Madame Meunier, un centre expert a vocation, comme son nom l'indique, à être un centre de ressources et d'information. Le fonctionnement d'un tel centre ne relève pas des budgets médico-sociaux, puisque sa mission consiste essentiellement à établir un diagnostic et à mettre des ressources à disposition : c'est seulement à l'issue du diagnostic que peut intervenir une prise en charge effective et complète par des thérapeutes et des rééducateurs ; or la situation de l'autisme, vous avez raison, a besoin d'une prise en charge complète et globale, qui respecte toutes les bonnes pratiques édictées par la Haute autorité de santé. C'est également la raison pour laquelle un centre de ce type ne correspond pas à un niveau budgétaire unique pouvant constituer une variable d'ajustement.
La problématique majeure en matière d'autisme réside, au-delà de l'expertise et du diagnostic, dans la prise en charge : et c'est là que le quatrième plan autisme va pouvoir nous donner des pistes en termes de parcours. Un effort assez important a été fait en direction des tout-petits, avec la création d'une unité d'enseignement en maternelle pour enfants autistes (UEM) par département. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour considérer que c'est insuffisant, puisque chacune de ces unités fonctionne au sein d'un groupe scolaire, en école inclusive conformément au principe de société inclusive que l'on cherche à privilégier, et nécessite un encadrement d'« un pour un ». Cela ne résout donc le problème que d'une dizaine d'enfants au maximum.
Je serai très attentive à ces unités d'enseignement en maternelle et surtout à ce qui va se passer pour les enfants qui vont en sortir, car l'une de nos priorités consiste à permettre aux personnes autistes de bâtir des parcours – domaine où il reste encore beaucoup à inventer. Une réflexion est en cours sur ce point avec le ministre de l'éducation nationale. Si, à la sortie de ces unités, certains enfants peuvent réussir à intégrer un parcours, soit en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), soit en intégration individuelle avec une auxiliaire de vie scolaire, certains doivent malheureusement être dirigés vers des établissements spécialisés.
Au-delà du diagnostic et de la ressource experte, ce qui pose problème aujourd'hui, c'est une prise en charge efficiente. Les MDPH notifient des dispositifs de prise en charge, mais nous sommes encore très en deçà de la réalisation des moyens nécessaires. À compter du 1er janvier prochain, 90 MDPH s'engageront dans la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », destinée aux enfants pour lesquels aucune solution n'a encore été trouvée, ou dont la prise en charge n'est satisfaisante. « Une réponse accompagnée pour tous » procède d'une philosophie très différente : la MDPH s'emploie à mettre tous les acteurs d'un territoire ensemble pour trouver les ressources qui manquent. Cette démarche innovante vise à généraliser une vraie culture de coopération entre le médico-social, le sanitaire, et tous les acteurs concernés au niveau d'un territoire, afin de trouver les ressources les plus adaptées.
Ce sont 15 millions d'euros de moyens supplémentaires qui sont inscrits dans le PLFSS pour 2018 et dans le programme 157 pour trouver des réponses et éviter ainsi les exils forcés en Belgique, mais aussi en Corrèze, historiquement terre d'accueil d'un grand nombre d'établissements spécialisés : malheureusement, il est tout aussi compliqué de se rendre de Paris en Corrèze que de se rendre en Belgique. On compte aujourd'hui plus de 6 000 citoyens français – 4 500 adultes, 1 500 enfants – accueillis en Belgique ; on ne peut espérer créer autant de places d'un coup de baguette magique. L'idée de départ est de stopper le flux d'exil et de trouver des réponses de proximité, car c'est ce que demandent les familles.
Plus largement, notre objectif consiste à transformer l'offre médico-sociale afin d'être en mesure de répondre à un plus grand nombre de besoins, dans une logique de parcours. C'est un peu le paradoxe français : d'un côté, on souhaite une société inclusive, de l'autre la seule réponse « protégeante » dont nous disposons consiste à créer des établissements spécialisés, autrement dit des murs. Cela vient du fait que nous n'avons pas assez travaillé sur l'environnement depuis la loi de 2005, qui affirmait que c'est l'environnement qui doit s'adapter aux spécificités de la personne handicapée. Aujourd'hui, les familles ont l'impression de devoir choisir entre le milieu ordinaire – qui comporte encore énormément de violence, parce que la société n'est pas préparée à regarder et à prendre en compte la différence, notamment en ce qui concerne le polyhandicap ou l'autisme, trop dérangeants aux yeux de nos concitoyens – et les murs protecteurs d'un établissement.
Pour ma part, je pense qu'il existe une alternative, à travers des services professionnels, bien musclés, qui vont accompagner les personnes handicapées en milieu ordinaire et en même temps travailler sur l'environnement, comme le font déjà beaucoup de services médico-sociaux – ainsi les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Toute ma feuille de route est conçue autour de l'objectif consistant à bâtir cette société inclusive et à transformer l'offre médico-sociale en déplaçant le centre de gravité du médico-social vers le service du parcours en milieu ordinaire. Cela implique de travailler en coopération avec l'éducation nationale ; rien ne nous empêche d'ailleurs de rêver en regardant ce qui se fait au Danemark, par exemple, où les plateaux techniques d'accueil des enfants handicapés sont installés au sein des écoles : ainsi, il n'y aurait plus qu'une seule école, très professionnelle, qui accueille et scolarise tous les enfants de la République. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous pourrions tendre vers ce modèle en transformant en services l'offre médico-sociale actuellement proposée par les établissements. Cela va constituer l'une de mes priorités que d'engager une réflexion sur ce point avec les ARS et tous les acteurs des territoires, en vue de répondre au mieux aux attentes des personnes en situation de handicap.
Oui, madame Liso, j'estime que l'engagement du Président de la République de travailler sur la notion de pauvreté des personnes handicapées est tenu. C'est une mesure sans précédent qui a été prise avec le relèvement de l'AAH qui aura lieu d'ici à fin 2019. Cela va se faire en quatre temps : en plus des augmentations indiciaires du 1er avril interviendront deux revalorisations, en novembre 2018 – portant l'AAH à 860 euros – et en novembre 2019 – portant l'allocation à 900 euros. Ce sont plus de 870 000 bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés qui vont bénéficier à taux plein de cette hausse importante de leur pouvoir d'achat. Je rappelle que cette allocation n'a pas vocation à compenser la situation de handicap : elle est conçue comme un revenu minimum d'existence. Actuellement, 20 % des bénéficiaires de l'AAH travaillent et l'un de nos objectifs consiste à permettre à nos concitoyens en situation de handicap d'accéder plus facilement au monde du travail.
J'ai entendu dire que la revalorisation de l'AAH allait faire des perdants chez les couples : c'est faux, puisqu'elle s'accompagne d'un rapprochement des règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires. En effet, le coefficient multiplicateur du plafond de revenus des couples, qui est actuellement de 2, va passer à 1,9 au 1er novembre 2018, puis 1,8 au 1er novembre 2019 ; il restera supérieur aux coefficients applicables à d'autres minima – notamment le RSA, où il est de 1,5. La prise en compte de la spécificité de la personne handicapée est maintenue, car il s'agit d'une situation vraiment subie. Le niveau de ressources garanti aux couples est ainsi stabilisé à 1 620 euros, un niveau supérieur de plus de 7 % au seuil de pauvreté pour les couples, qui est de 1 512 euros. Seuls 7,5 % des bénéficiaires de l'AAH en couple ont des ressources situées au-dessus du plafond de 1 620 euros, et leur situation restera strictement inchangée. De ce fait, certains sont plus gagnants que d'autres, monsieur Larive, mais personne n'est perdant.
J'entends souvent dire également, et vous venez de le répéter, monsieur le député, que les bénéficiaires de compléments de ressources vont subir une perte significative de pouvoir d'achat ; c'est faux. En réalité, nous allons simplement faire fusionner, comme le prévoyait la loi de 2005, les deux compléments de ressources de l'AAH destinés à compenser l'absence de revenus professionnels des personnes handicapées exposées à des frais de logement – le complément de ressources (CR) d'une part, la majoration pour la vie autonome (MVA) d'autre part. Le rapprochement, qui n'aura lieu qu'en 2019, va constituer un élément de simplification, car il va permettre de supprimer une deuxième évaluation, très pesante. La coexistence des deux compléments étant partiellement soumise à cette surévaluation, les droits des bénéficiaires actuels sont maintenus, et la fusion des compléments n'interviendra qu'au fil des nouvelles demandes.
Mme Rilhac m'a interrogée au sujet des accompagnants et aidants familiaux. J'étais vendredi dernier à Lyon pour l'inauguration de la « maison de répit ». Ce projet de grande envergure, porté par la fondation France Répit, a vu le jour grâce à un financement mixte associant des fonds publics et un mécénat privé, et bénéficie pour son fonctionnement d'un agrément délivré par l'ARS Auvergne Rhône-Alpes. Si cette structure est unique, c'est parce qu'elle accueille l'aidant et l'aidé ; elle permet également l'envoi d'une équipe mobile d'évaluation à domicile lorsqu'elle est contactée par une famille qui craque. Quand l'équipe d'évaluation estime qu'il y a effectivement urgence, elle peut décider qu'il y a lieu de déclencher la prise en charge à la fois de l'aidant et de l'aidé, comprenant un séjour d'un mois destiné à permettre la remise en route de la dynamique aidant-aidé, au besoin en réajustant la prise en charge faite à domicile.
Pour mener ce projet à bien, la fondation France Répit a conclu des partenariats privés, notamment avec les laboratoires Mérieux, extrêmement impliqués, et qui ont d'ailleurs cédé un terrain afin de permettre la construction des bâtiments. De son côté, l'ARS a fait preuve d'une grande agilité pour débloquer tous les verrous – elle a ainsi permis la création d'une structure accueillant enfants et adultes, ce qui permet de travailler pleinement sur la dynamique aidant-aidé. Vous avez raison, madame la députée : plus de huit millions de nos concitoyens sont aidants familiaux de personnes âgées ou handicapées ; sans eux, je ne sais pas comment nous ferions.
J'en profite pour vous annoncer que nous confions une mission à Mme Dominique Gillot sur la meilleure façon d'aider l'aidant familial à concilier sa fonction avec sa vie professionnelle. Il faut aussi lui permettre de valoriser ses années d'interruption, et, s'il le souhaite, de reprendre une formation. Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sont également saisies de la question des aidants familiaux : l'aidant doit pouvoir accéder à l'information et à la formation. Il faut aussi qu'il soit lui-même aidé. Lyon « métropole aidante » a, par exemple, décidé de mettre en place tout un réseau d'information, avec des cafés des aidants et d'autres initiatives. Les territoires s'emparent de cette problématique qu'il nous faut absolument porter, car il s'agit vraiment de l'un des piliers de notre société de solidarité.
Madame Biémouret, depuis la fin du mois de mai, nous tenons une réunion hebdomadaire pour préparer et suivre la rentrée scolaire. En septembre, il y avait encore des enfants sans AVS en raison de problèmes structurels de recrutement dont je vous ai parlé. Nous sommes particulièrement vigilants sur ces questions, car il est indispensable de prendre en compte les besoins spécifiques des enfants au sein des classes. Il faut recruter des personnels vraiment motivés. Aujourd'hui, pour ces contrats aidés, la sélection s'opère d'ailleurs sur ce seul critère puisqu'il n'existe pas de formation initiale.
À la rentrée, le taux de couverture des accompagnants atteignait 98 %. Il ne manquait que 2 % d'entre eux, me direz-vous, mais cela concerne encore des centaines d'enfants et de familles, et ce n'est pas satisfaisant. En conséquence, nous restons absolument vigilants et, de son côté, l'éducation nationale est totalement mobilisée. La réunion des recteurs qui s'est tenue hier signalait qu'il n'y avait pas d'alerte particulière – je m'exprime sous le contrôle du DGESCO. Quelques territoires sont encore sous tension en raison de problématiques de bassins d'emploi, et des enfants sont en attente de places en ULIS. Nous savons que ces dernières sont saturées, et nous devrons organiser au mieux la programmation des ouvertures prévues. L'important reste que nous puissions répondre au plus grand nombre.
Effectivement, viser le diplôme de niveau V n'est pas assez ambitieux : il peut être difficile pour un accompagnant qui n'a pas le baccalauréat d'accompagner un enfant qui le prépare. Cela dit, il s'agit de gravir une première marche en attendant une qualification supérieure. Les premières promotions de ce diplôme vont bientôt avoir terminé leur formation.
Quoi qu'il en soit, il faut nous demander ce que nous voulons faire de l'école inclusive. Il ne revient pas aux accompagnants de la porter ; il faut solliciter toutes les ressources disponibles et, surtout, travailler sur une coopération avec le médico-social. Des spécialistes des adaptations et de la rééducation travaillent déjà au sein des établissements médico-sociaux, il faut que ces professionnels puissent en sortir pour se mettre aux services des parcours en milieu ordinaire, notamment au service de la scolarisation des enfants handicapés. Il s'agit donc d'un gros enjeu de coopération. Beaucoup de choses se font déjà : des formations communes conjointes entre le monde de l'éducation nationale et le monde du médico-social avaient été lancées et vont certainement se poursuivre. Il est essentiel de mettre autour d'une même table deux mondes aux cultures différentes.
Les parents d'enfants handicapés ont cela d'extraordinaire qu'ils arrivent à réunir les énergies et à faire se croiser les regards. C'est ainsi que l'on peut réussir un parcours. Le handicap est une force, car il mobilise toutes les énergies, tous les talents et toutes les compétences autour de projets.
Nous devons nous intéresser à la formation des enseignants non spécialisés ; nous travaillons avec M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, à l'élaboration d'un programme de formation qui leur sera destiné.
Une grande réforme de l'enseignement spécialisé est en cours avec la mise en place du certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive (CAPPEI). Ceux qui auront suivi cette formation deviendront une véritable ressource pour diffuser la culture du handicap dans les établissements scolaires. Vous le constatez, nous ne manquons pas de leviers pour faire vivre cette école inclusive.
Madame Rixain, je connais bien l'association Les Tout Petits ; elle fait un travail extraordinaire auprès les personnes polyhandicapées. La pratique artistique est essentielle, comme vous l'indiquiez, mais il existe d'autres axes de travail. Il faut surtout développer les communications alternatives pour permettre l'échange entre les enfants polyhandicapés, les professionnels et l'entourage – je pense au particulier aux liens avec la famille.