Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du mardi 19 février 2019 à 15h00
Citoyen sauveteur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Chaque année, 50 000 personnes environ sont victimes d'un arrêt cardiaque inopiné. Dans l'attente de l'arrivée des secours, chaque minute est cruciale, chaque seconde compte, car si le sang qui transporte l'oxygène ne circule plus, en particulier au niveau du cerveau et du coeur, les lésions deviennent irréversibles. Malheureusement, nous constatons qu'aujourd'hui, de nombreux témoins d'arrêt cardiaque pourraient réagir, mais s'en sentent incapables. Or, pratiquer un massage cardiaque améliore les chances de survie et ce, même s'il est mal fait, car comme vous l'avez très bien dit, monsieur le rapporteur, dans ces cas-là, mieux vaut mal faire que ne rien faire. La proposition de loi que vous soumettez à notre examen vise justement à faciliter les premiers secours. Toutefois, si l'intention de cette proposition de loi fait consensus, certains articles manquent de substance.

Les trois premiers articles visent à protéger de toute poursuite les personnes qui portent secours à une victime d'arrêt cardiaque et à éduquer aux gestes qui sauvent dans les écoles et lors du passage du permis de conduire, mais ces mesures existent déjà et ces articles ne font que préciser le droit actuel.

Les articles 4 et 5 visent à faire bénéficier les arbitres sportifs et les salariés partant à la retraite d'une sensibilisation aux gestes qui sauvent. C'est une bonne idée, que nous soutiendrons. Mais sensibilisation ne vaut pas formation ; et même si un massage mal fait vaut mieux que pas de massage du tout, la formation est préférable à la sensibilisation !

Nous aimerions par ailleurs que cette sensibilisation soit gratuite, ce que ne garantit pas la proposition de loi.

L'article suivant vise à créer une journée nationale de lutte contre la mort subite : une journée de plus sur le sujet ne va certainement pas changer grand-chose, même si, bien sûr, nous ne nous y opposerons pas.

Les articles 7 à 9 procèdent à une réécriture des dispositions concernant les habilitations à former aux premiers secours. Vous élevez au rang législatif des dispositions qui relevaient autrefois du domaine réglementaire, mais sans néanmoins apporter de réelles précisions. Il n'est pas dit, par exemple, si la formation continue en prévention et secours civiques de niveau 1 – PSC1 – doit être gratuite. Aujourd'hui, les participants payent en moyenne 32 euros, et il me semble dommage de faire payer les gens qui ont envie de pouvoir, un jour, sauver une vie.

L'article 10 a finalement été supprimé en commission. Il concernait les associations agréées à participer à des évacuations d'urgence en appui aux autorités publiques. J'en profite pour lancer une alerte : les associations ne sont pas là pour pallier le déficit structurel des effectifs de la sécurité civile et ne devraient constituer une aide que de façon absolument exceptionnelle, lorsque les moyens publics sont insuffisants du fait d'une grave catastrophe.

L'article 11 entend condamner plus sévèrement le vol et la dégradation volontaire des défibrillateurs. Les peines actuelles, déjà très dissuasives, paraissaient cependant suffisantes. En matière pénale, il faut parfois savoir raison garder et éviter les escalades.

Enfin, le rapporteur a finalement décidé de supprimer l'article 12, qui prévoyait une mesure relevant du domaine réglementaire.

En somme, nous voterons pour cette proposition de loi, bien qu'elle ait visiblement été écrite à la va-vite – dans sa version initiale, l'exposé des motifs, comportait ainsi de nombreuses erreurs, qui ont été corrigées en commission. En outre, de nombreuses dispositions qui y sont inscrites relevaient du domaine réglementaire.

Surtout, comment nous satisfaire d'une telle proposition lorsque les causes des arrêts cardiaques ne sont pas du tout prises en compte ? Les facteurs aggravant les risques d'arrêts cardiaques sont nombreux – la pollution de l'air, qui endommage le coeur et les vaisseaux sanguins, le tabagisme, le stress et, bien sûr, 1'alimentation.

La malbouffe est un fléau majeur, qui est responsable de l'explosion du nombre de maladies chroniques. Près de 20 millions de Français en souffrent. Si, autrefois, notre attirance pour les produits gras, salés et sucrés assurait notre survie, elle provoque aujourd'hui des addictions morbides, du fait de l'explosion dans les années 1980 de l'offre en produits ultratransformés.

D'après Anthony Fardet, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique, 24 % des maladies cardiovasculaires sont directement ou indirectement liées à une mauvaise alimentation. Ses observations recoupent celles de l'Organisation mondiale de la santé.

La semaine dernière, en commission des affaires sociales, profitant de notre niche parlementaire, nous vous avons présenté une proposition de loi visant à protéger la population des dangers de la malbouffe. Vous avez rejeté en bloc l'ensemble de ses articles, qui visaient à remédier à cette situation en interdisant les additifs les plus dangereux pour la santé, en encadrant la publicité alimentaire à destination du jeune public et en promouvant l'éducation nutritionnelle à l'école.

S'agissant de cette dernière disposition, vous n'avez d'ailleurs pas hésité à prétendre que les écoles étaient déjà obligées de dispenser des cours d'éducation nutritionnelle, ce qui est faux puisqu'il s'agit d'un enseignement facultatif, rarement mis en place !

Concernant l'article fixant un taux maximal de sel, de sucres et d'acides gras trans saturés dans les aliments transformés, vous avez agité des arguments faussés. Non, les traditions locales ne sont pas menacées, puisque ces taux seraient pondérés en fonction de chaque produit. Non, la menace de sanctions européennes pour atteinte au libre-échange n'est pas valable. D'autres pays européens, comme le Danemark, le Royaume-Uni, le Portugal, la Lettonie, la Hongrie, l'Autriche ou la Finlande, ont déjà fixé de tels taux.

La démission des parlementaires est lourde de conséquences : les classes populaires, les plus vulnérables, en sont les premières victimes. Je rappelle qu'une personne sur quatre est victime de la malbouffe ou de crises cardiaques.

Les producteurs ont les moyens et l'intelligence de fournir une alimentation de qualité, accessible à tous. Encore faut-il ne pas les mettre dans des positions de concurrence déloyale face à des industriels sans scrupule.

Je ne saurais finir cette intervention sans parler de la désertification médicale. Nos services d'urgence sont en crise et, cette année encore, 3,8 milliards d'euros d'économies sont réalisés sur nos dépenses de santé. Cette proposition de loi au contenu imprécis ne suffira pas, hélas, à pallier les manques issus de ce démantèlement de nos services hospitaliers et de nos urgences.

Partout en France, les heures d'attente aux urgences se multiplient. Les soignants sont à bout. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, lors d'un arrêt cardiaque, il faut agir dans les premières minutes. Le personnel soignant des urgences doit être en nombre suffisant pour le faire.

Sensibiliser davantage les gens aux gestes qui sauvent est une bonne chose, mais il serait plus judicieux d'arrêter de détricoter nos services de santé, pour qu'ils puissent, eux aussi, sauver des vies.

Enfin, n'ayant pas eu le temps nécessaire pour participer aux travaux de la commission sur le texte, je vous propose de travailler ensemble en séance. Le Gouvernement pourra notamment reprendre dans un amendement nos propositions sur la problématique du refus de réanimation, qui nous semble capitale.

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