Intervention de Charles de Courson

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

La proposition de loi est apparemment populaire, puisque 77 % de nos concitoyens sont pour le rétablissement de l'ISF. On peut s'étonner que 23 % soient contre, car seuls 1 % des contribuables le payaient : 22 % s'opposent donc à cette mesure pour des raisons de fond sur lesquelles je voudrais revenir.

Autre observation, l'exposé des motifs ne comporte aucune analyse internationale. C'est quand même assez curieux : nous sommes dans un monde ouvert où il existe une liberté de circulation des capitaux. Par ailleurs, le rapporteur n'a pas évoqué la question, toute simple, de savoir pourquoi tous les pays, sauf la France, ont supprimé leur impôt sur le capital, les derniers à l'avoir fait ayant été, me semble-t-il, les Allemands, à la suite d'une décision de leur Cour constitutionnelle.

Cet impôt est une puissante machine à détruire le tissu des PME et à accentuer la concentration économique au profit de monopoles ou d'oligopoles. Il est assez surprenant qu'un éminent membre du parti communiste plaide pour le rétablissement d'un impôt qui entraînerait une hyperconcentration du grand capital. J'avais cru comprendre que ce parti s'était converti à l'idée qu'il faut encourager et maintenir le tissu des PME et des ETI.

L'ISF, dans son ancienne formule, que vous voulez rétablir à l'identique, est-il un impôt juste ? La réponse est négative.

À la suite de négociations entre André Bettencourt et François Mitterrand, on a inventé l'exonération de l'outil de travail afin que Liliane Bettencourt soit exonérée sur la quasi-totalité de sa fortune, avec un certain nombre d'autres personnes. Votre texte rétablirait l'exonération pour les grandes fortunes.

Vous ne l'avez pas dit, mais je rappelle que sur les cinquante plus grandes fortunes françaises du temps de l'ISF, onze ne payaient rien, dont Liliane Bettencourt, première fortune du pays, et que les trente-neuf autres payaient à peine 10 %. Comment ? En raison d'un problème, effleuré par l'exposé des motifs, qui est la défense du droit de propriété par le Conseil constitutionnel.

Ce dernier estime en effet qu'au-delà de 70 %, pour faire simple – le chiffre n'a jamais été précisé –, la somme de l'ISF, de l'IR, de la CSG et des impôts fonciers ne peut pas aller au-delà de 70 %, en taux marginal. On peut être pour ou contre, mais c'est la position du Conseil constitutionnel.

Qu'ont fait les onze plus grandes fortunes françaises pour échapper totalement à l'ISF ? C'est très simple : on constitue une société holding familiale et on ne distribue rien, mais on vend de temps en temps quelques actifs. Par conséquent, il s'agit d'un impôt fondamentalement injuste.

Le problème, avec la contrainte constitutionnelle que je viens d'évoquer, est que votre proposition concernant l'ISF et visant à augmenter de 5 points le taux marginal de l'IR, outre la question du nombre de tranches, est vraiment très « limite ». Il faut veiller à l'articulation entre l'IR, l'impôt sur la détention de patrimoine et celui sur sa transmission, c'est-à-dire les droits de succession. Or vous ne le faites pas. Je pense que si l'on devait un jour rétablir un impôt sur le patrimoine, ou plus exactement sur les valeurs mobilières – il reste l'IFI –, c'est cela qu'il faudrait faire. On doit rendre l'impôt sur le capital déductible des droits de succession.

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