Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 11 octobre 2017 à 16h30
Commission des affaires sociales

Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics :

Monsieur Door, vous ne pouvez pas nous reprocher dans la même phrase de ne pas transformer le pays et d'aller trop vite. Quoi qu'il en soit, nous ne préemptons pas de réforme : le mouvement de bascule entre la hausse de la CSG et la baisse des charges faisait partie du programme de campagne lors des élections présidentielles et surtout législatives. Les opposants ont pu largement s'exprimer et les électeurs ont voté en toute connaissance de cause. Ce changement de système s'effectue dans un cadre tout à fait démocratique puisqu'une majorité d'électeurs l'a approuvé.

Il y aura une discussion autour du financement de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC), dans laquelle s'impliqueront le Président de la République, le Premier ministre, Mme Pénicaud, Mme Buzyn et moi-même. Quant à la loi Larcher sur le dialogue social, elle sera bien évidemment respectée comme cela a été le cas pour les ordonnances réformant le code du travail. Mme Pénicaud a démontré sa capacité à écouter et à et prendre en compte les questions et les propositions syndicales. La réforme conduira à un changement profond mais qui ne surprendra personne puisqu'il est conforme au vote que les Français ont exprimé par deux fois.

Monsieur Vercamer, vous plaidez pour un autre arbitrage : augmenter la TVA et baisser les charges, plutôt que d'augmenter la CSG pour supprimer des cotisations. C'est un débat politique et philosophique intéressant et je vais essayer de résumer les arguments qui étayent le choix du Gouvernement.

Tout d'abord, il faut dire que le PLF et le PLFSS ont été élaborés dans l'idée de répondre à une volonté : le travail doit payer. Notre société ne rémunère pas assez l'effort. La secrétaire médicale qui élève seule ses trois enfants et qui gagne le SMIC a du mal à s'en sortir, pour ne pas dire qu'elle ne s'en sort pas. Il arrive que des personnes renoncent à travailler parce qu'elles n'en voient pas l'intérêt, qu'elles ne savent pas comment faire garder leurs enfants, qu'elles ne trouvent pas l'accompagnement nécessaire à leur situation de parents isolés, etc. Nous avons tous rencontré ce genre de cas et tenu des discours sur le fait que le travail doit payer. Des propositions ont été avancées mais rien n'a vraiment été tenté à part la défiscalisation des heures supplémentaires. Conformément à ce qu'a annoncé le Président de la République, nous rétablirons cette exonération des heures supplémentaires en cours de mandat.

Dès janvier prochain, tous les salariés de notre pays constateront une augmentation de leur pouvoir d'achat équivalant quasiment à 1,5 % de leur rémunération brute. D'aucuns pourront la trouver insuffisante. En tout cas, notre décision d'augmenter la CSG en échange de la suppression de cotisations va faire naître une augmentation de pouvoir d'achat.

Aurait-il été plus efficace d'augmenter la TVA que la CSG ? J'attends avec grand plaisir de débattre avec les auteurs d'amendements qui répondent par l'affirmative. Sans attendre, je vais essayer de monter qu'ils se trompent. Prenons l'exemple d'un salarié qui gagne 1 400 euros par mois. Par souci d'honnêteté et pour que nous ayons une discussion sincère, je prends le montant à partir duquel le salarié subira l'augmentation de la CSG, sachant que la hausse de TVA préconisée par M. Vercamer s'appliquerait à tout le monde. Je vous prends au sérieux, monsieur Vercamer, parce que je sais que vous travaillez beaucoup sur ces questions. Avec notre proposition, ce salarié subira une augmentation de la CSG de 23 euros par mois, soit 276 euros par an. Dès la première année, cette somme sera compensée par la suppression de la taxe d'habitation puisque notre projet fiscal est un tout. Une augmentation de la TVA de 2 points correspond quasiment à 300 euros de perte annuelle de pouvoir d'achat. Quant à la baisse des charges des entreprises, nous la réalisons aussi grâce au mouvement de bascule que nous opérons entre la baisse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et la réduction directe des cotisations sociales patronales.

En résumé, nous donnons du pouvoir d'achat à ceux qui travaillent. Tous ceux qui perçoivent moins de 1 400 euros par mois ne subissent pas l'augmentation de fiscalité alors qu'ils seraient touchés par une hausse de la TVA. Si elle est intéressante en théorie, cette solution TVA est, dans les faits, plus défavorable au pouvoir d'achat de nos concitoyens et particulièrement des retraités. Sur tous les cas pratiques que vous me proposerez au cours de la discussion des articles, je pourrai vous en faire la démonstration. J'imagine que cela intéressera l'intégralité de la représentation nationale.

Qu'en est-il du RSI ? J'entends dire, à présent, que le RSI fonctionne très bien. Il a dû se produire un miracle ! Depuis des années, les élus de tous bords ont entendu un tout autre discours. Pour ma part, je n'ai jamais vu de gens se lever et applaudir à tout rompre quand il était question du RSI, mais les artisans et commerçants de Tourcoing sont peut-être très différents des autres… (Sourires.) Cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien de positif dans le RSI ni que le régime ne s'est pas amélioré. Cela ne veut pas dire non plus que les salariés du RSI n'ont pas été les premiers à subir les désagréments d'un système qui, objectivement, était trop technocratisé et inadapté au travail très difficile que font les indépendants. Avec Mme Buzyn, nous sommes allés rencontrer les salariés de plusieurs caisses. Ils nous ont dit eux-mêmes s'être retrouvés très démunis, à leur guichet ou au téléphone, face à des gens dans une détresse sociale très grande.

Manifestement, cela ne fonctionne pas. Je suis d'ailleurs personnellement assez surpris du fait que les représentants des artisans aient voté contre la proposition de fusion du RSI dans le régime général. Franchement, ce serait assez savoureux d'entendre dire que le RSI va bien et que les artisans et les commerçants ne demandent rien. En réalité, il y a eu plusieurs propositions de changement. Nous passons à l'acte le 1er janvier 2019. On pourrait créer des missions, des commissions, demander des rapports. Je pense qu'on en a assez fait et nous voulons montrer tout de suite que nous avons écouté les artisans et les commerçants.

Comme Mme Buzyn l'a dit, nous engageons cette réforme avec intelligence et en écoutant les salariés : il n'y aura aucune mobilité géographique forcée ; il n'y aura aucun licenciement ; on ne se séparera pas de collaborateurs. Nous l'avons dit, répété et écrit, notamment aux syndicats que nous avons très longuement rencontrés. Dans nos deux ministères, des gens extrêmement compétents travaillent de manière à ce que cela se passe le mieux possible. Les salariés du RSI seront gardés, et ce dans un cadre respectueux du contrat qui les liait avec le régime. Quant aux travailleurs indépendants, ils auront toujours une entrée particulière et ne subiront aucune augmentation de cotisation. Je ne sais pas où vous avez vu ou entendu que les cotisations allaient augmenter. Où est-ce écrit dans le PLFSS ? Nulle part.

Nous allons ménager une période de transition de deux ans pour éviter le même type d'accidents industriels que le RSI a pu connaître à sa création et qui l'ont entraîné parfois dans de grandes difficultés avec les artisans et les commerçants. Dans deux ans, nous ferons le point, y compris devant la représentation nationale. Vous pourrez auditionner qui vous souhaiterez pour voir si l'action du Gouvernement correspond à l'idée générale que nous nous faisons du bon fonctionnement de la caisse pour les indépendants et les commerçants. Franchement, m'entendre dire que le RSI marchait bien et qu'on ne devait rien changer… Il fallait bien que ce soit le jour de mon anniversaire pour que je reçoive ce cadeau !

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