Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 11 octobre 2017 à 16h30
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse de vous présenter, avec Gérald Darmanin, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette législature.

Ce PLFSS est un texte dense, un texte qui fait des choix et qui définit une orientation politique forte. C'est le PLFSS des engagements tenus ; c'est un PLFSS de responsabilité, de solidarité, de transformation.

Nous tenons nos engagements sur le pouvoir d'achat, sur l'aide aux entreprises et aux entrepreneurs, sur la disparition du régime social des indépendants (RSI) et son absorption par le régime général, sur la priorité donnée à la prévention et sur l'attention portée à ceux de nos concitoyens qui sont dans les situations les plus difficiles.

Si le PLFSS permet de tenir les engagements pris devant les Français, c'est parce qu'il est un PLFSS de responsabilité. En tant que ministre chargée des solidarités, je suis particulièrement attentive à l'équilibre des comptes, qui conditionne la confiance à moyen et long terme dans notre système de protection sociale.

Le déficit de la sécurité sociale – régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – devrait s'établir en 2017 à 5,2 milliards d'euros, en amélioration de 2,6 milliards d'euros par rapport à 2016. En 2018, le déficit devrait être de 2,2 milliards d'euros, soit une nouvelle amélioration de 3 milliards d'euros : c'est le déficit le plus faible depuis 2001.

Nous sommes donc clairement sur la trajectoire du retour à l'équilibre à l'horizon 2020, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Ce PLFSS est aussi celui de la solidarité : parce que c'est un PLFSS de responsabilité, nous avons opéré des choix, mais ces choix privilégient les personnes et les familles les plus en difficulté, pour lesquelles la solidarité nationale doit jouer en priorité.

Ma première préoccupation, ce sont les petites retraites. Le PLFSS revalorise le minimum vieillesse. Le Président de la République s'est engagé à le revaloriser de 100 euros : cela commencera dès le 1er avril prochain avec une augmentation de 30 euros, puis de 35 euros en 2019, et de 35 euros en 2020. Nous atteindrons donc l'objectif en deux ans et demi.

Nous harmoniserons la date des revalorisations des avantages vieillesse au 1er janvier, en avançant celle du minimum vieillesse de trois mois et en reculant celle de pensions de trois mois. C'est une mesure qui représente un moindre gain temporaire pour les pensionnés, mais elle doit être mise en regard de l'effort de solidarité très important que représente la revalorisation du minimum vieillesse : l'effort sur trois ans dépasse 500 millions d'euros.

Je veux également mieux répondre aux besoins des personnes âgées en perte d'autonomie. Nous créerons des places nouvelles : 4 500 places d'hébergement permanent en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et 1 500 places d'accueil de jour ou d'hébergement temporaire. Nous consacrons 100 millions d'euros à l'encadrement en soins des EHPAD, pour mieux répondre au vieillissement et à la maladie.

Par ailleurs, le déploiement d'astreintes infirmières la nuit permettra une meilleure évaluation et prise en charge des difficultés survenant la nuit. Des hospitalisations inutiles seront ainsi évitées. C'est, vous le savez, une des préconisations du récent rapport de Mme Iborra sur les EHPAD et je considère qu'il s'agit là effectivement d'une forme d'organisation adaptée et qui a fait ses preuves.

En matière de politique familiale, le PLFSS traduira la priorité que je donne aux familles qui ont le plus de difficultés et en particulier aux familles monoparentales, dont une sur trois est pauvre.

Je veux rappeler ici les orientations de la politique familiale que j'entends mener, et dont j'ai exposé les axes au conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) il y a un mois : augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants ; créer une véritable politique de soutien à la parentalité ; soutenir les familles fragiles, notamment monoparentales, et permettre aux femmes de travailler quelle que soit leur situation ; enfin, lutter contre la pauvreté des enfants.

Plusieurs dispositions du PLFSS permettront d'augmenter les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront d'une hausse de 17 euros par mois du complément familial majoré au 1er avril 2018 : 450 000 familles sont concernées. Pour les familles monoparentales, le montant de l'allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également : 750 000 familles sont concernées.

Le montant maximum de l'aide à la garde d'enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, une garde à domicile ou une micro-crèche augmentera de 30 %. À titre d'exemple, un parent isolé avec un enfant, qui perçoit 2 000 euros de revenus et qui emploie directement une assistante maternelle, percevra jusqu'à 138 euros de plus pour payer la garde de son enfant.

Nous faisons également évoluer le barème et le montant de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), mais ce faisant, nous dégageons des marges d'action pour satisfaire aux besoins prioritaires et nous redonnons une cohérence à la façon dont s'articulent les différentes prestations. De plus, nous mettons fin au gel, depuis près de cinq ans, de la prime de naissance. Nous n'appliquons les mesures sur la PAJE qu'au flux des bénéficiaires, c'est-à-dire seulement pour les enfants nés à compter du 1er avril. Il n'y a aucune famille perdante.

C'est enfin le PLFSS de la transformation.

L'ambition de réforme concerne d'abord le champ de la protection sociale.

Au 1er janvier 2018, le RSI est supprimé et adossé au régime général. C'est l'une des réformes les plus importantes depuis la création de la sécurité sociale en 1945 ; nous nous donnons donc les moyens et le temps nécessaires pour la réussir. Une période de deux ans sera ouverte, pour faire évoluer les organisations et mener le dialogue social.

Nous avons, Gérald Darmanin et moi-même, eu l'occasion de dire aux personnels du RSI et des organismes conventionnés toute l'attention que nous portons à cette mutation. La dimension sociale du projet est pour moi un point d'attention prioritaire. Ils ne doivent pas être les perdants de cette évolution.

L'ambition de transformation concerne également le champ de la santé. Je construis, vous le savez, une stratégie nationale de santé, qui sera présentée au mois de décembre, et qui sera le cadre d'un plan national et de plans régionaux de santé, au printemps.

Cette stratégie établit quatre priorités : prévention, égal accès aux soins, innovation, pertinence et qualité des soins.

En matière de prévention, le PLFSS comporte deux mesures très fortes et emblématiques de cette démarche. J'attends de nos débats qu'elles soient confortées par votre Assemblée.

Tout d'abord, nous voulons rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins, dont huit étaient jusqu'à présent simplement recommandés et trois déjà obligatoires. Sept à huit enfants sur dix les reçoivent déjà : ce n'est donc pas un bouleversement des habitudes. Ce taux est toutefois insuffisant pour éviter des épidémies : la protection de chacun dépend de la mobilisation de tous et la puissance publique doit prendre ses responsabilités.

Ce PLFSS prévoit également une hausse importante des prix du tabac, sur trois ans, avec un euro de plus par paquet dès le 1er mars 2018. Le tabagisme en France, c'est près de 80 000 morts, des vies abrégées, des souffrances que l'on pourrait éviter.

Je veux dire ici le dialogue constructif que j'ai eu avec le ministre des comptes publics pour progresser vers cet objectif majeur de santé publique. Nous accompagnerons cette hausse par la prévention, par l'accompagnement des fumeurs souhaitant s'arrêter, mais aussi par une lutte acharnée contre les marchés parallèles.

L'égalité d'accès aux soins comporte une double dimension, sociale et territoriale.

Le PLFSS ne comporte pas directement de dispositions relatives au « reste à charge zéro » mais j'ai proposé, vous le savez, de reporter la mise en oeuvre du règlement arbitral dans le domaine dentaire afin de rouvrir un espace de négociation avec les professionnels ; la négociation qui s'est ouverte doit prendre en compte l'objectif du « reste à charge zéro ».

Ce chantier comprend en outre l'optique et les audioprothèses et je ferai connaître très rapidement le cadre de travail et de concertation, pour aboutir en tout état de cause avant la fin du premier semestre 2018. Certains éléments figureront sans doute dans le PLFSS pour 2019.

Pour ce qui est de l'égalité dans les territoires, je présenterai dans deux jours un plan d'action. Le PLFSS permettra déjà de généraliser l'usage de la téléconsultation et de la téléexpertise, en les sortant de leur cadre expérimental et en les faisant entrer dans le droit commun.

S'agissant de l'innovation et de la pertinence des soins, je veux en particulier faciliter l'expérimentation de formes d'organisation et de rémunération nouvelles qui permettront de dépasser les logiques sectorielles de la ville et de l'hôpital, de rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, de prendre en considération la prévention mais aussi la pertinence des actes réalisés et donc d'abandonner le schéma de rémunération uniquement à l'acte. Je vous propose d'adopter un cadre général, valable pour le quinquennat, qui permettra de lancer et d'évaluer ces expérimentations.

Mon objectif est de faire évoluer et de compléter les dispositifs actuels – rémunération à l'acte ou tarification à l'activité (T2A). Le levier tarifaire, j'en suis convaincue, est fondamental pour aller vers plus de prévention et plus de pertinence des soins, avec des parcours de soins coordonnés.

Ce PLFSS de transformation s'inscrira dans le cadre d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) fixé à 2,3 %. Ce taux, conforme à l'engagement du Président de la République, est supérieur à celui des trois années précédentes. Il consacre 4,4 milliards d'euros supplémentaires à la couverture des soins. Il tient compte des engagements déjà souscrits, dont la convention médicale signée en 2016 avec les professionnels libéraux. Ses conséquences, importantes en 2017, le seront plus encore en 2018 : c'est pourquoi le sous-objectif des soins de ville sera supérieur au taux global d'ONDAM, à 2,4 %. Cette convention va dans le sens des orientations que j'ai fixées : elle valorise mieux l'action des généralistes et prend mieux en considération notamment les actes complexes ou réalisés dans des situations d'urgence.

L'évolution des recettes des établissements sera, quant à elle, de 2,2 %, soit un taux supérieur à l'an passé, grâce à l'apport du relèvement de deux euros du forfait journalier, qui n'a pas augmenté depuis 2010. Ce relèvement correspond à l'inflation constatée depuis lors et anticipée pour 2018.

Un ONDAM à 2,3 % reste un ONDAM exigeant, qui repose sur un montant important d'économies par rapport au tendanciel – il s'agit bien du tendanciel et non d'une économie nette, puisque la prévision de croissance des dépenses était pour 2018, je le rappelle, de 4,5 milliards d'euros.

J'entends les critiques de l'industrie du médicament puisque les hypothèses sous-jacentes à la construction de l'ONDAM prévoient des baisses de prix de près d'un milliard d'euros, après d'autres intervenues les années précédentes. Je voulais toutefois signaler que nous avons revu à la hausse cette année, à 3 %, le taux Lh destiné à stimuler l'évolution des prescriptions hospitalières, et qui concerne les produits les plus innovants.

J'entends aussi les critiques de l'industrie ou des distributeurs de dispositifs médicaux. Je suis prête à une discussion sur le contenu du texte, pourvu que l'on en respecte l'esprit, c'est-à-dire la recherche d'une plus grande pertinence dans la prescription et l'usage de ces dispositifs.

L'ONDAM est exigeant mais c'est cette exigence qui permettra un investissement immobilier et numérique de 400 millions d'euros et l'amélioration des prises en charge médico-sociales, dont la dépense progresse de 2,6 %.

Nous avons voulu, Gérald Darmanin et moi-même, donner du sens à ce PLFSS, c'est-à-dire mettre en oeuvre des réformes concrètes et les expliquer à nos concitoyens. Donner du sens, c'est aussi engager des chantiers de transformation en profondeur de notre système de santé et de notre système de protection sociale pour les améliorer et les adapter à notre société, en pensant ces évolutions à long terme. Cela correspond au mandat qu'ont donné les Français à leurs représentants en juin dernier.

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