Intervention de Nicolas Turquois

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Interdiction du glyphosate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

Nous examinons de nouveau une proposition de loi visant à interdire l'utilisation du glyphosate après en avoir débattu il y a quelques mois dans ce même hémicycle.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés partage votre sensibilité à ce sujet, comme nombre de nos concitoyens et, je pense, la quasi-totalité des membres de cette assemblée. Plusieurs études ont jeté le trouble en raison de la dangerosité potentielle de cet herbicide et nous devons en tenir compte.

En replaçant cette problématique au coeur du débat médiatique, le Président de la République a obtenu que l'Union européenne vote une réhomologation du glyphosate pour cinq ans seulement au lieu de quinze. Certes, le débat sera rouvert à l'issue de cette période mais cette avancée est déjà considérable.

La France ne s'est pas contentée de ce résultat car le Président, qui s'est très tôt emparé de ce sujet, nous a fixé des objectifs encore plus ambitieux, à savoir une sortie en trois ans de l'essentiel des usages. Nous saluons cette volonté et nous nous y associons.

Pour autant, inscrire d'ores et déjà une interdiction dans la loi nous semble contreproductif.

La plupart de nos agriculteurs utilisent fréquemment le glyphosate dans leurs exploitations. Le supprimer brutalement amènerait à des impasses techniques et économiques. Nous devons en tenir compte. Aujourd'hui, le glyphosate représente une solution simple, rapide et peu coûteuse pour répondre aux problématiques de désherbage.

Aucune solution de remplacement ne combine ces trois qualités.

On peut envisager de substituer au glyphosate d'autres désherbants, mais l'intérêt environnemental n'est évidemment pas flagrant. Il faut plutôt travailler à réduire, de façon générale, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans notre agriculture. C'était l'un des objectifs majeurs de la loi EGALIM. La puissance publique doit favoriser le développement de filières agricoles beaucoup plus vertueuses du point de vue environnemental. Cela peut passer par le développement du bio, des approches à haute valeur environnementale, mais aussi par une meilleure formation et une plus grande sensibilisation des acteurs à ces enjeux. Les ordonnances sur la séparation du conseil et de la vente des produits de traitement relèvent de cette volonté.

On peut aussi envisager de remplacer le glyphosate par du désherbage mécanique. C'est, à mon sens, l'une des solutions qu'il faut privilégier, mais il faut garder à l'esprit qu'elle n'est pas applicable à toutes les situations, et que c'est une méthode beaucoup plus onéreuse. En ces temps de crise de l'agriculture, l'aspect économique ne peut pas être balayé d'un revers de main.

On le voit, il ne s'agit pas de décréter la fin du glyphosate, et de laisser ensuite nos agriculteurs dans de grandes difficultés. Nous avons choisi au contraire, à l'instar du Gouvernement et de son ministre, de faire confiance aux filières agricoles pour trouver des solutions pour chaque usage du glyphosate. Il s'agit d'être à la fois pragmatique, c'est-à-dire de trouver des solutions, et très ambitieux : viser à sortir du glyphosate en trois ans. C'est là, je crois, la manifestation d'une grande responsabilité.

Dans ce débat, deux questions majeures se posent donc à nous. La première est de savoir si des enjeux économiques doivent être comparés à des enjeux sanitaires. Il est évident que non. Mais nous constatons, comme vient de le rappeler notre collègue Julien Dive, que l'Europe, pour des raisons historiques, est loin de produire suffisamment de certaines matières premières, nécessaires à l'alimentation de nos animaux : nous importons par bateaux entiers du soja et du maïs venant des États-Unis ou d'Amérique du Sud, où ces cultures, transgéniques, ont été traitées au glyphosate.

Je vous rappelle que l'usage du glyphosate sur les cultures en place est interdit en France : on ne peut l'utiliser qu'avant ou après le cycle cultural. Supprimer maintenant le glyphosate en France, c'est non seulement mettre en difficulté nos agriculteurs, mais c'est, en plus, favoriser l'importation de tels produits avec les résidus de glyphosate qui vont avec.

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