Certains y perdront peut-être de l'argent. Grand bien leur fasse, ils réfléchiront au sens des actions qu'ils ont menées du temps où leurs pratiques étaient autorisées.
Enfin, l'instruction délivrée par l'école de la République, dans une phase de transition et tant que les lobbies alimentaires s'emploient à empoisonner les gens, doit permettre à nos enfants de s'alimenter correctement et de savoir se détourner des dangers semés sur notre chemin par ceux qui tirent profit des maladies qu'ils produisent.
Je ne vois donc pas pourquoi nous serions en désaccord. Certains ici ne cessent de répéter qu'ils partagent notre constat, qu'ils seraient des plus heureux que notre société permette à tous de se nourrir sainement, mais qu'il faut pour cela passer par l'incitation. Lorsque des gens meurent du cancer, à tel point qu'il s'agit désormais d'une des premières causes de mortalité dans le monde, il est peut-être temps de passer à la contrainte. Les industriels rigolent doucement lorsque vous les incitez à réduire leurs profits. Les engagements volontaires ont échoué. C'est d'une réglementation contraignante que nous avons besoin.
Nous en avons besoin pour le pays tout entier. Nous en avons besoin pour ceux qui, dans les classes populaires et moyennes, souffrent le plus de la malbouffe. Car, vous le savez, ce sont les classes populaires qui, en premier lieu, pâtissent du système organisé de la malbouffe. Que l'on retourne le problème dans le sens que l'on voudra, il est clair que l'alimentation saine est une question de moyens. Les politiques relatives à l'alimentation doivent partir de l'adage du célèbre philosophe allemand : à chacun selon ses besoins. Car, si nous maintenons notre rapport à l'alimentation dans la dimension ô combien cruelle du principe selon lequel à chacun revient ce que lui permettent ses moyens, l'ampleur du problème ne cessera de croître. Cette proposition de loi pourrait donc s'inscrire dans une politique alternative, qui nous libérerait des contraintes de ce que vous appelez l'économie ouverte, et qui ferment pourtant l'horizon de tant de nos concitoyens.
Augmenter les minima sociaux, augmenter les bas salaires, partager le temps de travail dans la semaine et dans la vie, voici le cadre politique général qui permettrait à nos concitoyens de mieux se nourrir. Il n'est pas possible d'organiser la misère d'une partie toujours croissante de notre société et de prétendre, en même temps, pouvoir créer les conditions d'un système alimentaire sain. L'inégalité sociale est à l'origine du problème posé aujourd'hui par l'alimentation malsaine. Cette inégalité est double. D'une part, les victimes de la malbouffe se trouvent parmi les plus pauvres, en France, enfermés dans la malnutrition ; d'autre part, ceux qui profitent financièrement de ce système sont parmi les 1 % les plus riches de notre pays. Les maladies des uns font l'argent des autres.
Au cours de l'histoire de l'humanité, l'alimentation grasse a permis à notre espèce de survivre. Aujourd'hui, l'apparente situation d'abondance produit des comportements de surconsommation, dont il n'est pas impossible de penser qu'ils soient hérités des périodes de disette. La question de la survie et celle de l'alimentation ne se sont pas pour autant déliées avec le siècle dernier. La nature de leur intrication s'est modifiée. C'est de mal manger que certains meurent aujourd'hui. C'est de trop produire, et n'importe comment, que l'humanité se menace elle-même à travers sa production alimentaire. Il est donc essentiel, devenant conscients de ce problème, que nous nous en saisissions dans toute son ampleur : la production alimentaire est la condition de notre survie et ne doit en aucun cas être uniquement pensée à travers le prisme de la quantité. La qualité compte tout autant. Le cadre dans lequel penser notre rapport à l'alimentation n'est pas inamovible. Il est historiquement déterminé.
Laisser les grandes transnationales décider du contenu de nos assiettes a un coût social, sanitaire et environnemental énorme : déforestation, pollution de nappes phréatiques, destruction de la biodiversité et appauvrissement des sols, mais aussi écrasement des salaires, précarisation de dizaines de millions de travailleurs, sans oublier le développement de maladies comme l'hypercholestérolémie, le diabète, l'hypertension. C'est un monde de malheur qui a été créé. Nous refusons de vivre dans ce système qui culpabilise les gens alors qu'ils ne l'ont pas choisi et que ce sont les plus modestes de notre pays qui en sont les premières et nombreuses victimes ! Suivant ce modèle qui détruit tout, allons-nous être la seule génération d'une espèce vivante à ce point irrationnelle pour devenir les fossoyeurs de l'humanité, emportant avec nous toutes les espèces animales et végétales.
Pour ce qui est de l'alimentation, l'État doit être un modèle. Il doit impulser dans la société les conduites vertueuses en les appliquant dès à présent dans les secteurs décisifs de l'action publique. Pourquoi tant de collèges et de lycées sont-ils approvisionnés en nourriture par SODEXO qui fournit des aliments d'une qualité pour le moins douteuse ? Pourquoi tant de nos hôpitaux sont-ils également soumis aux mêmes distributeurs, alors qu'il s'agit de nourrir des personnes déjà malades ?
La réduction des coûts n'est qu'un horizon comptable à court terme. C'est un horizon à court terme mal pensé. En effet, il est certain qu'une alimentation de qualité est absolument nécessaire dans nos hôpitaux. Lorsque nous y sommes, c'est bien souvent parce que notre organisme est si affaibli qu'il demande les aliments nutritifs ; en la matière, il ne fait aucun doute que l'agriculture biologique est à même de les fournir, plus que l'agriculture intensive. La distribution d'une alimentation 100 % biologique est un principe qui doit prévaloir dans nos écoles comme dans nos hôpitaux. Cela pourrait faire l'objet d'une autre proposition de loi.
Nous vous donnons ici l'occasion d'améliorer concrètement la vie de nos concitoyens. Nous vous donnons une occasion de mettre les producteurs et les distributeurs face à leurs responsabilités. Dans une société si complexe que la nôtre, il n'est pas possible d'individualiser les problèmes constamment, de dire aux gens : « C'est votre cancer, votre maladie chronique, votre AVC… », alors que nous savons que ces pathologies ont un caractère épidémique et massif. Prenez la mesure de notre époque et faites un premier pas en notre compagnie pour rompre avec l'archaïsme d'un système productif qui fabrique des maladies en nourrissant la population.