Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Interdiction du glyphosate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Bon marché et efficace, le glyphosate imprègne nos sols depuis plus de quarante ans. Sa consommation est exponentielle. En 2014, 825 000 tonnes de glyphosate ont été déversées dans le monde, soit une multiplication par douze en dix ans. L'agriculture française n'est malheureusement pas en reste : accro au glyphosate, elle en utilise en moyenne 7 000 tonnes par an. Cette substance est l'une des plus vendues, avec le soufre.

Pourtant, depuis plusieurs années, l'image du produit se dégrade. Accusé d'être probablement cancérigène par le centre international de recherche sur le cancer de l'OMS, il y a maintenant quatre ans, le Roundup de Monsanto est sur la sellette. On peut le comprendre quand on sait que le glyphosate augmente de plus de 40 % le risque de lymphome non hodgkinien. En France, en 2011, 11 600 nouveaux cas de ces lymphomes ont été recensés par l'Institut national du cancer.

Mais il est tout simplement détestable de laisser penser que les agriculteurs sont de vilains pollueurs qui se fichent de l'environnement et empoisonnent sciemment leurs concitoyens. Comme souvent, ceux qui trinquent sont ceux qui n'ont pas le choix et qui utilisent ces produits pour travailler. Pour eux, c'est la double peine : non seulement ils sont exposés toute la journée à ces molécules nocives, mais en plus, personne ne se donne vraiment la peine de leur apporter des solutions concrètes pour ne plus utiliser ces produits nocifs.

Le Gouvernement l'a d'ailleurs reconnu : pour 10 % des agriculteurs, il n'existe aucune alternative au glyphosate, aucun plan B. Chez moi, dans le Biterrois, croyez bien que les agriculteurs et les viticulteurs seraient ravis de pouvoir travailler sans ces produits pollueurs. Mais c'est tellement facile de donner des leçons ! Un vigneron près de Béziers, sensible au discours appelant à protéger les sols, a choisi de se passer du glyphosate ; cette année, il a subi une baisse de production de 80 %, sa récolte ayant été ravagée par le mildiou. Emmanuel Macron lui-même est d'ailleurs bien embarrassé : il a dû annoncer que l'interdiction du glyphosate sous trois ans pour les agriculteurs serait assortie d'exceptions pour ceux qui ne peuvent pas s'en passer.

Pour ne pas sembler en reste, le ministère de l'agriculture a cru bon de faire savoir qu'il mettait en place un véritable plan pour aider le monde agricole à sortir du glyphosate. Le communiqué de presse du 1er février dernier laissait presque rêveur. On pouvait y lire : « Plan de sortie du glyphosate : le centre de ressources, mis en ligne ce jour, apporte des solutions concrètes aux agriculteurs ». Je me suis dit qu'il allait enfin se passer quelque chose... Mais non ! Comme souvent, c'était une fausse joie : le centre de ressources se limite à une petite vidéo sur les différents outils de destruction de prairies et à un petit mot sur le désherbage thermique, étant précisé que le procédé coûte extrêmement cher. Bref, pas de quoi rassurer nos agriculteurs !

Heureusement, tout n'est pas perdu. L'actualité de cette semaine est des plus encourageantes : alors qu'on avait du mal à imaginer un monde sans Roundup, il est désormais permis de penser qu'un monde sans Monsanto est possible. C'est ce que nous révèlent les études entreprises par le professeur Klaus Brilisauer, chercheur à l'université de Tübingen, en Allemagne, et sa découverte d'une nouvelle molécule de sucre, le 7-deoxy-sedoheptulose ou « 7dSh ». Issue d'une algue d'eau douce, elle est tout ce qu'il y a de plus naturel et, apparemment, de plus efficace. Version verte du glyphosate, elle inhibe la croissance des plantes en les privant d'acides aminés, ce qui tue naturellement les mauvaises herbes par carence nutritionnelle. Son efficacité semble redoutable, équivalente au principe actif chimique de Monsanto, et permet de lutter efficacement contre les mauvaises herbes et autres micro-organismes. Selon les chercheurs, même à faible concentration, son effet est aussi puissant que celui du glyphosate. Par ailleurs, cette molécule naturelle présente une excellente dégradabilité et aucun risque écotoxique. Nous y voyons d'excellentes raisons de l'utiliser comme herbicide. Voilà donc peut-être la bonne nouvelle tant attendue.

Il reste une question que je ne cesse de répéter dans cet hémicycle : à quoi sert-il d'interdire le glyphosate chez nous si nous continuons d'importer massivement des produits agricoles traités en pleine culture avec du glyphosate, …

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