Intervention de Blandine Brocard

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Protéger la population des dangers de la malbouffe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBlandine Brocard :

Nous prenons du temps pour partager un repas, et pour le plaisir d'être ensemble. Le repas gastronomique des Français est même entré au patrimoine culturel immatériel de l'humanité, comme le rappelait M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Le repas français est donc célébré partout dans le monde, mais pour manger quoi ? De la même façon que chaque médaille a son revers, chaque repas ne se vaut pas. En effet, un mal persistant envahit nos assiettes. Ce mal porte un nom : la malbouffe. Le terme est explicite.

Ce phénomène nous a peu à peu amenés à oublier le goût des choses et des bons produits, à accepter de manger des plats trop pauvres en fibres végétales, mais trop riches en sel ou en mauvais gras, trop pauvres en vitamines naturelles, mais trop riches en additifs alimentaires et autres produits chimiques variés. Que nous est-il donc arrivé ?

Comment se fait-il que nos pratiques alimentaires, mais aussi la qualité des produits que nous ingurgitons, soient désormais reconnues comme responsables de phénomènes tels que le surpoids, le diabète, l'hypertension, les maladies cardiaques, et même, désormais, de près d'un quart des cancers ? Comment a-t-on fait pour en arriver là, et surtout, que faut-il faire pour en sortir ?

Mes chers collègues, nous parlons aujourd'hui d'un véritable enjeu de santé publique. C'est de notre santé qu'il s'agit, de celle de nos concitoyens, de celle de nos enfants. Il s'agit donc d'un sujet essentiel. Merci, monsieur le rapporteur, de nous permettre de l'aborder aujourd'hui ! Grâce à nos échanges, nous pourrons trouver des solutions ensemble.

Si nous savons encore passer du temps à table, nos modes de vie nous incitent, hélas ! à passer beaucoup moins de temps dans nos cuisines. Ces modes de vie nous incitent à privilégier la consommation de plats déjà préparés, truffés de produits transformés, voire ultra-transformés. La semaine dernière, des chercheurs français ont publié dans la revue de l'Association médicale américaine, la Journal of the American Medical Association, une grande étude sur les plats préparés et les aliments ultra-transformés. S'il est impossible, à ce stade, d'en tirer la conclusion d'un lien de cause à effet entre alimentation et santé, cette étude nous permet néanmoins d'avoir des suspicions fortes, et même très fortes, contre la malbouffe et les additifs industriels. Elle conclut qu'une augmentation de 10 % de la proportion d'aliments ultra-transformés correspondrait à une augmentation de 15 % de la mortalité.

L'arrivée sur le marché de produits surchargés de gras, de sucre, ou de sel, de produits ultra-transformés et de produits hyper-transformés bouleverse totalement l'histoire de l'alimentation humaine. Pourtant, avouons-le : ces produits sont tellement pratiques, et tellement attirants ! Ils sont conçus pour encourager notre consommation. Alors qu'ils n'existaient pas il y a seulement un siècle, ils représentent aujourd'hui la moitié du total des calories consommées dans les pays occidentaux. Malheureusement pour nous, ce qui plaît à notre cerveau n'est pas nécessairement bon pour notre santé. Alors, devons-nous poursuivre dans cette voie ou inciter ceux qui fabriquent ces produits à adopter des formules plus respectueuses de notre santé ? La réponse, qui peut sembler simple, est aussi complexe.

Nous devons non seulement permettre au consommateur d'acheter en parfaite connaissance de cause, mais aussi entraîner ceux qui fabriquent ces produits à adopter des pratiques nouvelles et vertueuses, tout en évitant d'imposer des mesures qui mettraient brutalement à mal des filières complètes sans même leur donner les moyens d'évoluer.

Lors des travaux de la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle, nous avons constaté que certains industriels étaient en train de muter et qu'ils retiraient volontairement de plus en plus de composants incriminés des recettes de leurs produits. Nous nous sommes aussi rendu compte que, de leur côté, les consommateurs étaient de plus en plus avertis et de plus en plus exigeants : ils réclament aux industriels toujours plus de transparence, et ils leur imposent de changer leurs pratiques.

Mes chers collègues, je veux croire que nos échanges permettront des avancées fortes s'agissant du message délivré aux industriels de l'agroalimentaire, mais aussi pragmatiques, afin qu'elles puissent être mises en oeuvre sans mettre en danger nos filières. Il est grand temps que nous n'ayons plus peur de manger ce que nous avons dans nos assiettes. Un titre de champion du monde, ça se mérite, mais, encore mieux, ça se conserve !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.