dès lors, en revenant à la souveraineté populaire, en fragmentant cette souveraineté par chaque partie de la population, vous l'utilisez comme un élément de dissolution du pacte national plutôt que de construction.
Et puis, je vous l'ai dit, il y a quelque chose qui démasque également l'attitude de La France insoumise. Que n'avez-vous pas dit, pendant la discussion des lois ordinaire et organique pour la confiance dans la vie politique, à propos de l'antiparlementarisme et de la confiance faite aux représentants ! Pourtant, ce que vous nous proposez aujourd'hui, c'est de dire qu'il n'existe que le chef d'un exécutif – qu'il s'agit de l'État ou d'une collectivité locale – et le peuple et qu'entre eux plus rien n'a droit de cité. Qui d'entre nous est bonapartiste, sinon celui qui accepte ce postulat ? Qui d'entre nous est antiparlementaire ? Je souligne, de ce point de vue, la consécration d'une dérive autocratique que La France insoumise est souvent prompte à dénoncer.
J'observe également, du point de vue de vos militants, notamment des personnes qui ont rédigé votre programme, une opposition frontale à ce que la Constitution prévoie, comme objet vivant, sa propre mort.
J'observe encore, en matière de désaccords idéologiques qui nous opposent, que nous ne faisons pas table rase de tout ce que la Constitution prévoit comme mode de participation des citoyens : évidemment l'article 11 en dépit des difficultés que connaît le référendum d'initiative partagée, dont nous pourrons parler ; le droit de pétition ; les consultations. Mentionnons aussi la question de la participation locale, puisque le renouvellement des pratiques politiques ne peut être uniquement une préoccupation jacobine des élus nationaux et doit trouver son application au travers d'agoras de dimension locale.
Nous sommes également en vif désaccord avec les modalités techniques que vous envisagez : 2 % du corps électoral pour convoquer un référendum d'initiative citoyenne, un référendum abrogatoire ou révocatoire, ce sont 900 000 personnes. Dans une ville comme Poitiers, ce sont 900 personnes. Cela veut dire qu'avec quelques membres de la société, une si petite parcelle de la société, on peut remettre en cause beaucoup de choses. C'est insatisfaisant, tant du point de vue de la stabilité politique que de celui de la participation ou du contrat social.
Je m'interroge également sur le fait que vous envisagez qu'un référendum révocatoire puisse se tenir au tiers du mandat, ce qui est précisément – tiens donc… – le moment de nos mandats où nous nous trouvons. C'est là une manifestation de cet opportunisme qui traverse toute votre proposition de loi constitutionnelle.
Pour ces raisons, le groupe La République en Marche y est bien évidemment radicalement opposé.