Nous évoquons un sujet si important que l'Assemblée nationale s'en est saisie en décembre 2018, pour aboutir à cette proposition de loi inspirée par le rapport remis en octobre dernier par l'Académie nationale de médecine et soutenue par la Fédération française de cardiologie.
Deux exemples me sont venus à l'esprit. Il y a quelques mois, un groupe d'adeptes des sorties dominicales à vélo voit un des leurs, médecin à la retraite depuis peu, chuter sur le bas-côté. Le hasard veut que deux hommes qui passent à proximité en faisant du jogging engagent un massage cardiaque externe et appellent le service départemental d'incendie et de secours, car ils sont sapeurs-pompiers volontaires – le hasard fait bien les choses. Le résultat est positif : l'homme est pris en charge avec succès par le service de cardiologie du centre hospitalier. Aujourd'hui, il fait de nouveau du vélo.
Le deuxième cas qui m'a touché est celui d'un jeune footballeur de 15 ans qui tombe brutalement lors d'un match officiel dans la ville dont j'étais maire. Le hasard, encore une fois, veut que l'arbitre soit ambulancier et pratique un massage cardiaque externe, si bien que l'adolescent est pris en charge par le service de soins intensifs, puis transféré au centre hospitalier universitaire, où l'on découvre une pathologie rythmique congénitale. Ce jeune homme se porte bien aujourd'hui.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir de la discussion de cette proposition de loi visant à lutter contre la mort subite et à sensibiliser la population aux gestes qui sauvent. Cette proposition du groupe La République en marche a été adoptée le 6 février en commission des lois. Rappelons que, sous la législature précédente, notre collègue Bernard Gérard avait déposé, le 23 août 2012, une proposition de loi visant à ce que soit dispensée, lors de la préparation des permis de conduire, une formation aux cinq gestes qui sauvent face à un accident de la route.
La commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi pour ajouter, de manière assez ambitieuse, la création d'un « statut de citoyen sauveteur » aux deux objectifs fixés initialement : la lutte contre l'arrêt cardiaque et la sensibilisation aux gestes qui sauvent. Cette modification permet ainsi de mieux comprendre le renvoi du texte à la commission des lois plutôt qu'à la commission des affaires sociales, dont la santé est pourtant l'une des compétences.
En effet, comme le note justement le rapporteur dans son introduction, la proposition de loi a bien pour objet d'appeler l'attention sur un sujet de santé publique. De nombreuses dispositions relèvent toutefois du domaine réglementaire, et non législatif.
Qui ne souscrirait à l'objectif de lutter contre l'arrêt cardiaque ? Celui-ci est défini ainsi par le dictionnaire de l'Académie nationale de médecine : « L'arrêt soudain des battements du coeur (asystolie, fibrillation ventriculaire, dissociation électromécanique ou désamorçage cardiaque par collapsus) interrompant la circulation. » La prise en charge de l'arrêt cardiaque fait l'objet de recommandations internationales actualisées tous les cinq ans, dont la dernière version date de 2015. Elle est fondée sur le concept de « chaîne de survie », adopté depuis 1991.
Dans la majorité des cas, note l'Académie nationale de médecine, l'arrêt cardiaque résulte d'une pathologie préexistante. Cependant, certains arrêts cardiaques surviennent de façon inopinée, sans raison évidente. On estime à 40 000 environ le nombre d'arrêts cardiaques extra-hospitaliers survenant chaque année. Les pays anglo-saxons et scandinaves, où l'information de la population est meilleure, affichent un taux de survie situé entre 30 % et 40 %, alors qu'en France, ce taux ne dépasse pas 7 % à 8 %.
Moins d'un tiers des Français sont formés aux gestes de premiers secours, et seulement 55 % des collégiens, alors que leur initiation est obligatoire en vertu du code de l'éducation, lequel prévoit une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours.
Les premières minutes de prise en charge sont déterminantes – cela a été dit et c'est une évidence. Un témoin est présent dans 70 % des cas, comme l'illustrent les deux exemples que j'ai cités. Le premier maillon de la chaîne de survie consiste donc à être capable de reconnaître l'arrêt cardiaque et à appeler au plus vite les premiers secours. La mise en oeuvre de la réanimation cardio-pulmonaire de base par un témoin est essentielle. Or, aujourd'hui, ce témoin ne débute un massage cardiaque que dans 40 % des cas. Ce massage est le deuxième maillon de la chaîne de survie, et encore doit-il être de qualité. Or, on y est souvent insuffisamment préparé. Le troisième maillon, c'est la défibrillation, à condition qu'un défibrillateur automatisé externe se trouve à proximité, comme cela commence à être le cas depuis quelques années. Enfin, avec l'arrivée des secours médicalisés, la mise en oeuvre de techniques spécialisées et d'une médicalisation constitue le quatrième et dernier maillon de la chaîne de survie avant l'admission à l'hôpital.
Pour atteindre le taux de survie le plus élevé, il faut développer une véritable stratégie pour une meilleure éducation de la population aux gestes qui sauvent. C'est ce que recommande l'Académie nationale de médecine dans son rapport.
L'article 1er définit le citoyen sauveteur comme « toute personne volontaire et bénévole portant assistance à toute personne manifestement en situation de détresse cardio-respiratoire ». Il a pour objet d'atténuer la portée de la responsabilité pénale du citoyen sauveteur lors de son intervention, en transposant aux bénévoles une disposition déjà prévue pour les professionnels des secours. C'est là un point qu'il faudra examiner de très près. L'octroi d'un statut juridique au citoyen sauveteur permettra de renforcer le travail du professeur Alexandre Mignon et d'encourager l'usage d'applications telles que Staying alive, en protégeant les bons Samaritains, auxquels manquait jusqu'à présent une base juridique.
Il faut nous engager à procéder à ces réformes, que demande aussi l'Académie nationale de médecine, dont les quatre propositions ont été rappelées. À mes yeux, le plus important consiste à donner, grâce au statut, une base juridique aux bénévoles qui pourraient tenter de réanimer la victime et qui, aujourd'hui, ne sont pas couverts juridiquement.