Madame la secrétaire d'État, permettez-moi de vous raconter une histoire comme il en existe des milliers, celle de Lucie, jeune fille trisomique, dernière d'une fratrie de quatre enfants. Lucie habite Paris.
Quand elle était petite, Lucie a voulu apprendre à nager. Ses parents se sont rendus dans les piscines municipales pour l'inscrire à des cours de natation. Las ! alors que ses copines d'école rejoignaient un groupe, Lucie a dû rentrer chez elle. « Nous sommes désolés, mais nous ne prenons pas ces enfants-là », ont dit les maîtres-nageurs. Ses parents ont alors écrit aux maîtres-nageurs, au service des sports, aux élus pour protester. Ils se sont battus pour que leur fille puisse apprendre à nager, et puis… rien.
Plus tard, alors qu'elle quittait l'école primaire, les parents de Lucie ont souhaité qu'elle poursuive sa scolarité en ULIS. Ils ont formulé une demande auprès du référent MDPH. La décision est tombée comme un couperet : la demande était refusée, et Lucie était orientée en IME sans qu'à aucun moment, aucun échange n'ait eu lieu avec les parents pour justifier cette décision. Lucie était devenue un dossier examiné par une commission de trente personnes travaillant dans des bureaux. Aucune d'entre elles ne connaissait Lucie, aucune ne l'avait rencontrée ne serait-ce qu'une seule fois. Les parents de Lucie ont alors écrit des lettres pour demander à être reçus, pour échanger, pour comprendre, à la MDPH, au rectorat, aux élus, et puis… rien.
Juste avant l'été, la famille au grand complet a voulu voir une exposition dans un grand musée parisien, le plus grand musée du monde. Las ! quand ils se sont présentés à la porte réservée aux personnes porteuses de handicap, la famille n'a pas pu entrer. Une seule personne, le père ou la mère, était autorisée à accompagner l'enfant. Pour profiter de l'exposition en famille, il a donc fallu que tous fassent plus d'une heure de queue. Puis Lucie s'est impatientée, elle s'est assise par terre, elle s'est mise à pleurer : la famille a dû renoncer et rentrer chez elle. Les parents de Lucie on écrit des lettres, à la direction du musée, au ministère, aux élus, et puis… rien.
Si je vous raconte cette histoire, madame la secrétaire d'État, ce n'est pas seulement parce qu'elle me touche personnellement, mais pour montrer à quel point la vie quotidienne des personnes porteuses de handicap et de leur famille est encore, en 2017, dans une grande ville européenne, un combat quotidien contre les préjugés et l'ignorance, mené dans une absence totale de bienveillance. Nous savons combien vous êtes sensible à ces sujets et déterminée à agir pour que cessent ces humiliations, pour que changent les mentalités et les comportements envers les personnes porteuses de handicap ; nous comptons sur vous !