Intervention de François Schindelé

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 11h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

François Schindelé, coordonnateur du Centre national d'alerte aux tsunamis (Cenalt) :

– Le Cenalt est piloté par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Il est coordonné scientifiquement par le CEA. J'ajoute que le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et le CNRS y contribuent.

Ce centre a été conçu conformément au calendrier défini par l'État en 2009, et comprend toutes les composantes prévues. Il est devenu opérationnel le 1er juillet 2012 et il a fonctionné vingt-quatre heures par jour et sept jours par semaine depuis lors. Pour assurer la permanence, sept analystes des données sismologiques et de mesure du niveau de la mer se relaient en trois-huit.

Le séisme de magnitude 9,2 du 26 décembre 2004, au nord de Sumatra – inattendu dans cette région –, provoqua un tsunami puissant qui toucha tout l'océan Indien, provoquant plus de 230 000 victimes.

Auparavant, seul le Pacifique était surveillé, car cet océan avait été frappé par des tsunamis catastrophiques entre 1946 et 1964. Le CEA assure l'alerte pour la Polynésie française depuis les années 1960 par l'intermédiaire du Centre polynésien de prévention des tsunamis.

En janvier 2005, l'Unesco a été mandatée par les Nations unies pour coordonner la mise en place d'un tel système dans l'océan Indien. Les États membres ont établi trois groupes de coordination, pour l'océan Indien, pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, et pour les Caraïbes, afin de limiter toute nouvelle catastrophe. En 2009, le gouvernement français a créé le Cenalt, qui a une vocation internationale, pour surveiller et alerter sur deux zones : la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est.

Le risque de tsunami dans cette région est conséquent. Les derniers événements majeurs datent de 1755 à Lisbonne, avec plus de 10 000 victimes, de 1908 à Messine en Italie, où séisme et tsunami ont causé autant de victimes, et de 2003, avec le séisme de Boumerdès, qui avait déclenché un tsunami en Méditerranée occidentale, ce qui a causé de nombreux dégâts à plus de 200 embarcations aux Baléares – certaines ont coulé, d'autres ont été détruites – et quelques-uns dans huit ports français, avec de très forts courants qui ont duré plusieurs heures. Le tsunami s'était propagé très rapidement et a atteint les Baléares en 40 minutes et les côtes françaises en 70 à 75 minutes. Comme les ondes sismiques sont encore beaucoup plus rapides et parcourent cette distance en moins de trois minutes, cela permet d'élaborer une détection précoce des tsunamis.

Le mandat du Cenalt est d'assurer l'alerte montante, qui consiste à envoyer en moins de quinze minutes après l'occurrence du séisme le premier message aux autorités nationales de sécurité civile et aux points focaux et centres d'alerte étrangers. Le CEA a conçu et mis en place ce centre, les systèmes de transmission en temps réel des données, les logiciels de traitement automatique et interactif de dissémination des messages d'alerte via le système mondial de télécommunication de l'organisation météorologique mondiale.

Deux réseaux de surveillance sont utilisés : le réseau sismique français, pour détecter les tremblements de terre, et les réseaux étrangers de la région Atlantique Nord-Est et Méditerranée. On utilise aussi les réseaux de mesure du niveau de la mer. Le réseau sismique français comprend des stations du CEA, ainsi que celles du CNRS que le CEA a équipées de transmissions par satellite.

La France est équipée de 41 stations de mesure en temps réel du niveau de la mer. Ces stations permettent de mesurer tout phénomène qui modifie le niveau de la mer, de la houle à la marée en passant par les tsunamis et les zones de tempêtes qui peuvent déclencher différents types de submersion marine.

Les pays voisins ont également développé un réseau de mesure du niveau de la mer, avec une trentaine de stations aux Baléares et en Espagne, autant en Italie et une quinzaine au Portugal. Les données de plus d'une centaine de stations sismiques sont disponibles pour surveiller la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est. Une quarantaine est celles d'instituts de sismologie voisins – Espagne, Italie, Portugal, Allemagne et Tunisie – et une trentaine, celles du système de surveillance international de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

Ce même système de télécommunication robuste permet d'envoyer des messages d'alerte via un terminal à Météo France. Ainsi, la France finance des moyens de télécommunication qui permettent de recueillir les données continues sismiques et marégraphiques en temps réel. Les critères d'alerte sont essentiellement basés sur la position de l'épicentre du séisme – en mer ou proche de la côte – ainsi que sur la magnitude de l'événement. Un outil, appelé matrice de décision, a été établi par le Groupe intergouvernemental de coordination de l'Unesco. Le CEA et le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) participent très activement aux travaux de ce groupe depuis son établissement en 2005, du fait de l'occurrence fréquente de tsunamis en Méditerranée orientale, avec cinq événements depuis 2014, dont un qui a dépassé 1 m 50 de hauteur et qui a impacté les côtes de la Grèce et de la Turquie en juillet 2017.

Le CEA a étudié dès 2015 quel pouvait être l'impact de tels événements sur les côtes méditerranéennes françaises. À partir des résultats obtenus, des critères d'alerte spécifiques ont été établis pour les côtes françaises. L'évacuation des plages de la Côte d'Azur et de Corse a déjà été évitée à trois occasions.

Les messages d'alerte comprennent, pour chaque département, le niveau d'alerte attendu, qui a un niveau de couleur choisi par la sécurité civile, et l'heure d'arrivée estimée de la première vague de tsunami, ainsi que les instructions correspondant au niveau d'alerte de l'événement.

Depuis sa mise en service, le Cenalt a émis 44 messages à destination du Cogic, dont un orange au niveau international pour un séisme de magnitude 6,2 ayant induit un tsunami observé en mer d'Alboran, entre le Maroc et l'Espagne, et trois messages de niveau jaune en Méditerranée orientale, pour des événements qui ont induit des tsunamis observés en Grèce, en Italie et en Turquie.

Le 25 janvier 2016, un séisme a eu lieu à 4 h 22 GMT, 5 h 22 à l'heure française. Le message a été envoyé par le Cenalt à 4 h 30, soit huit minutes après le séisme : les ondes sismiques ont été détectées en une minute par une dizaine de stations ; l'opérateur a reçu dans la foulée une alerte sur son ordinateur ; en cinq minutes, il a visualisé les signaux, validé les mesures et les paramètres du séisme, lancé les calculs de propagation du tsunami et du niveau d'alerte puis le logiciel de rédaction des messages ; finalement, deux minutes supplémentaires ont suffi pour visualiser ces messages, les valider et les envoyer aux terminaux du Cogic et au système mondial de télécommunications. Cinq minutes plus tard, l'opérateur a téléphoné au Cogic pour vérifier que le message était bien réceptionné et confirmer oralement la localisation et le niveau d'alerte.

Dans les quatre heures qui ont suivi, il a vérifié sur l'ensemble des signaux marégraphiques disponibles en Méditerranée qu'un tsunami a bien été induit. Il a envoyé un message avec des mesures : une élévation du niveau de la mer de quelques centimètres avait été notée. Il a alors précisé au Cogic que cet événement ne serait pas menaçant pour les côtes françaises.

La rapidité et la robustesse du signal sont basées sur quatre éléments opérationnels indispensables : la permanence d'une équipe d'opérateurs formés pendant six mois à la sismologie et aux tsunamis, des logiciels automatiques interactifs, un système de transmission de messages robuste et fiable et des procédures validées régulièrement.

Depuis 2012, plus de 2 100 événements ont été traités pour la région Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, et plus de 19 000 au niveau mondial. De 2012 à 2016, le Cenalt a organisé tous les mois un test de communication avec le Cogic. À partir d'octobre 2016, ces tests ont été remplacés par des exercices tsunami mensuels basés sur un scénario sismique et de tsunami dans l'un des trois bassins de surveillance, afin que les opérateurs du Cogic se familiarisent avec les vrais messages d'alerte au tsunami.

Le Cenalt a également participé à trois exercices internationaux organisés dans le cadre de l'Unesco. Il a envoyé des messages d'alerte, à chaque exercice, et une dizaine de pays ont utilisé le scénario qu'il avait préparé. Le Cenalt est reconnu par l'Unesco comme centre de service d'alerte au tsunami. En 2016, il fut l'un des premiers centres à être accrédité.

Il a participé à des actions concernant l'alerte descendante, notamment, ces deux dernières années, avec la commune de Cannes, la préfecture des Bouches-du-Rhône et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il a fourni des éléments scientifiques pour le plan ORSEC tsunami et le plan communal de sauvegarde. Lors de tous les exercices auxquels a participé le Cenalt, le message d'alerte a été transmis aux Cogic entre six et huit minutes après le séisme.

Depuis l'entrée en service du centre d'alerte le 1er juillet 2012, le fonctionnement opérationnel est conforme à la mission confiée au CEA et au Cenalt, ainsi qu'aux objectifs et performances attendus. Le Cenalt est un des centres de service d'alerte au tsunami reconnus internationalement, comme en témoigne son accréditation par l'Unesco en 2016. Avec lui, la France s'est dotée d'une capacité opérationnelle et d'expertise au meilleur niveau mondial.

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