Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 5 mars 2019 à 15h00
Débat en vue du conseil européen des 21 et 22 mars 2019

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Je souhaite plus particulièrement insister sur les enjeux de ce sommet qui se tient quelques semaines avant les élections européennes. Je développerai aussi certaines des propositions du groupe Socialistes et apparentés en vue de protéger les citoyens français et européens.

Il est clair, tout d'abord, que le Brexit ne sera pas au programme du Conseil. Qu'il en soit ainsi peut s'expliquer par ce qui se passe au Royaume-Uni. Je note en effet que ceux qui sont favorables à la sortie de l'Union européenne entendent aujourd'hui investir de l'argent public dans les zones les moins développées, qui ont voté pour le Brexit. Est-ce un hasard ? Je ne le pense pas. Rétrospectivement, que la croissance n'ait pas été homogène dans un pays a donc été un facteur d'affaiblissement de l'Europe dans son ensemble.

Sur l'emploi, la politique industrielle et la compétitivité, il me semble utile de rappeler des idées qui, si évidentes soient-elles, doivent guider notre action.

En Europe, la politique industrielle est mise sous le boisseau d'une politique de concurrence considérée comme la priorité des priorités. Ainsi que l'a avancé un économiste il y a plusieurs années, la politique industrielle a été, et demeure peut-être, un passager clandestin de la politique communautaire.

L'Union européenne n'apparaît pas ou plus comme un obstacle au déploiement d'une politique active. Toutefois, ses choix semblent portés par une vision commerciale, la priorité ayant été d'uniformiser les pratiques de commerce international des États membres, avec un abaissement progressif des barrières douanières. À l'inverse, les États-Unis et la Chine ont une politique agressive en matière de défense de leurs intérêts commerciaux.

Le renforcement de la compétitivité européenne semble parfois être estimé à l'aune de la seule référence aux économies d'échelles que permet l'harmonisation des marchés nationaux dont l'Europe a hérité.

Une vision alternative consiste à dire que ce renforcement ne peut venir de ce seul axe. Il faut donc mieux valoriser ce qui a fait et fait encore l'excellence européenne, à savoir les biens industriels « haut de gamme », les produits protégés par des labels et appellations, les produits industriels de petite série relevant d'une haute technologie, les réseaux d'entreprises et les relations avec les grandes institutions de recherche.

En matière de propriété intellectuelle, l'Union doit aussi faire valoir des solutions plus ouvertes et offensives, qui permettent aux entreprises de construire des innovations autour de systèmes évolutifs, comme c'est par exemple le cas dans les domaines de la téléphonie et de l'automobile.

Enfin, une attention particulière doit être portée aux infrastructures financées par l'Europe et aux interconnexions qu'elles permettent. Ainsi, il faut faire preuve de volonté pour promouvoir une politique industrielle et commerciale européenne.

Venons-en à l'Europe qui protège, un thème que les socialistes défendent depuis plusieurs années. Quant à l'Europe qui protège les citoyens, nous l'avons déjà dit ici : l'urgence va à une politique de l'emploi et de la formation en faveur de tous les jeunes, dont près de 16 %, dans l'Union européenne, sont au chômage, et dont beaucoup vivent au-dessous du seuil de pauvreté. L'effort collectif toucherait également toutes les familles.

Nous défendons aussi la nécessité d'une harmonisation de la fiscalité, afin de lutter contre les inégalités : il faut taxer les géants du numérique, dits GAFA, mais aussi les grandes entreprises qui ne paient pas d'impôt là où elles vendent. La France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, qui à elles quatre représentent plus de 75 % de la population et du PIB de la zone euro, doivent s'entendre pour instituer un impôt sur les plus grands patrimoines, qui pourrait financer un new deal vert de la transition écologique. Je note que les démocrates qui s'opposent à Trump font prospérer l'idée outre-Atlantique !

Sur l'Europe qui protège, nous défendons aussi le principe d'une Europe qui sait se défendre. Nous ne devons pas nous méprendre sur les raisons de la crise de confiance démocratique qui ébranle nos États. La crise n'a pas une origine culturelle mais sociale, et si l'on évoque souvent les migrations comme cause, ou révélateur, de nos propres difficultés, rappelons-nous que le nombre de migrants entrant dans l'Union européenne était beaucoup plus élevé avant la crise financière : 1,2 million par an entre 2000 et 2008. Or cela semblait susciter moins de questions.

Quant aux migrations humanitaires, la solidarité européenne est nécessaire pour que les pays plus exposés aient réellement le sentiment de participer à une frontière commune. De façon pratique, lors de la précédente législature, notre assemblée s'était prononcée pour un corps européen de gardes-frontières et pour le financement de moyens adaptés.

Concernant les migrations à dominante économique, aucune règle commune n'est fixée dans l'Union européenne. Il faudra bien, tôt ou tard, proposer un cadre commun. Une conférence internationale de l'Union européenne et de ses voisins méditerranéens pourrait donc s'avérer utile.

Ne nous trompons pas de débat : aujourd'hui, la lutte oppose ceux qui veulent bâtir une puissance publique démocratique et sociale permettant de réguler la mondialisation, et ceux qui, invoquant des déterminismes culturels, refusent de lutter contre les inégalités, et laissent l'Union européenne à des demi-mesures et à des outils que ne guide aucun dessein d'ampleur. C'est là-dessus que nous devons tous nous mobiliser.

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