Il est des domaines dans lesquels la polémique n'a pas sa place et où l'action publique peut faire rapidement bouger les lignes. C'est notamment le cas pour ce qu'il y a de plus essentiel : sauver des vies.
La proposition de loi que j'ai l'honneur de porter, au nom du groupe La République en marche, et de soumettre à votre examen n'entend pas faire oeuvre de prophylaxie. Plus que de prévenir, il est ici question d'agir.
Lorsqu'un inconnu s'effondre, certains détournent le regard, d'autres appellent les secours mais, trop souvent, personne n'ose intervenir, pour une raison simple et si compréhensible : la peur de mal faire. Ce texte a pour objectif d'inciter chacun à prodiguer ces premiers gestes essentiels, des gestes qui pourront sauver une vie.
Chaque année, comme cela a été dit, 40 000 à 50 000 de nos compatriotes décèdent d'un arrêt cardiaque inopiné. C'est une cause de mortalité dix fois supérieure aux accidents de la route.
Face à cet enjeu majeur de santé publique, chaque minute compte. Dans ces premières minutes, le rôle du témoin, du citoyen, est déterminant. En effet, lors d'un arrêt cardiaque inopiné, chaque minute qui s'écoule sans que soit pratiqué un massage cardiaque retire 10 % de chances de survie à la victime. Au-delà de trois minutes sans massage, les lésions cérébrales sont généralement irréversibles. Au-delà de quatre minutes, la défibrillation devient sans effet. Au bout de dix minutes sans massage cardiaque, la victime n'a quasiment aucune chance de survie. Or les secours mettent en moyenne de onze à treize minutes à se rendre sur le lieu d'un accident à Paris et, souvent, beaucoup plus, dans les territoires ruraux et de montagne.
Vous en déduirez facilement que, si les Français étaient mieux formés au massage cardiaque et à l'utilisation du défibrillateur, des milliers de vies pourraient être sauvées chaque année.
Le texte que nous portons, avec Jean-Charles Colas-Roy, que je remercie, est le fruit d'une rencontre. Il correspond à une attente forte exprimée par les services de secours, les associations de protection civile et les professionnels de santé, que je salue puisqu'ils nous font l'honneur de leur présence aujourd'hui.
Il est aussi l'aboutissement d'un an et demi de travail collectif, en lien non seulement avec l'ensemble de nos collègues du groupe La République en marche, mais aussi avec des députés d'autres groupes, présents dans l'hémicycle, que je tiens à remercier particulièrement aujourd'hui.
Mes chers collègues, nous mourrons tous, in fine, d'un arrêt cardiaque, mais nous parlons aujourd'hui de ces arrêts du coeur soudains, imprévisibles, qui représentent 9 % des causes de décès chaque année en France. L'enjeu est donc de taille. En France, 5 % à 7 % seulement des victimes d'un arrêt cardiaque inopiné survivent, quand le taux de survie atteint 20 à 40 % dans les pays anglo-saxons ou scandinaves.
Cette différence importante s'explique par le fait que notre pays compte seulement un tiers de Français formés aux comportements qui sauvent, alors que la formation aux premiers secours a été déclarée grande cause nationale en 2016 et que le Président de la République a fixé l'objectif de former 80 % de nos compatriotes d'ici dix ans.
Le texte, qui vise à répondre à cet objectif, permettra de sauver, à terme, près de 3 000 vies par an. La question des gestes qui sauvent est récurrente dans le débat public. Elle a fait l'objet de recherches scientifiques, sociologiques et politiques depuis de très nombreuses années.
Cependant, si aucune initiative législative de cette ampleur n'a jusqu'alors prospéré, de nombreux parlementaires, de toutes sensibilités politiques, ont oeuvré avant nous afin que nous puissions vous présenter ce texte et je veux leur rendre hommage aujourd'hui – je pense aux travaux menés par le sénateur Jean-Pierre Decool qui ont permis l'adoption, le 28 juin dernier, de la loi relative au défibrillateur cardiaque, ou à l'engagement de notre collègue Bernard Brochand sur le sujet.
En tant que député de Paris, je n'ignore pas qu'après les vagues d'attentats qui ont endeuillé notre capitale en 2015, de nombreux citoyens, confrontés à l'urgence et se sentant impuissants, ont naturellement exprimé leur volonté d'apprendre à agir c'est-à-dire à garder leur sang-froid, à alerter, à sécuriser les victimes et à prodiguer les premiers gestes jusqu'à l'arrivée des secours. Il nous appartient, à nous parlementaires, de nous saisir de cet enjeu majeur de santé publique en inscrivant dans la loi la sensibilisation aux gestes qui sauvent aux moments clés de la vie et en dotant le citoyen sauveteur d'un statut protecteur.