Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Protéger la population des dangers de la malbouffe — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Je pourrais rappeler aussi que plus de 11 % des cas de cancers évitables sont dus à des causes directement ou indirectement alimentaires.

Rappelons que l'ensemble de ces maladies chroniques représentent plus de la moitié des dépenses de l'assurance maladie, soit près de 95 milliards d'euros. Le surcoût global de l'obésité et du surpoids a été chiffré par la direction générale du trésor à plus de 20 milliards d'euros ; celui du diabète s'élève à plus de 10 milliards. Le taux de diabétiques dans notre pays est passé de 2 % en 2000 à 5,4 % aujourd'hui : c'est un exemple de la véritable explosion des maladies chroniques à laquelle nous assistons.

Traiter ces enjeux de santé, telle est l'ambition de la proposition de loi que le groupe La France insoumise vous invite à débattre et à adopter.

Sont en question les modes de production de l'industrie alimentaire, surtout l'utilisation massive d'additifs et la présence de sel, de sucres et d'acides gras en quantité excessive pour compenser la faible qualité des ingrédients employés. Que l'on ne se méprenne pas, cependant : il ne s'agit pas pour nous de jeter l'opprobre sans discrimination sur un secteur industriel, mais bien d'apporter les correctifs qui s'imposent pour que manger n'expose plus le consommateur au risque de développer d'ici à quelques années une maladie chronique ou un cancer.

Les auditions de notre commission d'enquête ont montré que c'était non seulement souhaitable, mais tout à fait possible. Certains industriels conventionnels se sont même engagés depuis plusieurs années dans cette voie, que l'industrie agroalimentaire bio a empruntée dès ses débuts, démontrant qu'il était techniquement faisable de produire des aliments ultratransformés comportant un nombre réduit d'additifs, comme les substituts de viande vegan.

Si cet impératif n'est pas contesté, sa concrétisation tarde et le mouvement vers une alimentation industrielle de meilleure qualité est bien lent. Ce n'est pas moi qui le dis : ce sont les conclusions que formulent inlassablement, rapport après rapport, et depuis des années maintenant, le Haut Conseil de la santé publique – HCSP – , l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES – , l'Institut national de la recherche agronomique – INRA – , l'Observatoire de la qualité de l'alimentation – OQALI – , et bien d'autres encore.

Le Gouvernement a signé des chartes d'engagement volontaire avec les industriels dans lesquelles ceux-ci promettaient de réduire les quantités de sel, de matières grasses et de sucre dans leurs productions. Mais qu'est-ce qui a changé depuis le début des années 1990, époque des premières de ces chartes ? Rien. Nous sommes toujours très au-delà des teneurs que les industriels s'étaient engagés à respecter, et bien en deçà des objectifs fixés par l'Organisation mondiale de la santé – OMS : plus de vingt ans après les premières chartes, nous consommons en moyenne plus de deux fois les doses journalières maximales de sel, de sucre et de gras recommandées pour ne pas risquer de développer de maladies cardiovasculaires, de diabète ou de devenir obèse.

Le Haut Conseil de la santé publique et l'ANSES recommandent fortement de suivre l'exemple de nombreux pays voisins qui, se fondant sur les mêmes conclusions, ont pris des mesures contraignantes. Les résultats obtenus sont significatifs pour la santé publique. En 2003, par exemple, le Danemark a fixé à 2 % le taux maximal d'acide gras trans dans les huiles et matières grasses, ce qui a réduit de manière importante le nombre de décès causés par les maladies cardiovasculaires, selon le dernier rapport du HCSP. Ce rapport cite également l'Autriche, la Finlande, la Lettonie, la Hongrie et le Royaume-Uni parmi les pays qui ont recouru à des politiques équivalentes avec succès.

Dans ce domaine comme dans d'autres, la proposition de loi que je vous présente au nom du groupe La France insoumise n'a par conséquent d'autre but que de mettre en pratique les recommandations des agences sanitaires de notre pays. C'est l'objet de ses articles 1er et 2 s'agissant des additifs et des teneurs en sel, en sucre et en acides gras.

Les mêmes agences sanitaires constatent que les engagements volontaires dans le secteur de la publicité et du marketing ne fonctionnent pas. L'OMS a depuis longtemps formulé des recommandations pour réglementer la publicité alimentaire destinée aux enfants. Si l'on fait abstraction de la loi Gattolin, entrée en vigueur l'an dernier, le secteur de la publicité obéit dans notre pays à un régime d'autorégulation, sous l'égide du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Ce système suscite lui aussi un constat des plus mitigés : l'INSERM et le Haut Conseil de la santé publique recommandent aux pouvoirs publics de prendre des mesures réglementaires bien plus restrictives pour contrer les effets extrêmement néfastes du marketing et de la publicité sur les enfants et les jeunes. Je vous renvoie à mon rapport sur cette question majeure.

Enfin, le dernier article de la proposition de loi porte sur l'éducation de nos enfants. Les travaux de notre commission d'enquête ont confirmé que les bonnes pratiques s'acquièrent dès la prime enfance et que l'éducation au bien manger est une nécessité. Compte tenu de la relation très forte entre malbouffe et condition sociale, personne ne conteste que l'école soit le lieu idéal où dispenser cette formation.

Cela étant, les dispositifs actuels inscrits dans le code de l'éducation sont insuffisants dans la mesure où ils ne concernent que les activités organisées dans le cadre périscolaire. Le HCSP et le président du Conseil national de l'alimentation, notre collègue Guillaume Garot, recommandent de donner une ampleur supérieure à cette action-là également. C'est le sens de l'article 4 de la proposition de loi, qui vise à rendre obligatoire cet enseignement.

Les objectifs de la proposition de loi sont partagés par les députés siégeant sur tous les bancs de cet hémicycle. J'en veux pour preuve l'adoption à l'unanimité, l'an dernier, des propositions que notre collègue Michèle Crouzet avait inscrites dans son rapport au nom de la commission d'enquête.

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