Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 21h30
Fonds de soutien à la création artistique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Cette proposition de loi présentée par Michel Larive part d'un constat que nous ne pouvons que partager et dénoncer : celui de la précarité dans laquelle vivent nombre d'artistes-auteurs dans notre pays. Elle met en lumière les difficultés sociales et financières auxquelles ils sont confrontés.

Je salue tout d'abord la volonté du groupe La France insoumise de soumettre à nos débats un texte de loi portant sur la culture, qui apparaît depuis plusieurs années comme l'angle mort de nos politiques publiques, pratiquement absente de nos débats. C'est à mon sens un symbole assez flagrant de toutes les politiques d'austérité que de voir la culture égratignée, puis rétrogradée au second plan des politiques publiques : je considère cela comme assez dramatique.

Cette proposition de loi souhaite instituer un fonds de soutien à la création artistique, en complément des dispositifs déjà existants qui peinent à apporter aux artistes un soutien suffisant. Elle propose d'aider les artistes-auteurs vivant dans la précarité en leur versant neuf mois de salaire minimum, sur une période de trois ans renouvelables. Cette aide pourrait intervenir à des moments clefs de la vie artistique : soit au début, lors de la première création, soit pendant la période de création, entre deux oeuvres.

Cette proposition de loi permet donc de mettre en évidence un problème majeur affectant les politiques publiques en faveur de la création : bien qu'il existe des fonds de soutien à la création artistique, et qu'ils soient même nombreux, leur fonctionnement est foin d'être optimal. Ils font même preuve d'une certaine inefficacité, il faut le dire. Ces fonds ne touchent en définitive que très peu d'artistes et ne permettent pas de réduire les inégalités sociales devant la création : ils n'aident que très peu d'auteurs à percer.

Le mécanisme de financement du fonds proposé consiste en la création d'une taxe de 1 % sur l'utilisation commerciale lucrative des oeuvres tombées dans le domaine public : c'est une logique que nous partageons, même si dans l'absolu cela revient, en définitive, à compenser un certain désengagement de l'État. Nous sommes donc ouverts, je le dis tout de suite, aux propositions sur le mécanisme de financement de ce fonds.

De manière plus générale, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait déjà alerté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, quant au déséquilibre budgétaire qui se creuse entre d'un côté l'éducation culturelle et l'accès à la culture et de l'autre l'aide à la création, alors qu'elle sont pourtant totalement imbriquées et liées.

Comme je l'ai indiqué précédemment, si cette proposition de loi constitue une réponse à une urgence sociale, aider les artistes en difficulté ne consiste pas simplement à aider des personnes : il s'agit de permettre de démultiplier les oeuvres et de donner les moyens de devenir artiste.

Soutenir la création, c'est créer mécaniquement une diffusion plus massive de l'art et améliorer son accessibilité comme sa démocratisation : en somme, pas de politique culturelle ambitieuse sans soutien fort à la création.

Je veux à mon tour rappeler quelques chiffres illustrant la précarité dont nous venons de parler : le revenu médian des auteurs du livre s'élève, comme vous l'avez rappelé, à 1,6 fois le SMIC, et 20 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Les auteurs dans le domaine des arts graphiques et les plasticiens et plasticiennes perçoivent pour la moitié d'entre eux moins de 8 700 euros par an. Un dessinateur ou une dessinatrice de bande dessinée sur deux perçoit en outre un revenu inférieur au SMIC, et 36 % vivent sous le seuil de pauvreté. Une femme auteure sur deux se trouve dans la même situation. Je ne peux m'empêcher de penser à ce moment à Emma, bédéiste célèbre qui a, avec un humour acerbe, placé la question de la charge mentale au sein du débat public.

Ces chiffres édifiants fournis par M. le rapporteur doivent nous alerter. Nous vivons en France un terrible paradoxe : comment expliquer que l'industrie créative y soit le troisième secteur économique alors que, dans le même temps, bon nombre d'artistes ne peuvent vivre de leur art et bon nombre de citoyens n'expérimentent pas les oeuvres ? Alors que ce secteur produit énormément de richesses, financières comme immatérielles, pour notre pays, comment pouvons-nous faire le choix de laisser les artistes vivre dans une telle précarité ?

Ce texte constitue à nos yeux une première réponse, car il cherche à s'attaquer à ce paradoxe. C'est pour cette raison que nous le soutenons. Au-delà de la création d'un fonds de soutien, ce texte nous fait nous interroger sur les droits et les moyens de créer accordés aux artistes dans notre société.

Faute d'aides suffisantes et efficaces, les minima sociaux représentent aujourd'hui le principal soutien à la création. Par exemple, l'aide exceptionnelle du Centre national des arts plastiques n'est que d'un montant de 1 000 euros, et, en 2017, 302 auteurs seulement ont bénéficié des aides du Centre national du livre. Seuls 19 artistes plasticiens ont reçu une aide au soutien à la création du Centre national des arts plastiques en 2018.

Les minima sociaux se substituent donc à ces aides, en réalité peu nombreuses et insuffisantes, ce qui n'est évidemment pas leur vocation : il serait grand temps de mettre en oeuvre des dispositifs spécifiquement dédiés aux artistes.

Afin de soutenir la création artistique, nous nous sommes saisis de cette proposition de loi et avons déposé un amendement proposant l'institution d'un droit de présentation : il s'agit d'une revendication de longue date des artistes plasticiens. Un tel droit permet à un artiste, lorsqu'il est exposé dans un but non lucratif, de laisser l'organisme qui l'expose supporter tous les frais afférents à l'installation des oeuvres présentées. Il paraît quand même assez incroyable qu'un artiste qui expose à des fins non lucratives se voie contraint de payer pour exposer !

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