Intervention de Bertrand de Singly

Réunion du jeudi 24 janvier 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Bertrand de Singly, délégué pour la stratégie à Gaz réseau distribution France (GRDF) :

Merci de m'avoir convié à cette réunion. Je tiens à préciser en préambule que je suis également président de la commission gaz renouvelable de l'Association française du gaz et membre du syndicat des énergies renouvelables. Je m'exprimerai toutefois aujourd'hui au titre de mes fonctions au sein de GRDF.

Les 11 500 salariés de GRDF sont convaincus que la neutralité carbone est un enjeu essentiel. Notre nouveau projet d'entreprise, qui vient de démarrer, s'appelle « Vers l'avenir » et nous sommes au service des 9 500 communes propriétaires du réseau que nous exploitons pour les accompagner vers la neutralité carbone à long terme.

À nos yeux, parmi les trois filières de gaz renouvelable existantes et technologiquement connues, la méthanisation est celle qui, en 2019, apparaît comme la meilleure méthode de production de gaz renouvelable, puisqu'elle permet de donner de la stabilité aux exploitations agricoles, de gérer les déchets et d'améliorer la biodiversité grâce aux cultures intermédiaires. Cette filière est également la moins chère ; or cet aspect économique constitue un atout majeur pour les pouvoirs publics et est un élément structurant des choix politiques prochains effectués dans le cadre de la PPE.

Nous saluons le travail du groupe « méthanisation » mis en oeuvre en 2018 par le ministre Sébastien Lecornu. Grâce à une initiative parlementaire, cela a débouché dans la loi dite EGALIM sur le droit à injection, dont Mme Coron nous a indiqué que le texte réglementaire correspondant serait publié en avril. C'est très important puisque nous avons certes 1 térawattheure d'injection de gaz actuellement dans les réseaux, mais à horizon 2023, les perspectives sont de plus de 10 térawattheures, ce qui suppose non seulement que les projets parviennent au bout de leur financement, mais aussi de préparer la suite. En effet, une fois cet objectif de 10 térawattheures atteint, il faudra, pour aller au-delà, faire évoluer les réseaux. La question se posera alors aux gestionnaires de réseaux, transporteurs et distributeurs de gaz, de savoir comment procéder pour déplacer le gaz renouvelable et le répartir. On peut, comme dans le domaine de l'électricité, imaginer que du gaz soit produit à un moment donné mais ne soit pas consommé sur place. Du gaz pourrait par exemple être produit dans une commune composée essentiellement de clients résidentiels et devoir être transporté dans la commune voisine où existerait un besoin industriel. Faire évoluer un réseau requiert du temps. Nous nous y préparons et avons besoin d'une vision de long terme sur le but visé.

Je salue l'implication forte des agriculteurs, des collectivités locales et des organisations non gouvernementales, tous convaincus que le gaz renouvelable a toute sa place dans la transition énergétique. Nous avons par ailleurs la chance de disposer en France du meilleur laboratoire de recherche en biotechnologies, dont l'un des représentants est présent aujourd'hui.

Les freins rencontrés sont de plusieurs ordres. Certains ont déjà été listés. Parmi les freins transverses, citons notamment le temps entre les annonces et la décision. Nous ignorons par exemple ce que sera la PPE, mais le seul fait d'en discuter depuis un certain temps fait que les gens se posent des questions : croit-on ou non au gaz renouvelable ? Où va-t-on ? Nous estimons pour notre part qu'en termes de processus, réfléchir deux ans tous les cinq ans mobilise beaucoup de ressources, que l'on pourrait utiliser plutôt pour développer la filière. On consacre ainsi beaucoup de temps à la réflexion et peut-être pas suffisamment à l'action, qui supposerait l'existence d'un droit à l'erreur. Il existe de très nombreuses règles et nous ne sommes pas sûrs de pouvoir les modifier et les faire évoluer intelligemment ; mais consacrer plusieurs années à une réflexion visant à définir la meilleure solution freine l'action pendant la période considérée. Depuis mon arrivée chez GRDF, voici un peu plus de trois ans, j'entends parler de certains aspects de façon récurrente, sans qu'il se passe quoi que ce soit : cette inertie s'explique par le fait que l'on n'est pas sûr d'avoir trouvé la meilleure solution. Mais en réalité, personne ne la connaît et il faudrait de temps à autre être en mesure de faire évoluer les choses, quitte à appliquer ensuite des actions de correction si les résultats n'étaient pas ceux escomptés. Attendre la solution parfaite conduit à l'inaction.

Il existe aujourd'hui de grandes incertitudes quant à l'évolution des mécanismes de soutien. L'ADEME a souligné qu'il fallait quatre à cinq ans pour construire un projet. Avant de faire évoluer le type de soutien, il importerait donc de mener une véritable réflexion sur les impacts potentiels de ces modifications. Imaginer que la méthanisation agricole revient au même qu'installer des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques est un raccourci certes sympathique, puisque les trois techniques renvoient à la production d'énergies renouvelables, mais qui ne correspond absolument pas à la réalité. On maîtrise en effet différemment le soleil, le vent et les intrants agricoles. « Copier-coller » les mécanismes est donc très séduisant, mais les choses sont plus compliquées.

Il existe, face à cette situation, divers leviers. On pense par exemple à des vecteurs législatifs : la « petite loi » sur l'énergie est ainsi annoncée, tout comme le projet de loi d'orientation des mobilités avec l'usage pour les collectivités du bio-GNV. Des réflexions sont par ailleurs en cours sur la fiscalité. Aujourd'hui, il n'existe par exemple, concernant les énergies renouvelables (ENR) gaz, aucune fiscalité pour les communes, alors que cela existe pour les ENR électriques. Il convient également d'envisager la question de l'acceptabilité : faut-il repenser la fiscalité pour que les communes qui acceptent d'accueillir des méthaniseurs en bénéficient ?

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