Ce projet de loi va-t-il améliorer la confiance de nos concitoyens dans notre école ? De nombreux enseignants et personnels de l'éducation nationale attendaient non une nouvelle réforme mais une loi de reconnaissance, une loi de programmation prévoyant des moyens humains et du pouvoir d'achat supplémentaire, afin d'améliorer concrètement leurs conditions de travail et celles des élèves.
Cependant, dès l'article 1er, l'établissement du lien de confiance essentiel entre les élèves, les familles et le service public est mis en rapport avec l'exemplarité des professeurs. Ce devoir d'exemplarité renforcé a heurté les équipes enseignantes, qui doivent pouvoir apporter leur expertise et faire part de leur expérience de terrain, même négative, sans être inquiétées ou mal considérées pour autant.
Les enseignants servant l'institution avec loyauté et conviction, nous attendons non pas des proclamations ou des mesures à portée symbolique, comme la récitation des paroles de La Marseillaise dans les classes ou la présence des drapeaux – alors que ceux-ci sont déjà obligatoire au fronton de chaque école – , mais des mesures sonnantes et trébuchantes pour améliorer le quotidien des écoles. Je ne crois pas très utile, pour réactiver le lien l'appartenance qui devrait être présent chez nos élèves, de multiplier à l'infini des symboles inertes comme le drapeau ou les paroles de La Marseillaise. Ce sont les enseignants qui, par leurs paroles, par ce qu'ils disent aux enfants, transmettent les valeurs ; ce ne sont pas les murs de leurs classes.
Si nous sommes favorables au principe de la scolarisation à 3 ans que vous proposez, nous restons dans l'incertitude sur la scolarisation des enfants plus jeunes, dont la loi pour la refondation de l'école de la République avait fait une priorité. Nous avons demandé des précisions sur la garantie du continuum éducatif de 0 à 6 ans, dont l'importance n'est plus à prouver, mais nous n'avons pas obtenu de réponse.
S'agissant de la déscolarisation, le fait que beaucoup d'enfants échappent aux radars de l'État ou des services sociaux est préoccupant. Les mesures de contrôle que vous avez adoptées sont utiles, mais il nous semble toujours essentiel de savoir qui sont ces enfants. Nous devons donc leur attribuer un identifiant qui permettrait de procéder à des enquêtes et d'effectuer des statistiques approfondies. Là encore, nos propositions n'ont pas été retenues.
L'école des savoirs fondamentaux, que vous proposez, ne peut reposer sur une vague expérimentation, sachant que, pour l'instant, ce qui va se passer ne satisfait pas les personnels concernés, et que vous faites fi d'une réelle consultation des communes.
En accélérant les regroupements et les fusions sans avoir réglé un point essentiel – le statut et la place du directeur d'école et du principal – , vous prenez le risque de fragiliser les écoles de proximité nécessaires, ce qui ne permettra pas d'accueillir les enfants dans les meilleures conditions possible.
Par ailleurs, nous savons tous que les difficultés scolaires frappent d'abord les familles pauvres, nombreuses dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Depuis janvier 2005, des programmes de réussite éducative visent à répondre à cette difficulté en proposant une prise en charge globale de l'enfant pour soutenir les familles désemparées, grâce à une coordination des professionnels autour de l'enfant.
Monsieur le ministre, vous parlez souvent du dédoublement des classes de CP dans ces quartiers prioritaires, mais vous n'avez apporté aucune réponse aux questions que je vous ai posées sur les programmes de réussite éducative et les contrats de ville.
En ce qui concerne le CNESCO, nous sommes toujours perplexes face à la disparition de cette instance d'évaluation du système éducatif. Trois instances d'évaluation s'étant succédé en l'espace de quinze ans, il nous semblait nécessaire de maintenir une certaine stabilité et de renforcer les missions du CNESCO, qui n'englobent pas, à ce jour, toutes les dimensions de l'évaluation. La Cour des comptes, pour garantir l'indépendance de l'instance d'évaluation, avait proposé qu'elle soit extérieure au ministère de l'éducation nationale. La logique que vous poursuivez est inverse, puisque le ministère affermit son contrôle sur le futur Conseil d'évaluation de l'école. Je ne parle pas du changement du nom des ESPE – écoles supérieures du professorat et de l'éducation – , qui deviennent des INSPE – instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation. Alors que nous avons tous à l'esprit le rôle que jouent, depuis toujours, les écoles normales d'instituteurs, la préférence pour le terme « institut » nous étonne.
Monsieur le ministre, Albert Jacquard a écrit : « Le système éducatif devrait enseigner que la connaissance s'accompagne du doute, qu'une opinion n'a de signification que par la remise en cause qui l'accompagne. Vivre nécessite de prendre parti, d'agir en choisissant une direction, mais il faut accepter que les convictions justifiant ces choix soient révisables ». En l'occurrence, un certain nombre de choix accomplis ici nous semblent contestables. Nous sommes loin d'une école bienveillante, tel que la souhaitait Albert Jacquard.
C'est la raison pour laquelle, malgré des mesures positives, comme la scolarisation à 3 ans, la création du rectorat de Mayotte ou le pré-recrutement d'étudiants, ce texte n'a pas gagné la confiance des socialistes, qui voteront contre.