Je ferai certainement moins bien que mon auguste collègue directeur du service d'infrastructure de la défense (SID), dans le style du moins, car je n'ai pas de petit film introductif !
Je vous remercie de m'accueillir et de me donner l'occasion de vous présenter le SCA tel qu'il est aujourd'hui, ainsi que les évolutions profondes qu'il connaîtra dans les années à venir. Vous l'avez rappelé, c'est un honneur qu'avait déjà connu avant moi le commissaire général Coffin, mon prédécesseur, qui avait dressé en novembre 2014 devant cette commission un premier bilan de la réforme des soutiens et du rôle du commissariat des armées. Dans la continuité de ce qui vous avait été alors présenté, mon objectif est de dresser un nouveau bilan de l'action de ce service et de vous exposer les actions engagées pour qu'il réponde mieux encore aux exigences d'une administration moderne et aux impératifs du soutien des forces armées, en temps de paix comme en opération. Ma présentation cherchera à répondre à quatre questions. Qu'est-ce que le SCA ? Pourquoi engager un projet de transformation ? Quel est le contenu de ce projet ? Quels sont les facteurs clés de succès de cette transformation ?
Permettez-moi tout d'abord de vous décrire brièvement le commissariat des armées, ses missions et les moyens dont il dispose. Produit de l'« interarmisation » des services engagée depuis les années 1960 et qui s'est poursuivie encore récemment avec la création de la direction de la maintenance aéronautique, le SCA est né le 1er janvier 2010 de la fusion des trois commissariats historiques d'armées. Malgré sa jeunesse, il est ancré dans l'Histoire. Mise en place des commissaires des guerres par Jean II le Bon en 1351, création des intendants de la marine par Colbert en 1663, naissance du commissariat de l'air en 1947 : bien que désormais interarmées, le commissariat porte encore fortement les héritages de ces commissariats historiques, dans son identité comme dans son engagement derrière les forces.
De manière un peu réductrice, et pour simplifier, la mission du SCA recouvre aujourd'hui trois grands domaines d'activité : un domaine régalien avec les missions traditionnelles des commissaires des armées comme la solde, les achats, la finance, l'administration du personnel ou encore l'expertise juridique ; un domaine logistique regroupant la fonction de transport, le matériel de campagne, l'habillement et l'équipement du combattant ; un domaine multiservices comprenant la restauration, l'hébergement et l'hôtellerie ainsi que le fonctionnement courant des bases de défense.
Le défi du SCA consiste à exercer ses responsabilités selon trois axes qui peuvent parfois sembler contradictoires. Le premier axe est, bien sûr, opérationnel. Il s'agit d'assurer prioritairement toutes les missions que j'ai décrites au profit des forces en opération, en métropole comme outre-mer et à l'étranger. Cela implique d'être résilient et d'entretenir en permanence les savoir-faire opérationnels de nos personnels. Le deuxième axe est celui de la qualité de service. Le commissariat est certainement le service qui a le plus d'impact sur la vie quotidienne des personnels du ministère. C'est un acteur important du moral des militaires à travers les prestations qu'il délivre. À ce titre, il est un vecteur important de la dimension « à hauteur d'homme » de la loi de programmation militaire (LPM). Le troisième axe est celui de la performance économique. Dans des activités à caractère souvent dual, cette performance est une attente légitime exprimée plus particulièrement par la Cour des comptes. Toute la complexité du pilotage du commissariat réside aujourd'hui dans sa capacité à apporter une réponse satisfaisante à chacun de ces objectifs suivants, sans en compromettre un seul : réussite des opérations, qualité client et performance économique.
Pour remplir ses missions, le commissariat des armées emploie plus de 24 000 personnes. C'est donc une structure importante, composée à quasi-parité de civils et de militaires. Avec 11 000 civils, le SCA est le premier employeur de personnel civil du ministère. Les 13 000 militaires qui y servent viennent de tous les horizons : l'armée de terre fournit un peu plus de 7 000 hommes, l'armée de l'air, un peu plus de 3 000, et la marine nationale, 2 000. Ces 24 000 personnes se répartissent dans une centaine d'organismes, dont cinquante-quatre groupements de soutien de bases de défense (GSBdD) chargés du soutien sur le terrain.
Les moyens financiers dont dispose le Commissariat sont importants. Le SCA est responsable de quatre unités opérationnelles dans le domaine budgétaire. À ce titre, ce sont plus de 500 millions d'euros annuels qui lui sont confiés en propre, dont 230 millions au titre de l'habillement et 190 millions pour l'alimentation. L'empreinte financière du commissariat est tout aussi forte. Au seul titre de la solde des militaires, il exécute 23 milliards d'euros de dépenses.
Enfin, si l'administration militaire s'incarne dans un service – le commissariat des armées –, elle repose aussi au quotidien sur un corps d'experts de haut niveau, celui des commissaires des armées. Créé en 2013, celui-ci rassemble les corps historiques de commissaires des trois armées et plusieurs corps techniques et administratifs, dont ceux de la santé et de l'armement. Il compte environ 1 800 officiers, dont 40 % servent dans le service. Ce corps est en bonne santé et je suis particulièrement heureux de la vitesse à laquelle une cohésion et une culture commune se sont mises en place, tout en préservant un lien fort avec les différents milieux et ancrages d'armée.
Pourquoi engager un projet de transformation ? Lorsque j'ai pris mes fonctions voilà plus de deux ans, j'ai dressé un bilan d'entrée qui m'a permis de constater les forces de ce service, notamment son aptitude à répondre aux enjeux opérationnels et sa forte professionnalisation, mais aussi les difficultés lourdes auxquelles il était confronté. La première d'entre elles est sans conteste la tension sur les ressources humaines, causée par les déflations lourdes et continues subies depuis dix ans – environ 30 % des effectifs, soit près de 9 000 postes supprimés –, exacerbée par une remontée des effectifs à soutenir depuis 2015. C'est ce que l'on appelle l'effet ciseau, qui a été destructeur pour le moral de mes collaborateurs et qui a fortement touché les capacités du SCA.
Mon deuxième constat a été celui d'une sous-capitalisation chronique du commissariat, c'est-à-dire d'un manque d'investissement dans nos infrastructures et nos équipements, ainsi que d'une insuffisante modernisation de nos outils et de nos processus qui, pour certains, datent de mon entrée dans l'armée – il y a environ 34 ans…
La combinaison de ces facteurs n'a pas été favorable à la modernisation et à l'amélioration de la qualité du soutien, ce dernier ayant globalement été maintenu à niveau par le professionnalisme et l'engagement des personnels, visant toujours en priorité la satisfaction des besoins opérationnels.
Enfin, j'ai constaté qu'un sentiment d'éloignement entre le monde du soutien et celui des forces était en train de s'installer à la suite des réformes de 2010, fragilisant notre relation avec les armées et créant parfois des tensions ou des incompréhensions inutiles.
Le statu quo n'était donc pas possible. C'est pourquoi, après un travail préparatoire de dix-huit mois associant l'ensemble des acteurs du ministère, la ministre des Armées a décidé, en décembre dernier, d'engager un projet de transformation ambitieux du commissariat des armées, baptisé SCA 22. Ce projet est centré sur deux objectifs très simples : renforcer le soutien de proximité au profit des forces ; moderniser et améliorer la qualité du soutien délivré à nos militaires.
J'en viens au contenu de ce projet de transformation. Son premier objectif, je l'ai dit, est le renforcement du soutien de proximité au profit des forces. Son atteinte passera par l'imbrication plus forte du commissariat avec chaque unité opérationnelle – régiment, base aérienne ou aéronavale – et par une offre de service plus proche de chaque administré. Concrètement, cela consistera à créer dès 2020 des « pôles commissariat » au sein de chaque groupement de soutien de base de défense. Ces pôles, dirigés par des officiers ou équivalents, seront totalement dédiés à l'appui des unités soutenues. Ils vivront à leur rythme et en lien constant avec leur commandement. L'efficacité de leur action reposera sur leur adossement à la structure commissariat, en premier lieu celle du groupement de soutien. Trois GSBdD expérimentent ce dispositif depuis l'été dernier, à la très grande satisfaction des unités soutenues, comme ont pu le constater les trois chefs d'état-major d'armée et le chef d'état-major des armées lors d'une récente visite il y a quinze jours sur la base de défense (BdD) de Bordeaux.
Au sein de ces pôles, des espaces multiservices baptisés Atlas sont installés à proximité des lieux de travail des soutenus. Ces espaces constituent un point d'accueil, de service et d'accompagnement sur une vaste palette de prestations et démarches administratives, allant de la solde à l'habillement, aux changements de résidence, au renouvellement de passeports ou encore aux loisirs. Le catalogue est large, avec vingt-trois prestations, adaptées aux différents milieux et à la nature des bénéficiaires – forces de Sentinelle, familles, etc. Une vingtaine d'espaces Atlas ont été ouverts. Ils ont, là encore, donné toute satisfaction. Une centaine d'espaces Atlas seront opérationnels dès la fin de cette année, avec une cible de 200 à horizon 2021. Le modèle qui sera appliqué dès l'année prochaine comprendra donc quarante-cinq GSBdD, soit un par base de défense, 110 pôles commissariat en regard des grandes unités des trois armées et 200 espaces multiservices Atlas sur les principaux sites de nos emprises militaires.
Le deuxième objectif, la modernisation et l'amélioration de la qualité du soutien délivré à nos militaires, concerne l'ensemble des fonctions assurées par le SCA. À l'aide des trois leviers majeurs que sont la digitalisation, la rationalisation et l'externalisation, il vise à produire au plus tôt des résultats concrets au profit de nos administrés, et à me permettre de redéployer en interne des effectifs dégagés par une productivité accrue.
Trois chantiers majeurs mobilisent fortement le commissariat et concernent des fonctions qui ont eu à souffrir des réformes passées. Le premier, méritant un temps d'arrêt, est celui de l'habillement dont les fragilités et les insuffisances actuelles créent, et à juste titre, un mécontentement dans les armées. Les difficultés ne datent pas d'aujourd'hui. Elles sont structurelles et résultent de la conjonction de plusieurs facteurs : absence de système d'information logistique de bout en bout, tissu industriel fragile et peu réactif, gamme encore trop large d'articles et de références, règles de gestion complexes. L'option de l'externalisation de cette fonction a été écartée en 2013 au profit d'une modernisation du dispositif en régie. L'année 2019 devrait être marquée par la mise en oeuvre de cette modernisation, avec l'ouverture dès le mois prochain d'un entrepôt logistique ultramoderne à Châtres, suivie de la généralisation de la distribution par correspondance accessible par internet qui débutera en juin par l'armée de l'air. Ces actions seront combinées avec une rénovation en profondeur de la stratégie d'approvisionnement en lien avec nos fournisseurs et à une rationalisation des règles de gestion et de dotation en lien avec l'état-major des armées et les armées. Je voudrais, enfin, relativiser les difficultés rencontrées car aujourd'hui, après les efforts consentis en 2018, l'équipement de nos militaires en opérations non seulement ne pose plus de difficulté, mais bénéficie de l'arrivée de nouveaux matériels de haute technicité comme le treillis F3 et le système modulaire balistique de nouvelle génération.
Le deuxième chantier est celui de la restauration. Les fortes déflations d'effectifs enregistrées dans ce secteur, la moyenne d'âge élevée de son personnel ainsi que la dégradation des infrastructures et des matériels imposaient des décisions rapides pour remettre à niveau une fonction durement éprouvée et pourtant centrale pour la condition du personnel. Pour répondre à cette exigence, la ministre des Armées a décidé d'externaliser une partie de cette fonction à l'économat des armées (Eda) en lui confiant l'exploitation de soixante-treize restaurants, soit un quart des restaurants de métropole actuellement opérés par le SCA. Cette concession à l'Eda, établissement public sous tutelle du ministère, permettra de moderniser la fonction, sans remettre en cause son aptitude opérationnelle au soutien des forces. L'Eda conservera la direction des restaurants et la maîtrise des approvisionnements, mais sous-traitera la production comme c'est déjà le cas sur certains sites. Cette concession sera réalisée de manière progressive entre 2020 et 2025. Elle constituera, grâce à la capacité d'investissement de l'économat, un levier d'accélération de la modernisation de la fonction et améliorera les conditions de travail à court terme par un renouvellement rapide du matériel de restauration et une remise à niveau des infrastructures. Elle permettra, enfin, un redéploiement d'effectifs au profit des restaurants que le SCA continuera d'opérer directement en régie.
Je ne terminerai pas ce tour d'horizon des chantiers de modernisation mis en oeuvre par le commissariat des armées sans évoquer celui de la solde. Mon service porte en grande partie la responsabilité de la bascule du système Louvois vers le système Source Solde. L'échec n'est pas permis. Il détruirait pour longtemps toute confiance de nos militaires dans leur administration. Les travaux de fiabilisation menés depuis 2015 sur ce projet majeur, ainsi que ceux consentis pour stabiliser le calculateur Louvois, garantissent la robustesse retrouvée de notre chaîne solde. Le prélèvement à la source sur la solde des militaires, instauré en janvier sans incident majeur, en atteste également.
Quels sont les facteurs clés de succès de cette transformation ? Plusieurs facteurs m'incitent à être raisonnablement confiant dans la réussite de ce projet. Le premier est que, pour la première fois depuis 2010, nous engageons une réforme qui ne vise pas à réduire les effectifs mais à améliorer le fonctionnement du service au profit tant des administrés que des administrants. La ministre a en effet décidé en décembre d'arrêter toute forme de réduction d'effectifs au sein du commissariat, estimant que les efforts demandés à ce dernier avaient été au-delà du raisonnable.
Le deuxième facteur favorable est que nous disposons, avec la LPM, des moyens nécessaires à la transformation du SCA et des prestations qu'il délivre.
Je voudrais également souligner l'appui fort de la chaîne de responsabilité sur ce projet : la ministre bien sûr, mais aussi le chef d'état-major des armées, le secrétaire général pour l'administration et les trois chefs d'état-major d'armée.
Enfin, nous déroulons ce projet sur un calendrier raisonnable. Comme je vous l'ai indiqué, les travaux ont été engagés il y a dix-huit mois. Nous avons eu le temps d'analyser, d'écouter, d'expérimenter et de préparer la manoeuvre qui sera jouée à compter de 2020.
Il convient cependant de rester vigilant sur deux points importants. En premier lieu, le succès de cette transformation reposera essentiellement sur la manière dont la manoeuvre sera conduite en matière de ressources humaines (RH). L'exercice sera délicat dans le contexte de fragilité et de tension que je viens d'évoquer. Si l'encadrement supérieur du service adhère sans réserve à ce projet, son acceptabilité par la base reposera en grande partie sur la capacité de mes chefs d'organismes à convaincre et entraîner. Nous les y avons préparés. De même, nous leur laisserons de vraies marges de manoeuvre pour adapter localement le modèle aux milieux et aux missions et faire participer les acteurs de terrain à l'évolution de leur cadre de travail. En second lieu, la dette physique accumulée de longue date dans le domaine de l'infrastructure, de l'ordre de 600 millions d'euros pour la seule restauration, ne pourra être comblée par le seul effet de la programmation budgétaire. La prise en compte d'une partie de cette dette à travers les mécanismes de l'externalisation est à cet égard un enjeu majeur.
En conclusion, vous l'aurez compris, nous engageons dans le domaine de l'administration militaire et du soutien commun une transformation d'ampleur, probablement la plus importante depuis 2010. Elle est indispensable au bon fonctionnement de nos armées et c'est précisément ce qui lui donne du sens. Je suis confiant dans la réussite de ce projet car les principales conditions me semblent réunies.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre à vos questions.