Intervention de Cendra Motin

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCendra Motin :

Par cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, vous nous proposez le rétablissement de l'ISF dans sa dernière forme connue et une révision du barème de l'IR afin de le rendre plus progressif.

Vous nous offrez à cette occasion la possibilité de débattre du sens de l'impôt. Vous rappelez avec raison que le consentement à l'impôt est l'un des piliers de notre Constitution et qu'il convient de se demander comment nous pouvons parvenir à rendre cet impôt plus acceptable. En l'espèce, il me semble que vous nous invitez à nous poser la question suivante : le consentement de l'impôt repose-t-il sur sa dimension symbolique ou sur son efficacité et sur une plus juste répartition de l'effort demandé à chacun ? Nous n'épuiserons sans doute pas aujourd'hui ce débat, la question est vaste et, surtout, les Français sont en train de se la poser collectivement, depuis un mois et encore pour quelques semaines, dans le cadre du grand débat national.

Pour notre part, nous apporterons la contradiction à partir de quelques éléments qui nous semblent essentiels.

Tout d'abord, le rétablissement pur et simple à l'ISF tel qu'il existait avant sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI) n'est pas satisfaisant. Vous l'écrivez vous-même dans l'exposé des motifs. Avec cette version de l'ISF, à laquelle de grandes fortunes échappaient, vous manquez effectivement votre objectif de fiscaliser les plus gros patrimoines.

De plus, un tel rétablissement de l'ISF serait un très important signe d'instabilité fiscale. La transformation de l'ISF en IFI a à peine un an ! Au-delà même des changements de comportement que cette transformation a pu induire, que nous connaîtrons une fois qu'elle aura été évaluée, l'instabilité fiscale peut, nous le savons, inciter les plus mobiles, souvent les plus riches, à chercher à échapper à une fiscalité qu'ils jugent trop fortes. Dès lors, le rétablissement de l'ISF nous exposerait au risque de reperdre les recettes directes ou indirectes que nous procurent ces personnes.

Le produit de l'ISF ne serait pas non plus de nature à permettre des politiques publiques très ambitieuses ni un rétablissement de nos finances publiques. D'ailleurs, ne plus avoir cet ISF ne nous a pas empêchés d'agir et de mener des politiques publiques très fortes en faveur des plus défavorisés, avec un plan pauvreté d'un montant de 4,5, milliards d'euros, ou de la formation, avec 2,5 milliards d'euros pour la formation des jeunes et des seniors, publics fragiles victimes du chômage. Cela ne nous a pas non plus empêchés d'exonérer de la taxe d'habitation 80 % des Français. Finalement, nous parvenons à redonner du pouvoir d'achat aux Français qui en ont le plus besoin, et ce pour un montant trois fois plus élevé que le produit de l'ISF.

Vous proposez également de rendre le barème de l'impôt sur le revenu plus progressif, avec une meilleure répartition de l'effort fiscal entre tous les Français, objectif auquel nous souscrivons : c'est ce que demandent les Français. Cependant, avec un montant de 12 milliards d'euros, soit trois fois ce que pouvait rapporter l'ISF, ce que vous proposez est beaucoup trop coûteux pour nos finances publiques.

Si la progressivité de l'IR peut être discutée, son caractère redistributif n'est pas en cause. Nous prendrons donc votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, comme une véritable proposition de réflexion dans le cadre du grand débat. Cependant, vous comprendrez que nous ne puissions voter en sa faveur aujourd'hui.

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