Intervention de Roland Courteau

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 11h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Roland Courteau, sénateur, vice-président, rapporteur :

– Je remercie les intervenants de leur présence.

Le rapport que j'ai présenté en 2007 portait sur l'évaluation de la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises, en métropole et outre-mer. La diminution de la vulnérabilité des sociétés au risque de tsunami dépendait de l'instauration d'un système perfectionné d'alerte.

Les événements qui ont eu lieu en Grèce et en Turquie, en 2017, nous rappellent que des tsunamis frappent cette région du monde. Dans le Pacifique, au Chili et au Japon en 2011, et en Indonésie en 2018, des tsunamis ont provoqué des milliers de morts.

Des catastrophes graves peuvent aussi survenir plus près de nous. Pour s'en rendre compte, il faut remonter un peu plus loin dans le temps. En Méditerranée, en 1908, le séisme de Messine a provoqué un tsunami qui a fait plus de 10 000 victimes. Précédemment, en 1755, le séisme de Lisbonne a occasionné un tsunami meurtrier, qui a affecté les Antilles et l'Irlande. En 1887, un tsunami a déferlé sur la Côte d'Azur. Il n'avait fait que quelques centaines de victimes, mais à cette époque-là, il y avait peu de touristes ou de plaisanciers ; la même catastrophe emporterait, aujourd'hui, des milliers de personnes.

Par ailleurs, l'effondrement du Krakatoa en décembre dernier nous rappelle que les éruptions volcaniques risquent d'induire des tsunamis meurtriers. Or nous connaissons des éruptions près de nos côtes : en Italie, avec le Stromboli, en Grèce sur l'archipel de Santorin, ainsi qu'à Montserrat à la fin des années 1990 et dans les années 2000. Là où il y a eu des tsunamis consécutifs à des séismes, à des glissements de terrain sous-marins ou à des éruptions volcaniques, il y en aura d'autres, demain.

Voilà pourquoi, au lendemain du tsunami de Sumatra, l'Office m'a chargé de réaliser un rapport sur ce risque en Méditerranée et sur les bassins où la France est présente, au travers de ses départements et territoires d'outre-mer. J'y soulignais que l'opinion publique n'acceptait plus que les populations ne soient pas protégées lorsqu'un dispositif d'alerte peut être instauré et sauver des vies humaines.

J'ai donc fait des propositions globales, ainsi que des recommandations spécifiques par bassin, afin que la France instaure rapidement un centre national d'alerte aux tsunamis en Méditerranée et Atlantique Nord-Est, ainsi que dans trois autres Bassins : les Caraïbes, le Pacifique et l'océan Indien.

Nos 10 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) répartis dans tous les océans soulignent notre vulnérabilité face au risque de tsunami. Le risque zéro n'existe pas, mais un système d'alerte peut réduire considérablement le nombre de pertes de vies humaines, à condition que la chaîne d'information et de décisions fonctionne avec rapidité, de bout en bout et arrive jusqu'aux populations.

Le Centre national d'alerte aux tsunamis (Cenalt), qui couvre la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est, est pleinement opérationnel depuis juillet 2012. Nous pouvons nous en féliciter ; il s'agit là d'une avancée majeure. J'avais suggéré qu'il soit géré par le CEA ; c'est le cas.

L'alerte montante fonctionne bien : j'ai pu le vérifier, lors d'une visite du Cenalt. Je m'interroge toutefois sur l'articulation entre celle-ci et l'alerte descendante. En d'autres termes, comment s'assurer que les populations sont alertées après le lancement d'une alerte au tsunami par le Cenalt ? La chaîne fonctionne-t-elle de bout en bout ? Quel est le rôle du Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic) ? Où se situe la limite de l'alerte montante ?

Si l'on considère la gestion de cette alerte au niveau national, est-ce qu'un comité de pilotage est en place ? Dans le cas contraire, il serait intéressant de savoir qui gère les systèmes d'alerte pour la métropole, les Antilles, Wallis-et-Futuna, La Réunion ou, encore, Mayotte.

À partir du moment où l'alerte fait état de l'arrivée d'un tsunami, dans quelles conditions et dans quels délais cette information parvient-elle aux populations via l'alerte descendante ? Il ne faudrait pas que la vague arrive avant l'alerte. Un tsunami provenant du large des côtes d'Afrique du Nord mettrait moins d'une heure pour arriver, sans parler des tsunamis locaux, qui peuvent survenir en quelques minutes.

Quels résultats les modélisations et les exercices de simulation ont-ils donné ? Quelles difficultés ont-ils soulevé ? Y a-t-il eu des problèmes dans les transmissions entre le Cenalt et le Cogic ? Quelles pistes d'amélioration ont été retenues ? Les délais de réaction étant très courts, aucune place ne peut être laissée à l'improvisation ou à la perte de temps.

Quels moyens sont mis en oeuvre localement pour alerter les populations ? A-t-on évalué la nécessité d'installer des sirènes ? Les populations sont-elles sensibilisées à ce type d'événements ? Savent-elles ce qu'il y a lieu de faire et de ne pas faire en cas d'alerte ? Les acteurs locaux – préfectures, élus, autorités portuaires – sont-ils impliqués dans la mise en place des campagnes de sensibilisation ? Ne faudrait-il pas multiplier, dans les zones exposées, conférences, expositions, reportages, émissions scientifiques ? Où en est-on des cartes d'inondation et d'évacuation dans les zones les plus exposées ? Y a-t-il des exercices d'entraînement d'un bout à l'autre de la chaîne de décision, pour tester l'efficacité du dispositif d'alerte ? Faut-il intégrer le risque tsunami dans une logique multirisque ?

Concernant l'outre-mer, y a-t-il des centres d'alerte opérationnels aux Antilles et à la Réunion ? Je n'ai rien vu lors de mon déplacement en Martinique. Certes, Météo France avait été désigné comme point focal pour les Antilles et La Réunion, en attendant que le Cenalt soit opérationnel, mais Météo France n'a pas l'expertise du Cenalt en matière de tsunami. Ne faudrait-il donc pas demander à ce centre de couvrir ces deux zones ?

J'ai noté que les critères d'alerte pour La Réunion et pour Wallis-et-Futuna ou la Polynésie française sont différents de ceux qui sont utilisés à l'échelon international, donc les décisions risqueraient d'être très peu adaptées à la menace.

Le CEA a mis en place au Cenalt des outils logiciels et un opérateur expert, disponible vingt-quatre heures par jour et sept jours par semaine, mais la connexion aux données des stations de l'océan Indien et des Caraïbes n'est pas en place. Peut-on envisager que cette responsabilité soit donnée au CEA et que le Cenalt puisse gérer les alertes dans ces régions ?

Autant de questions qui font suite à mes recommandations d'il y a dix ans et qui justifient notre audition publique ce matin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.