Mohamed Savane – il y a peu de chances que ce nom vous dise quelque chose – avait 15 ans lorsqu'il a succombé à un arrêt cardiaque, il y a quelques jours, lors d'un match de foot entre amis. Quelques jours plus tôt, Monique Lopez, 67 ans, buvait tranquillement un café avec une amie lorsqu'elle est tombée brusquement en arrière sur sa chaise, victime d'un arrêt cardiaque. Mohamed, Monique, mais également Thalia, Jean-Marie, Daniel, Loïc, et Charlotte : toutes et tous ont perdu la vie, ces dernières semaines, victimes d'un arrêt cardiaque. Si leur décès a fait l'objet de quelques lignes dans la presse locale, c'est parce qu'il ne correspond pas à l'idée que l'on se fait de l'arrêt cardiaque. Pour beaucoup, seuls les hommes de plus de 55 ans y seraient sujets. Pourtant ce fléau touche, bien sûr, les femmes et, surtout, toutes les tranches d'âge de la population.
Mohamed et Monique dont partie des 130 Français qui perdent la vie chaque jour des suites d'un arrêt cardiaque inopiné et des 50 000 personnes que notre pays pleure chaque année. Ce chiffre représente près de dix fois le nombre des victimes d'accidents de la route, mais on en parle peu, ou pas, sans doute parce que le caractère inattendu de l'arrêt cardiaque donne le sentiment que l'on ne peut rien y faire.
De fait, la mort subite est un arrêt cardiaque inattendu : les individus qui en sont victimes ne montrent parfois aucun signe avant-coureur de troubles cardiaques. Mais imprévisibilité ne doit pas nécessairement rimer avec fatalité.
Si Mohamed n'a pas survécu, Monique est encore en vie pour raconter cette journée dont elle se souviendra longtemps. Et pour cause : immédiatement mis au courant, son époux a pratiqué un massage cardiaque, ce qu'il avait appris à faire lors d'une formation.
Comme cela a été dit précédement, ans 70 % des cas, des témoins sont présents lors de l'arrêt cardiaque. Leur rôle est crucial, car chaque minute qui s'écoule sans prise en charge diminue de 10 % les chances de survie de la victime. Au-delà de trois minutes sans que soient pratiqués des gestes de premier secours, les séquelles sur la victime sont irréversibles. Inutile de préciser que Monique ne serait plus en vie aujourd'hui si son mari n'avait pas été sensibilisé aux gestes qui sauvent, comme 30 % seulement de la population. Ce pourcentage est évidemment bien trop faible, surtout lorsqu'on le compare à celui qu'on observe dans les autres pays européens.
Le Président de la République a fixé l'objectif de sensibiliser 80 % de la population à ces gestes, comme l'a proposé récemment le rapport Faure-Pelloux. Pour atteindre cet objectif, il est impératif de changer de paradigme. Cela signifie qu'il ne faut plus se reposer exclusivement sur les secours, mais compter les uns sur les autres, c'est-à-dire faire ensemble pour mieux vivre ensemble.
Dans un contexte de rénovation profonde des formes d'engagement, la sensibilisation de la population aux gestes qui sauvent est donc le gage d'une société plus résiliente. Elle est l'une des réponses au désir d'action citoyenne dont témoignent les jeunes générations, car l'apprentissage des gestes qui sauvent est la première des solidarités.
Faire ensemble, c'est faire avec toutes et tous, y compris les personnes en situation de handicap. Depuis 2017, la sensibilisation aux gestes qui sauvent a été adaptée aux personnes en situation de handicap. Comme nous le savons, ces personnes sont souvent réduites à leur seul handicap. Pourtant, leur désir d'action citoyenne n'est pas amoindri. Il me semble donc essentiel de leur permettre d'être, non plus une personne aidée, mais une personne aidante et, in fine, d'être un citoyen ou une citoyenne comme les autres.
Il est capital que la mobilisation des pouvoirs publics soit à la hauteur des enjeux de santé publique inhérents à l'arrêt cardiaque. C'est tout l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Ce texte est le fruit d'un travail collectif dont l'initiative revient largement à mes collègues Jean-Charles Colas-Roy et Hugues Renson, qui le portent depuis dix-huit mois. Je tiens à saluer la qualité de leur travail – de notre travail – , mais également leur détermination à agir pour prendre en main sur ce sujet éminemment important.
Nos objectifs sont ambitieux, mais nécessaires et réalistes. Parce que j'ai à coeur, en tant que législatrice, de faire preuve d'ambition dans les combats dans lesquels je m'investis, je voudrais profiter de cette tribune pour dire deux mots des femmes.
Bien qu'elles soient largement sous-estimées par le corps médical et méconnues par une majorité de femmes, les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité des femmes, devant le cancer. Elles sont en effet responsables de 42 % des décès féminins, et de 14 % pour les accidents vasculaires cérébraux. Pourtant, les femmes font l'objet d'une prise en charge plus tardive que les hommes pour les maladies cardio-vasculaires, à cause du manque d'information des femmes elles-mêmes et de la méconnaissance par les praticiens des symptômes les concernant. Je défendrai ce soir des amendements visant à améliorer la prise en compte des symptômes féminins dans la lutte contre l'arrêt cardiaque.
Le travail que nous menons ensemble depuis dix-huit mois constitue une véritable avancée pour notre société. Soyons-en fiers, car je sais que pour nombre d'entre nous sur ces bancs, ce sujet fait écho à des convictions profondes et à des expériences personnelles.