Le groupe Socialiste et apparentés souscrit, sur le fond, à l'esprit de cette proposition de loi. Il est nécessaire que les élus soient exemplaires et que soient appliquées à ceux qui ne le seraient pas des sanctions telles que personne ne puisse laisser entendre qu'il y aurait, dans ce pays, une justice à deux vitesses. Or, ce sentiment est encore beaucoup trop partagé par un certain nombre de nos concitoyens et accrédite l'idée d'une caste politique organisée pour s'auto-protéger et qui serait au-dessus des lois, tandis que le peuple serait jugé avec beaucoup moins de clémence. Il faut se méfier d'un tel sentiment qui ne correspond pas toujours à la réalité. De fait, plusieurs collègues ont rappelé combien le cadre législatif avait évolué favorablement. Pourtant, c'est indéniable, ce sentiment subsiste, nourrit le rejet des représentants et alimente un antiparlementarisme qui rejaillit sur une bonne partie des élus.
Il nous incombe d'être exemplaires et d'exiger de la justice qu'elle le soit également dans ses jugements à l'égard des élus qui ne l'ont pas été dans l'exercice de leur mandat. Nous devons rappeler une réalité méconnue : les lois relatives à la transparence de la vie publique ont considérablement amélioré le pouvoir de contrôle et imposé aux élus des règles strictes, au respect desquelles veille la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
L'enjeu est bien l'égalité. Mais si aucun élu n'est au-dessus des lois, aucun élu ne doit être au-dessous des lois. Or, si nous créons en quelque sorte une justice d'exception pour les élus – nous n'en sommes pas loin –, nous accréditons l'idée d'une justice à deux vitesses, et rien ne dit que certains ne réclameront pas, demain, une justice adaptée pour les patrons qui auraient fauté, pour les fonctionnaires qui auraient fauté, pour les banquiers qui auraient fauté ! Bien entendu, nous devons combattre sans ambiguïté tout privilège qu'un élu pourrait tirer de son statut, mais celui-ci ne saurait constituer une circonstance aggravante. Nous devons prévoir toutes les garanties nécessaires pour que la justice prononce les justes sanctions contre les élus qui auraient commis des fautes, mais nous ne devons pas céder à l'air du temps. Il serait dangereux d'imaginer que certains citoyens soient tenus à une exemplarité d'exception qui relèverait d'une justice d'exception.
Aussi, plutôt que d'intervenir sur le terrain pénal, cette proposition de loi aurait-elle pu s'inscrire dans le champ électoral et s'attacher à définir les conditions d'éligibilité de tout citoyen. En effet, la véritable mesure de justice, celle qui serait intelligible pour la plupart de nos concitoyens et que de nombreux Français plébiscitent, consisterait, nous semble-t-il, à exiger des élus un casier judiciaire vierge. Le groupe Socialistes et apparentés a défendu cette mesure à plusieurs reprises, notamment lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans la vie politique. En effet, pour accéder à près de quatre cents métiers, il faut n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Pourquoi cette exigence ne s'imposerait-elle pas à tout citoyen qui veut briguer une fonction élective ? C'était une promesse du Président de la République mais la majorité a finalement revu sa position sur ce point. Il est d'autant plus regrettable, monsieur le rapporteur, que vous n'ayez pas choisi de rouvrir ce débat qu'une telle mesure ne peut être proposée par voie d'amendement car les conditions d'éligibilité relèvent d'une loi organique.
Pour ces différentes raisons et bien que nous partagions sur le fond votre intention, nous nous abstiendrons lors du vote sur votre proposition de loi.