Le groupe Socialistes et apparentés n'a pas d'a priori négatif concernant cette agence de cohésion, comme nous l'avons dit à la ministre lors des auditions de la semaine dernière. Néanmoins, nous nous posons plusieurs questions.
Tout d'abord, nous avons le sentiment que ce redéploiement de la puissance publique est paradoxal dans une période de rétractation des services publics dans les territoires et des moyens publics affectés à des politiques que nous partageons par ailleurs. Je me garderai de dresser l'inventaire des paieries départementales, antennes de la caisse d'allocations familiales (CAF) et autres services publics de proximité qui disparaissent des territoires.
Ensuite, les crédits alloués au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) et aux contrats de ruralité sont en phase de gestion extinctive. Le programme Action Coeur de ville constituait un exemple extraordinaire – ce n'était certes pas le premier dans l'histoire de la République – d'économie publique circulaire : pas un euro supplémentaire engagé, mais une communication intense autour de ce pur recyclage des fonds… En clair, il y a une rétractation de l'État. Or voici un nouveau redéploiement : dont acte. Mais s'il se fait à budget et à périmètre constants, il faut s'interroger sur son efficience, et sous deux angles.
Sur le plan territorial, tout d'abord, l'État ne s'est pas calé sur la maille des intercommunalités. Les élus locaux ont consenti un effort énorme pour répondre à la logique de bassin de vie, sortir des ego politiques et constituer des communautés à une maille pertinente. Le tableau n'est pas parfait, mais l'effort déployé en dix ans est colossal. Dans le même temps, s'agissant des questions relatives à la sécurité, à la santé, à l'action publique territoriale et à l'éducation nationale, l'appareil d'État ne s'est toujours pas adapté à la maille intercommunale, d'où des distorsions de forme et de périmètre qui créent du désordre dans les territoires. N'aurait-il pas été pertinent, avant même de créer une agence d'intervention de l'État dans plusieurs secteurs, de réorganiser les services territoriaux de l'État à la maille des intercommunalités pour gagner en efficience ?
Enfin, le passage d'agences régionales à l'autorité du préfet pose un problème politique concernant les instructions données au préfet et sa capacité à assurer en toute neutralité le service de l'État avec le bras armé que sera l'ANCT. Sur ce point, nous serons très vigilants pour que l'État territorial ne s'affranchisse pas de l'effort de neutralité qu'incarnaient traditionnellement l'ARS, les établissements publics fonciers lorrains, l'ANRU et d'autres dispositifs qui, du fait de leur hauteur de vue, restaient loin des jeux politiques et des rapports de force territoriaux. Tels sont les points de vigilance que je souhaitais aborder à ce stade du débat, et sur lesquels j'attends des réponses rassurantes.